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David Decultot, Ayvens : "Le renforcement du dispositif fiscal joue en faveur du verdissement des flottes"

Publié le 2 octobre 2025

Par Jean-Baptiste Kapela
7 min de lecture
Pour David Decultot, directeur conseil chez Ayvens France, les réformes fiscales ont permis d'accélérer le verdissement des flottes. Les entreprises ont désormais saisi les enjeux de l’électrification, mais elles ont, pour une partie d'entre elles, encore un retard à combler.
David Decultot
David Decultot, directeur conseil chez Ayvens France. ©Ayvens

Le Journal des Flottes : La mise en place de la taxe annuelle incitative (TAI) sur le verdissement des flottes a-t-elle provoqué une prise de conscience dans les entreprises en matière d’électrification ?

David Decultot : Cette année particulièrement, je crois que nous assistons en effet à une véritable prise de conscience. Les entreprises accélèrent sur le sujet du verdissement des flottes et ça se ressent. En toile de fond, il y a les enjeux de décarbonation qui concernent tout le monde.

 

Aujourd'hui, la mobilité représente un peu plus de 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France et, dans cette part-là, près de 95 % proviennent du transport routier, où les véhicules légers pèsent considérablement. Évidemment, les entreprises sont les premières concernées, avec des flottes importantes qui roulent davantage en moyenne que les particuliers.

 

C’est vrai qu'en 2025, les questions de fiscalité et de réglementation ont accéléré les choses. La TAI, c’est 2 000 euros de pénalités par véhicule : forcément, ça fait réagir. Mais je considère que c’est l’ensemble du dispositif fiscal qui joue dans le sens du verdissement des flottes : le malus au poids, la TVS et la réforme des avantages en nature (AEN). C’est d’ailleurs ce dernier dispositif qui, après la TAI, fait le plus bouger les lignes.

 

Finalement, aujourd’hui, un collaborateur qui possède un véhicule thermique ou hybride et qui reste sur ce type de modèle voit son avantage en nature augmenter de 77 %. Ce n’est pas neutre, ni pour lui ni pour l’entreprise, qui doit assumer des charges supplémentaires.

 

JDF : La loi d’orientation des mobilités (LOM) sonnait déjà comme un avertissement pour verdir les flottes. Avec la nouvelle taxe incitative, les entreprises sont-elles désormais à jour ?

D.D. : En effet, il y avait déjà les objectifs de la LOM, notamment pour les flottes de plus de 100 véhicules, avec des obligations bien définies applicables depuis 2022. Mais faute de sanction, beaucoup d’entreprises n’ont pas joué le jeu. Avec la TAI, on change un peu de logique. L’objectif pour 2025 est d’avoir au moins 15 % de véhicules à faibles émissions dans la flotte. J’identifie trois scénarios possibles.

 

Dans le premier cas, les entreprises qui ont respecté les objectifs de la LOM sont déjà proches de la cible. Avec un rythme de renouvellement moyen autour de quatre ans, elles peuvent atteindre les 15 % de véhicules à faibles émissions au 1er janvier 2026.


Deuxième scénario : l’entreprise n’a pas joué le jeu et continue d’ignorer le verdissement en 2025. Là, elle subira de plein fouet l’impact de la TAI. Rappelons que son barème est de 2 000 euros par véhicule cette année, mais qu’il doublera en 2026.


Enfin, il y a le cas intermédiaire, le plus fréquent : une entreprise qui n’avait pas respecté la LOM mais qui s’y met franchement en 2025. Dans ce cas, la TAI prévoit un coefficient pondérateur. En privilégiant massivement l’électrique au détriment du thermique lors des renouvellements, elle pourra atténuer son impact.

 

JDF : Avec la réforme des AEN, où seuls les véhicules écoscorés sont pris en compte, cela a-t-il modifié les car policies ?

D.D. : Complètement, surtout pour les entreprises qui avaient déjà intégré des véhicules électriques. Certaines ont fait le tri pour ne conserver que des modèles écoscorés. Il faut dire que l’impact peut devenir conséquent pour le collaborateur : choisir un véhicule électrique non écoscoré implique souvent des loyers ou des prix catalogue plus élevés que pour un thermique. Sans abattement, c’est extrêmement désavantageux.

