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Quand l’électrification joue avec le feu

Publié le 14 mars 2024

Par Damien Chalon
3 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory – Depuis plusieurs semaines, de multiples petits grains de sable semblent venir gripper la machine à électrifier le parc automobile hexagonal. Cela n’a pas encore d’impact sur les immatriculations de véhicules 100 % électriques (en entreprise en février, les VP électriques ont même dépassé les modèles diesel, une première), mais les incertitudes s’accumulent.
électrification du parc auto
À l'heure actuelle, la France compte plus de 120 300 points de charge et séduit de plus en plus d’opérateurs désireux de prendre pied sur ce marché (plus de 100 acteurs présents et actifs), mais la disponibilité des équipements laisse à désirer selon les chiffres de l'Avere. ©AdobeStock-Naypong Studio

Côté constructeurs, des voix s’élèvent pour temporiser certains projets de lancements ou d’investissements ; d’aucuns vont même jusqu’à programmer le retour de modèles thermiques. Les Chinois eux-mêmes se mettent à jouer la carte des motorisations hybrides, alors qu’ils détiennent les clés du marché électrique mondial. La question d’un report de l’échéance de 2035 pour l’interdiction des véhicules thermiques en Europe est de moins en moins taboue dans le discours des grands patrons automobiles.

 

Le prix de l’électricité, souvent présenté comme un des piliers de l’écosystème face à des tarifs des carburants faisant les montagnes russes à la pompe, pourrait bien, à terme, s’ajouter aux freins déjà identifiés (prix d’achat, autonomie des modèles, maillage du réseau de bornes, équipement des copropriétés…). Le programme de relance du nucléaire, avec la construction de six nouveaux EPR2, vient d’être revu à la hausse par EDF : il faudra compter au bas mot 67,4 milliards d’euros, et non pas 51,7 milliards, pour ces nouveaux ouvrages, garants de la souveraineté énergétique de la France.

 

Pour financer ce différentiel, il y a fort à parier que les factures d’électricité des ménages et des entreprises seront mises à contribution. On n’en a donc sans doute pas fini avec les hausses à deux chiffres des tarifs, ce qui pèsera au final sur le coût d’usage des voitures électriques.

 

Les dernières statistiques sur le réseau national de bornes de recharge publiques sont également susceptibles d’inquiéter les observateurs. Certes la France compte plus de 120 300 points de charge, certes elle séduit de plus en plus d’opérateurs désireux de prendre pied sur ce marché (on compte plus de 100 acteurs présents et actifs), mais la disponibilité des équipements laisse à désirer. Selon les résultats fournis par l’Avere, ce taux est passé à fin janvier de 85 % à 81 % pour les bornes de recharge inférieure à 150 kW et à 77 % pour les bornes d’une puissance supérieure à 150 kW.

 

Alors certes, l’utilisation moyenne d’une borne de recharge publique n’excède pas un branchement tous les deux jours, et 80 % des recharges se font à l’heure actuelle au domicile des utilisateurs. Ce n’est pas une raison. Si l’on ajoute à ces différents éléments le fait que les trajets en itinérance restent coûteux, complexes si l’interopérabilité ne se généralise pas, il ne faut pas être surpris que les entreprises se posent des questions.

 

Déjà pressées de verdir leurs parcs automobiles avec les lois LOM et Climat & Résilience, elles pourraient prochainement être pénalisées financièrement en cas de non-respect de ces quotas avec la proposition de loi du député Renaissance, Damien Adam. Un caillou supplémentaire potentiel, après l’arrêt brutal des bonus à l’achat ou à la location pour les personnes morales en février 2024.

 

Le marché entreprise soutient la croissance des immatriculations en France depuis de nombreuses années ; faisons en sorte de continuer à lui donner les moyens de se développer et de mettre des véhicules "dits propres" à la route : à savoir de la visibilité, de la pérennité et la capacité d’anticiper la conduite du changement.

 

L’Arval Mobility Observatory

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