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LLD : dans l’ombre des géants

Publié le 27 avril 2023

Par Damien Chalon
10 min de lecture
Le marché de la location longue durée est dominé par une poignée d’acteurs engagés dans une course effrénée à la croissance. Mais des alternatives existent avec des intervenants de taille beaucoup plus modeste. Le Journal des Flottes est allé à leur rencontre.
le marché de la lld est en pleine recomposition
Le secteur de la location longue durée se compose de nouveaux géants, ce qui n'empêche pas des acteurs de taille plus modeste de tenter de tirer leur épingle du jeu. ©Adobe Stock - freshidea

La course au gigantisme fait rage sur le marché de la location longue durée. Le rachat de LeasePlan par ALD va donner naissance à un géant mondial fort de 3 millions de véhicules sous contrat. Arval a récemment atteint 1,6 million d’unités et vise les 2 millions en 2025. La nouvelle coentreprise formée par Stellantis et Crédit Agricole, Leasys, table, pour sa part, sur 1 million de contrats en 2026, sans oublier Lease & Co, la nouvelle entité de LLD du groupe Renault, qui ambitionne aussi de franchir le million, mais en 2030. Des chiffres qui donnent le tournis.

 

Force est de constater que la location longue durée a basculé dans un schéma industriel, portée par l’appétit grandissant des entreprises et des particuliers pour cette formule.

 

Baisse de la qualité de service

 

Mais la réduction du nombre d’acteurs, à force de mouvements de concentration, n’est pas du goût de tous les acheteurs. Certains choisissent de se tourner vers d’autres interlocuteurs, de taille plus modeste, comme Olinn, One Lease, Flease, Lizy, Myvee, Movivolt ou Watèa, ou encore des courtiers spécialisés comme MyLeasing, PCA Services ou Fleetway. Ces acteurs alternatifs dressent tous un constat identique : le marché de la LLD en France n’est plus assez concurrentiel.

 

"Notre analyse chez One Lease est que le marché français de la location longue durée va bientôt manquer cruellement de concurrence. Nous nous retrouvons avec trop peu d’acteurs et si on regarde les pays limitrophes, nous sommes dans une situation qui n’existe pas ailleurs. Les quatre grands opérateurs que sont Renault, Stellantis, Arval et ALD règnent en maîtres sur leur marché national. Et ce n’est pas bon", analyse Marc Charpentier, directeur commercial de One Lease.

 

A lire aussi : Enrico Rossini, Mobilize Lease & Co : "Notre ambition est d'atteindre le million de véhicules en parc en 2030"

 

Le cœur du sujet, dans ce contexte, tourne autour de la qualité de la relation client, qui tend à se dégrader à mesure que les grands loueurs montent en puissance. "L’expérience client est jugée déceptive chez les acteurs traditionnels de la location longue durée", note Constantin Eliard, cofondateur de Flease, spécialiste de la LLD de véhicules d’occasion récents.

 

Il est rejoint dans son analyse par Marc Charpentier : "Quand vous avez peu de concurrence, cela a des conséquences qui sont dramatiques pour les clients. C’est probablement la qualité du service rendu qui en souffre. Chaque année, la qualité diminue chez les grands acteurs, nous avons le sentiment qu’ils veulent faire plus de profit, plus de chiffre d’affaires, avec moins de personnel."

 

Évidemment, tous les clients ne sont pas logés à la même enseigne. Les grands comptes bénéficient d’un accompagnement que n’ont pas les entreprises dont la flotte s’élève à quelques dizaines, voire quelques centaines de véhicules.

 

La clé, c’est l’argent

 

Ces dernières sociétés sont la cible privilégiée des acteurs alternatifs. "En termes de clientèle, nous visons aussi bien les entreprises que les associations et les collectivités. Nous couvrons les structures qui ont de 1 à 1 000 véhicules", présente Charles Friot, directeur solutions automobiles chez Olinn.