 

 

JDF : Quelle part représente l’électrification dans les commandes d'Ayvens ?

D.D. : Cette année fiscale un peu particulière révèle deux tendances opposées. Premièrement, au premier semestre, nous avons constaté un certain attentisme de la part de nos clients. D’ordinaire, les mesures fiscales tombent en décembre, ce qui permet d’avoir de la visibilité sur l’année suivante. Mais en 2025, cela s’est fait en trois temps : fin décembre 2024 avec les premières annonces, puis la TAI dans la loi de finances adoptée par 49-3 mi-février, et enfin la réforme des AEN mi-mars. Beaucoup de clients ont prolongé leurs contrats en attendant d’y voir plus clair. 

 

Deuxièmement, à l’inverse, nous avons observé un volontarisme marqué chez d’autres. Au niveau global du marché, en août 2025, les prises de commandes de véhicules électriques ont progressé de 54 % par rapport à 2024. Pour les grandes entreprises, c’est clairement lié à la TAI. Pour les ETI, c’est plutôt la réforme des AEN qui a joué. En parallèle, les commandes d’hybrides rechargeables chutent fortement. 

 

Il faut noter que la situation est différente à l’étranger. En Italie, par exemple, le PHEV se porte encore bien grâce à un système fiscal différent. Ils ont aussi réformé les AEN cette année, mais de manière plus progressive : avantage en nature de 50 % pour les thermiques et hybrides, 20 % pour les PHEV et seulement 10 % pour les électriques. En France, les PHEV sont traités comme les modèles thermiques et ne bénéficient d’aucun abattement.

 

JDF : La majorité des entreprises sera-t-elle prête au 1er janvier 2026 en matière d’électrification ?

D.D. : Je ne pense pas. Certes, les lignes bougent et nous vivons une accélération depuis cette année, mais le retard reste important. Avec la TAI, même si une entreprise revoit totalement sa car policy dès aujourd’hui et mise à fond sur l’électrique, il y aura de l’inertie. Entre la commande et la livraison, les véhicules n’entreront dans la flotte que plusieurs mois plus tard. Cela dit, le verdissement continuera de s’accélérer en 2026, d’autant plus que le barème de la TAI doublera l’an prochain.

 

 

JDF : Y a-t-il encore un processus de réflexion en vue d’un démarrage effectif des nouvelles car policies en 2026 ?

D.D. : Nous sommes en plein dedans. Nous accompagnons beaucoup de clients dans la refonte de leur car policy. Par exemple, certains grands comptes que nous avions rencontrés à l’automne 2024 n’avaient pas fait de l’électrification une priorité. Mais avec l’évolution fiscale, ils reviennent vers nous pour être accompagnés.

 

Notre rôle, à travers nos équipes commerciales, consulting et events, est de les aider dans cette transition. Nous réalisons des benchmarks, des enquêtes auprès des collaborateurs pour comprendre les usages. Nous étudions l’accès potentiel à la recharge et nous analysons le TCO. Nous accompagnons aussi sur la conduite du changement, car il faut que les collaborateurs acceptent les décisions prises en haut lieu. Or, face à l’électrique, beaucoup gardent des appréhensions. C’est pourquoi nous organisons aussi des webinaires pour aider nos clients à mieux communiquer en interne sur ces sujets.

 

JDF : Au vu de l’instabilité politique, faut-il s’attendre à de nouveaux changements réglementaires ?

D.D. : L’année dernière a déjà été riche en nouveautés. Mais elles étaient dans "l’air du temps" : la TAI figurait déjà dans la proposition de loi du député Damien Adam, et la réforme des avantages en nature était attendue.

 

Pour 2026, difficile de prédire. Nous savons cependant que les barèmes de la taxe sur les véhicules de société (TVS) et du malus vont augmenter, et qu’à partir du 1er juillet 2026, les véhicules électriques non écoscorés seront soumis au malus au poids. En dehors de cela, j’ai plutôt l’impression qu’on s’oriente vers un statu quo. S’il y a des changements, ils ne tomberont pas forcément dès le 1er janvier.

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