Stéphane Montagnon, Holson : "Changer les règles des avantages en nature, c’est toucher au pouvoir d’achat des salariés"
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Journal des Flottes : Comment décryptez-vous la décision du gouvernement de changer les règles pour les avantages en nature des voitures de fonction ?
Stéphane Montagnon : Le changement des règles des avantages en nature est nécessaire. Les habitudes des entreprises ont changé. Elles ne veulent plus payer le carburant pour les trajets personnels. Les principes Urssaf pour contrôler cette règle sont impossibles à mettre en œuvre. Les technologies évoluent, je pense notamment à la télématique qui permet un contrôle du respect des règles. Concernant les véhicules électriques, ils ont besoin de règles spécifiques pour tenir compte des objectifs de décarbonation et d’un changement complet des habitudes des conducteurs qui chargent davantage à la maison qu’en station.
JDF : Ne trouvez-vous pas la hausse trop forte et trop soudaine ?
SM : Les entreprises ont besoin de visibilité sur plusieurs années pour adapter leurs pratiques. Prévoir une augmentation de la fiscalisation des avantages en nature pour les véhicules thermiques sur quatre ans aurait permis d’accompagner le changement en envoyant un message fort sans prendre au dépourvu les entreprises et les salariés. Augmenter fortement les avantages en nature à partir de février en informant les entreprises tardivement est une décision discutable. Il faut maintenant faire aussi en sorte que le véhicule électrique devienne la norme en proposant un système qui ne soit pas soumis à des abattements revus annuellement.
JDF : Quel est le message envoyé avec cette décision ?
SM : Jusqu’à présent, la fiscalité automobile était lisible. Une entreprise qui ne réalisait pas sa transition énergétique vers l’électrique et qui ne réduisait pas ses émissions de CO2 de 5 g/km chaque année savait qu’elle va payer de plus en plus cher. Changer les règles des avantages en nature, c’est toucher au pouvoir d’achat des salariés et augmenter le coût de détention de tous les véhicules. Le faire sans délai de prévenance, c'est nier les réalités : les véhicules sont conservés sur des durées longues et les entreprises ne peuvent pas piloter leurs coûts si elles n’ont pas de visibilité sur plusieurs années ; c’est ouvrir la porte aux solutions les moins couteuses. Les constructeurs chinois ont des produits moins coûteux en thermique et en électrique. Il suffit de faire sauter une dernière digue pour que les entreprises françaises se détournent de leurs habitudes franco-européenne. La course au loyer ou prix d’achat plus bas est lancée.
JDF : Il aurait fallu une évolution plus progressive ? Quel rythme aurait pu être instauré ?
SM : Le bon sens aurait été d’annoncer que les avantages en nature des véhicules thermiques allaient augmenter de 10 % par an à partir de 2026 pour atteindre 60 % en 2029, contre 30 % aujourd’hui. Dans le même temps, le gouvernement aurait dû annoncer que les abattements sur les véhicules électriques prendraient fin progressivement d'ici quatre ans, avec 50 % d'abattement en 2025, 40 % en 2026 et jusqu'à 0 % en 2029. Cette double mesure aurait permis de diminuer la niche fiscale du véhicule électrique et de sanctionner graduellement les entreprises qui ne feraient pas le choix de la transition énergétique.
JDF : Quelles sont les solutions à disposition des entreprises pour pallier cette hausse des avantages en nature ?
SM : Plusieurs solutions existent pour réduire la facture. Bien entendu, le maintien des abattements faits que le nouveau système est plus favorable aux électriques. Les autres pistes d'optimisation demeurent : étudier le passage à un calcul au réel des avantages en nature pour les grands rouleurs professionnels et mettre en place une redevance ou une participation du collaborateur pour partager le surcoût. Le système de redevance est bien plus répandu que ne l'imaginent les entreprises. À titre d'exemple, Holson a accompagné plus de 50 entreprises sur les quatre dernières années pour le mettre en place.
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