 

Au-delà, un problème se pose. Les volumes deviennent tellement importants que les loueurs alternatifs n’ont pas nécessairement la capacité financière pour lutter. Le nerf de la guerre dans le milieu de la location longue durée, ce sont les liquidités.

 

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Le cas de One Lease, qui n’est ni rattaché à une banque, ni à un constructeur, illustre parfaitement les enjeux dans ce domaine. Le loueur fondé en 2017 par des anciens de la maison Parcours, rachetée en 2016 par ALD, n’a pas d’autres choix que d’ouvrir une partie de son capital tous les deux ou trois ans pour faire rentrer de nouveaux investisseurs et ainsi lever de la dette.

 

"Nous sommes sur le point d’ouvrir à nouveau notre capital, une opération qui sera suivie d’une levée de dette de 20 millions d’euros, ce qui nous permettra de financer environ 600 véhicules. Nous devons régulièrement renforcer nos fonds propres pour rassurer nos prêteurs qu’il s’agisse d’acteurs privés, de banques ou de filiales de constructeurs automobiles qui nous accordent des lignes de financement", explique Marc Charpentier.

 

Notre présence est pérenne sur le marché Charles Friot

 

À terme, l’équipe dirigeante, qui est encore majoritaire, ne le sera plus. "C’est le lot des structures de notre taille", poursuit le directeur commercial. One Lease dispose à ce jour de plus de 2 500 véhicules sous contrat avec un portefeuille de 1 000 commandes.

 

Des actionnaires solides

 

D’autres structures sont moins exposées. C’est le cas d’Olinn, qui est depuis 2021 une filiale à 100 % de Crédit Agricole Leasing & Factoring. "Effectivement, il est important de rappeler que nous avons un gros acteur financier avec nous, notre présence est donc pérenne sur le marché. Cela nous permet aussi d’être agressifs commercialement", souligne Charles Friot.

 

Le groupe Olinn accompagne ses clients dans tous leurs projets d’investissement locatif et de gestion technique de leurs équipements IT, mobiles, médicaux et industriels. La location longue durée de véhicules fait partie de son dispositif depuis le rachat d’AGL Services en 2020. L’activité LLD représente environ 25 % du chiffre d’affaires, avec 4 000 véhicules sous contrat et une croissance de plus de 10 % par an.

 

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Movivolt a également les reins solides grâce à ses principaux actionnaires que sont La Poste, la Banque des Territoires et la Caisse des Dépôts. Emmanuel Bonnaud, son président, ne s’en cache pas : "Nous avons effectivement la chance d’être adossés à deux grands groupes. Nous avons des ressources financières grâce à eux sans lesquelles nos débuts auraient pu être beaucoup plus compliqués."

 

Fin 2022, Movivolt disposait de 600 véhicules sous contrat et son ambition est de faire au moins le double cette année. Sa spécialité est la LLD de véhicules électriques, à 95 %, le solde étant constitué de modèles hybrides. Priorité était donnée à l’origine aux utilitaires, qui composent 70 % de la flotte, mais les voitures particulières montent progressivement en régime.

 

Les spécialistes de la location longue durée de véhicules d’occasion pour les professionnels sont confrontés à la même problématique. Lizy, une start‑up belge, a ainsi levé 40 millions d’euros en octobre dernier pour s’attaquer au marché français. Son concurrent dans l’Hexagone, Flease, avait de son côté recueilli 3 millions d’euros en 2021, de quoi lui permettre d’atteindre près de 1 000 véhicules sous contrat fin 2022. Constantin Eliard admet sa chance "d’avoir des partenaires financiers qui nous soutiennent depuis le début et qui nous permettent de nous développer assez fortement."

