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Hydrogène : entre le rêve et la réalité, il y a un fossé

Publié le 3 octobre 2024

Par Jean-Baptiste Kapela
4 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory – La barre des 100 000 véhicules à hydrogène dans le monde devrait être franchie fin 2024. Pour autant, l'engouement pour cette énergie dans la mobilité semble s'essouffler, du fait d'une certaine méconnaissance à son sujet et de sa complexité.
Tribune Arval hydrogène
La Machina, le véhicule à hydrogène d'Hopium qui devait concurrencer Tesla. ©AdobeStock-VanderWolf Images

C’était il y a tout juste deux ans, lors de la dernière édition du Mondial de l’Auto à Paris : une voiture à hydrogène, développée par la société Hopium, avait volé la vedette à bon nombre de constructeurs. De l’eau a, malheureusement pour la jeune entreprise, coulé sous les ponts et la belle "Machina" de 2022 a perdu de sa superbe. L’histoire était trop belle pour être vraie…. La berline à hydrogène ne verra pas le jour et ne fera pas d’ombre à Tesla, la société Hopium s’étant muée, depuis, en un fournisseur de motorisation.

 

Cet exemple illustre le long chemin qui attend la filière hydrogène pour jouer un véritable rôle dans la transition énergétique. Le haro général sur les énergies fossiles a fait émerger, parfois trop rapidement et dans un enthousiasme exagéré, des solutions alternatives qui ne répondent pas toujours aux attentes, ou qui ne sont pas instantanément acceptées par les consommateurs. Les derniers chiffres du marché électrique, à la peine depuis plusieurs mois en Europe, en attestent.

 

Dans le cas de l’hydrogène, on est plus dans le registre de la mauvaise connaissance, quand ce n’est pas la méconnaissance. "Pour certains, il représente l’énergie du futur, celle dont les usages, variés et illimités, permettront de détacher nos économies des combustibles fossiles, écrit Aurore Richel, professeur à l’Université de Liège, sur le site The Conversation (1). Depuis quelques années, une nouvelle économie s’est construite autour de l’hydrogène, soutenue par des plans nationaux et des investissements hors norme. Pourtant, cet engouement repose davantage sur l’efficacité de la communication et du storytelling, que sur des faits scientifiques concrets."

 

Et la spécialiste des énergies renouvelables de rappeler que l’hydrogène, "hormis en ce qui concerne les quelques gisements géologiques disponibles, n’est pas une source d’énergie en tant que telle : il faut de l’énergie primaire pour le synthétiser". Et c’est là que le bât peut blesser…. Puisqu’il faut disposer de suffisamment de capacités en énergie renouvelable.

 

"Faire croire que l’hydrogène est la solution ultime à nos problèmes énergétiques et climatiques est donc trompeur, et risque d’encourager les consommateurs à utiliser davantage d’énergie, plutôt que de miser sur davantage de sobriété", conclut l’article de The Conversation. L’hydrogène, oui, mais "pas que", et pas à n’importe quelles conditions.

 

On ne peut être plus clair. Mais au fait, où en sont les ventes de véhicules hydrogène à date ? À l’occasion de la 4ᵉ édition du forum Hydrogen business for climate qui s’est tenue à Montbéliard les 1ᵉʳ et 2 octobre 2024, le premier Baromètre du déploiement de la mobilité hydrogène a été publié. Il a vocation, selon ses auteurs, à devenir annuel et à permettre ainsi de suivre l’évolution de l’hydrogène dans les transports. On y apprend que le parc mondial de véhicules routiers à hydrogène devrait dépasser les 100 000 unités d'ici à la fin de l’année, que la France est devenue le premier marché européen pour ces voitures à hydrogène en 2023, avec 306 véhicules immatriculés, devant l'Allemagne (263) et les Pays-Bas (106). Ou encore, que le réseau de stations s’étoffe, lui aussi : 99 stations à l’échelle mondiale, dont une cinquantaine en France.

 

Doucement, mais sûrement, les nouvelles formes de motorisations peuvent trouver leur place dans le paysage économique. À condition de ne pas chercher à aller trop vite, ou d’occulter les freins à leur développement. L’électrique constitue, à ce titre un bon exemple de ce qu’il n’aurait sans doute pas fallu faire : supprimer trop vite des aides à l’achat alors que le marché n’est pas mature, laisser s’envoler les prix catalogues, au point que de moins en moins d’acquéreurs peuvent franchir le seuil des concessions, jouer la carte de la contrainte et des pénalités financières pour obliger les automobilistes et les entreprises à changer de motorisation. Fin septembre, le marché automobile français et celui des entreprises ont tous deux basculé dans le rouge. Combien de temps faudra-t-il avant qu’ils n’en sortent ?

 

L’Arval Mobility Observatory

 

(1). https://theconversation.com/les-couleurs-de-lhydrogene-un-discours-trompeur-pour-la-transition-energetique-237522?utm_medium=email&utm_campaign=La%20lettre%20de%20The%20Conversation%20France%20du%201%20octobre%202024%20-%203114631783&utm_content=La%20lettre%20de%20The%20Conversation%20France%20du%201%20octobre%202024%20-%203114631783+CID_d16a366c989aae52e46a9bf1cfb3dd7c&utm_source=campaign_monitor_fr&utm_term=Les%20%20c. 2 octobre 2024.

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