2021, un marché à deux vitesses pour le poids lourd
Au terme d’un exercice 2021 perturbé par plusieurs facteurs exogènes, l’Observatoire du véhicule industriel (OVI) dresse un bilan très contrasté du marché du poids lourd. Selon son traditionnel rapport annuel, les immatriculations se sont élevées à 44 110 unités à novembre 2021 (sur 12 mois glissants), soit une progression de 6 %. Le secteur affiche ainsi un niveau inférieur de 20 % à l’exercice de référence, pré-Covid, en 2019. Dans le détails, notons que les tracteurs, avec 22 711 ventes (+10 %), s’en sont mieux sortis que les porteurs, écoulés à 21 399 exemplaires (+2 %).
Pourtant, l’année avait parfaitement commencé pour les constructeurs. Forts d’une croissance économique nationale, favorisée par les dispositifs de soutien étatiques, et d’une reprise soutenue du marché du transport routier de marchandises (TRM), ces derniers avaient enregistré de forts niveaux d’immatriculations sur le premier semestre (avec notamment un +69 % en mai).
Des délais de livraison qui s’allongent
Mais cette conjoncture va être déréglée par les dysfonctionnements des filières de fabrication et de logistique, grippées par les pénuries de matières premières et de semi-conducteurs. Les distributeurs vont dès lors faire face à une crise de l’offre d’un niveau inédit, selon l’OVI. Déjà longs de 201 jours en moyenne en juin dernier, les délais de livraisons sont passés à 339 jours 6 mois après… Soit près d’un an avant de livrer certaines commandes et bien plus pour d’autres, s’agissant d’une moyenne. Selon les concessionnaires, les constructeurs ne peuvent pas descendre leurs délais à moins de 180 jours et certains montent jusqu’à 500 jours.
Autre conséquence de cette situation hors norme : la hausse sensible des tarifs de vente. Si les prix avaient déjà progressé en juin, d’un peu moins de 5 %, l’Observatoire note que l’inflation atteint désormais +10 % pour les tracteurs et +9 % pour les porteurs.
"Des tensions sur l’ensemble des chaînes de production de nombreux produits se sont révélées, ce qui a engendré un déséquilibre de l’offre et des incertitudes en termes de délais de livraisons et de prix. Le marché du VI a été largement impacté par ces tensions accumulant un stock de commandes à un niveau historique", observe Jean-Michel Mercier, directeur de l’OVI.
L’essor des activités VO et après-vente
Effet collatéral de l’allongement des délais de livraison sur le VN : une attractivité retrouvée pour le VO. Les ventes de véhicules d’occasion ont en effet enregistré un rebond de 18 % pour les tracteurs et de 11 % pour les porteurs. Les délais de revente des VO sont historiquement bas, avec un délai de 30 jours pour les tracteurs en 2021 et 37 jours pour les porteurs.
Ce regain d’intérêt pour les matériels de seconde main s’est fait ressentir sur les stocks, qui fondent à vue d’œil, et les prix de vente, qui ont pu se redresser après des années 2019 et 2020 en net recul. Ainsi, les hausses tarifaires sont estimées à 15 % pour les tracteurs à 20 % pour les porteurs.
Enfin, la pénurie de VN a également eu des répercussions sur l’activité après-vente des distributeurs. Faute de pouvoir renouveler leur flotte, de nombreux exploitants ont choisi de maintenir leurs véhicules sur la route, favorisant ainsi la vente de prestations d’entretien et de réparation. Celles-ci représentent désormais 42,5 % du chiffre d’affaires des distributeurs d’après le rapport de l’OVI.
Entre 45 et 50 000 immatriculations pour 2022
Dans ce contexte de marché inédit, l’Observatoire peine à estimer l’évolution du marché VI pour les prochains mois. "Outre les impacts d’une situation sanitaire imprévisible, il faut aussi tenir compte de l’élection présidentielle", rappelle Jean-Michel Mercier, qui pointe également du doigt les conséquences de la transition énergétique.
Seule certitude : le marché devrait rester déstructuré en 2022. "2022 sera un exercice particulier déjà très largement engagé en termes de stocks de commandes, donc d’immatriculations à venir, mais sous contrainte de capacité de livraison (2023 pour certaines ?)", observe l’OVI. Résultat, il faut s’attendre à une nouvelle hausse des prix tant en VN qu’en VO. Le neuf devrait ainsi progresser de 6 % pour les tracteurs et porteurs, tandis que la hausse des prix VO, provoquée par des effets de pénuries, pourrait se poursuivre avec une estimation de +10 %.
Face à ces nombreux aléas, l’institut fait état d’une fourchette de prévisions dont le point bas serait équivalent aux chiffres constatés en 2021, soit environ 45 000 unités, et dont le point haut pourrait atteindre la barre historique des 50 000 immatriculations.
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