 

Ne pas négliger le service

 

Mais l’argent ne fait pas tout. Encore faut-il être à la hauteur en termes de qualité de service. Accabler les grands loueurs sur ce point est une chose, mais cela implique d’être irréprochable. "Olinn se différencie par la simplicité de son fonctionnement. Notre structure est dotée d’un back‑office qui regroupe tous nos services sur un seul site à Aix-en-Provence. Ainsi, l’information circule très très vite, il y a une grosse culture dans notre entreprise sur la proximité client. Nous nous distinguons aussi par notre faculté à prendre des décisions et à les exécuter très rapidement. L’agilité est une réelle force chez Olinn avec une grande capacité à s’adapter à tous les process des clients", souligne Charles Friot.

 

Le loueur a, par exemple, lancé une offre de LLD de véhicules récents de moins de 24 mois et 30 000 km pour accompagner au mieux les entreprises. La dimension conseil, notamment sur les énergies, prend également de l’importance, la démarche allant même jusqu’à opérer des audits sur site. Olinn se positionne enfin sur le sujet des bornes de recharge et celui de la mobilité avec de la LLD de vélos en partenariat avec Tandem.

 

De son côté, Movivolt se veut également agile, tout en bénéficiant d’appuis solides, comme l’explique Emmanuel Bonnaud : "Fatec nous accompagne sur la partie opération des contrats et mises à la route, Véhiposte sur certaines fonctions support et La Banque Postale sur les dossiers de financement."

 

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Le loueur se veut surtout au service de ses clients en scrutant les moindres opportunités de marché, que ce soit en termes de délais de livraison ou d’offres produits. Des protocoles ont été signés avec tous les constructeurs du marché, mais Movivolt est aussi sorti des sentiers battus en travaillant par exemple avec B-ON et DFSK, tout en examinant de près ce que proposera bientôt Maxus sur le marché français.

 

One Lease s’aventure également du côté des marques chinoises électriques, dans la mesure où l’électrification est, comme pour Movivolt, un réel leitmotiv, là où les grands loueurs avancent avec retenue. "Nous sommes fiers d’avoir un mix 100 % électrique de 25 % sur nos prises d’ordre, ce qui est très élevé, confie Marc Charpentier. Et si je prends tous les véhicules électrifiés, je pense que nous sommes à 60 %."

 

Tous les clients ne sont pas prêts à rouler avec des voitures chinoises Marc Charpentier

 

One Lease a notamment livré les premières MG4 à ses clients. "Nous la préconisons, d’autant plus que nous l’avons testée, au même titre que les modèles de chez Aiways par exemple. C’est un pavé dans la mare en Europe. Je pense qu’ils vont tenir la position longtemps et que c’est le vrai prix des véhicules électriques. Après, tous les clients ne sont pas prêts à rouler avec des voitures chinoises", complète le directeur commercial.

 

Disponibilité des véhicules

 

Chez Flease, la clé de la réussite est la disponibilité rapide des véhicules, mais aussi la flexibilité. "Notre force étant d’avoir des véhicules en stock qui sont disponibles immédiatement. Nous disposons d’un catalogue de plus en plus exhaustif, nous savons quasiment tout faire tant au niveau du format des véhicules que des énergies. Nous sommes capables de faire face aux demandes actuelles des entreprises dans un contexte de pénurie", clame Constantin Eliard.

 

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Il n’en dira pas plus, notamment sur ses sources d’approvisionnement. L’autre point est que les clients peuvent changer de véhicule dès 18 mois de location, sans pénalité. Le dirigeant mise sur le fait que "les clients ne veulent plus être verrouillés avec un modèle précis sur une longue durée". Argument ultime, Flease se veut plus compétitif que la concurrence dans la mesure où ses véhicules sont des occasions récentes, donc moins chères. Cela se traduit par une fiscalité plus avantageuse, aussi bien sur les amortissements non déductibles que les avantages en nature.

 

Le constat est donc que tous ces loueurs alternatifs ont de la ressource et des idées. Un jour, peut‑être, l’un d’entre eux sera à son tour absorbé par un géant, ou peut‑être certains deviendront‑ils des acteurs majeurs du marché. Ils auront, quoi qu’il arrive, tenté de tirer leur épingle du jeu.

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