Fin du bonus écologique, normes CAFE... Les utilitaires au pied du mur
Sale temps pour les véhicules utilitaires légers. La mayonnaise électrique peine à prendre et la suppression imminente du bonus de 3 000 euros par décret n'est pas le meilleur signal envoyé par le gouvernement Barnier. "Cela ne va pas nous aider à court terme, réagit Antoine Maria, directeur général de Maxus France. Maintenant, à nous d’accompagner au mieux nos clients en proposant des produits électriques toujours plus aboutis, gage de TCO compétitifs."
Il regrette surtout que la publication du décret et son application soient si rapides. "Cela ne nous permettra pas d’avoir l’effet d’aubaine habituel qui se traduit par un coup de boost sur le marché", glisse Antoine Maria.
Pour Emmanuel Bonnaud, président de Movivolt, loueur longue durée détenu par La Poste et la Banque des Territoires spécialisé dans les utilitaires électriques, l’annonce de l’arrêt du bonus est également mal perçue.
"Nous savions que le gouvernement cherchait des pistes d’économies, ce n’était pas un tabou, réagit-il. En revanche, nous avons du mal à comprendre le message du gouvernement à la suite de l’arrêt du bonus pour les VUL. En tant que loueur, cela nous préoccupe, nous avons besoin d’alternatives, de solutions qui témoignent de la volonté du gouvernement de soutenir encore un tant soit peu la transition énergétique."
Les CEE en guise d'alternative ?
Les Certificats d’économie d’énergie pourraient être cette alternative (CEE). En lieu et place du bonus, l'exécutif travaille à l'extension du dispositif des CEE pour qu'ils contribuent au verdissement d'une partie du parc automobile. Cela concernera notamment le marché de VUL électriques, mais aussi le leasing social.
Or, à ce stade, les contours de cette future aide ne sont pas connus. Emmanuel Bonnaud appelle surtout à ce que le dispositif soit "simple et concret", tout en réclamant de la visibilité sur le long terme.
Le président de Movivolt anticipe quoi qu’il arrive, avec cet arrêt du bonus, un ralentissement du marché. "C’est un frein évident, on ne peut pas raboter un bonus sans qu’il y ait des impacts", estime-t-il. Il se montre en revanche plus optimiste à moyen terme, avec un modèle économique des VUL électriques qui s’améliore et des autonomies qui dépassent à présent les 400 km sur certains modèles.
La prudence est également de mise du côté des gestionnaires de flotte. "Le véhicule utilitaire léger dispose aujourd’hui d’une offre de marché qui couvre une grande partie des cas d’usage des entreprises et qui est de plus majoritairement fabriquée en France ou à proximité. Il ne faut donc absolument pas casser la dynamique qui s’engage", réagit le gestionnaire de parc d’un grand groupe français.
"L’intérêt de la France est d’électrifier les flottes et notamment celles des entreprises, car c’est en passant par là que cette transition pourra se faire le plus rapidement possible, ajoute-t-il. Donc selon moi, si le gouvernement arrête le bonus pour les VUL, il l’annoncera que s’il y a autre chose pour le compenser."
Il fait allusion aux CEE, mais pas seulement. Dans son amendement sur les sanctions prises envers les entreprises pour non-verdissement de leur parc auto, le gouvernement propose que les utilitaires légers électriques comptent pour 1,5 véhicule. Un coup de pouce qui pourrait compenser en partie l’arrêt du bonus.
Le sujet explosif des normes CAFE
À ces bouleversements fiscaux s'ajoute un sujet encore plus complexe et potentiellement explosif : les normes CAFE. Celles-ci semblent impossibles à atteindre pour les véhicules utilitaires. Dès le 1er janvier 2025, la moyenne des émissions des vans devra atteindre 153,9 g de CO2/km (selon les normes WLTP), contre 181,1 g jusqu'à fin décembre 2024.
Concrètement, cela signifie qu'il faudra vendre environ 17 % de véhicules utilitaires électriques pour atteindre cette moyenne. Le problème est qu'actuellement, en France, la part de la motorisation électrique ne dépasse pas les 6 %.
En première ligne du marché de l'électrique, les distributeurs sont inquiets. "Le véhicule utilitaire ne se vend en électrique que dans les grandes villes comme Paris ou Lyon, pour la logistique du dernier kilomètre", avance un concessionnaire qui se demande bien comment il va pouvoir atteindre les 25 % de mix de véhicules utilitaires électriques que lui impose Opel dès 2025, le tout sans bonus écologique.
Un gap difficilement réalisable compte tenu des mix de ventes actuels, comme le montre le tableau ci-dessous. Pour les réseaux, ce sera la double peine, car le véhicule utilitaire est un énorme contributeur de la marge.
Part de vente d’utilitaires électriques en France à fin octobre 2024 |
|
Renault | 5,7 % |
Peugeot | 11,4 % |
Citroën | 7,8 % |
Ford | 2 % |
Mercedes | 5,4 % |
Fiat | 2,2 % |
Volkswagen | 9,9 % |
Iveco | 1,5 % |
Toyota | 7,3 % |
Opel | 7,2 % |
Nissan | 7,9 % |
Maxus | 26,2 % |
Source : AAA Data – 10 mois 2024 |
Avec Damien Chalon
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