Philippe Brunet, Renault : "L'électrique est aujourd'hui devenu notre cœur de métier"
Quel est le point commun entre le moteur Renault V10 champion du monde de Formule 1 et celui de la Megane E-Tech Electric ? Phillipe Brunet. En effet, celui qui est aujourd'hui directeur de l'ingénierie mécanique du groupe Renault, s'est penché, avec bonheur, sur ces deux mécaniques. "Ce sont des métiers différents, plaisante-t-il, mais pas moins passionnant."
La Megane E-Tech Electric est, en quelque sorte, le manifeste du travail réalisé par la direction de l'ingénierie mécanique. Les avancées sont nombreuses sur ce modèle que l'on regarde la technologie ou les coûts. Par exemple, la taille du moteur électrique de la berline a été divisé par deux environ, par rapport à celui de la Zoé, tout en étant largement plus puissant (100 kW vs 160 kW). Philippe Brunet explique notamment ce gain de puissance par l'utilisation de rotor à 8 pôles contre 4 précédent. Le rendement de la propulsion électrique a également été largement amélioré avec une réduction des pertes d'énergies de 45 %, ce qui permet de gagner 20 km d'autonomie. Un point où la Mégane E-Tech Electric semble bien née puisqu'avec sa batterie de 60kWh, le constructeur annonce jusqu'à 470 km d'autonomie, ce qui représenterait une consommation théorique de 12,8 kWh pour 100 km. Il faut toutefois attendre l'homologation définitive pour connaître la vraie consommation et pouvoir la comparer.
L'électrique est devenu notre cœur de métier Philippe Brunet, directeur de l'ingénierie mécanique du groupe Renault
De la même manière, le travail sur les packs, "qui sont bien plus que de simples boîtes en aluminium" précise le directeur, témoigne des évolutions. Ainsi entre la première génération et l'actuelle de la Zoé, la puissance de la batterie est passée de 22 kWh à 52 kWh tout en conservant le même encombrement mais en divisant le coût du kWh par deux. Et le travail sur ce point n'est pas terminé, puisque Renault vise une réduction du coût du pack batterie de l'ordre de 62 % en 2030, soit environ 80 dollars du kWh, contre 170 dollars/kWh en 2019 et environ 100 attendus en 2024.
Les moyens engagés aujourd'hui par le constructeur sur l'électrique sont logiquement sans commune mesure avec le passé, "c'est aujourd'hui devenu notre cœur de métier, indique Philippe Brunet, c'est un enjeu vital."
Il y a eu une réelle accélération qui se matérialise également dans la répartition des équipes d'ingénieurs. Ainsi, aujourd'hui, plus de 60 % d'entre eux sont sur l'électrique, sachant que la direction de l'ingénierie mécanique est en charge du moteur électrique mais aussi du réducteur, du chargeur mais aussi et surtout de l'électronique de puissance. Cette dernière très complexe, représente ni plus ni moins que les 2/3 du coût d'une chaîne de propulsion électrique (hors batterie) dont le prix peut se comparer à celui d'un moteur essence.
Le Diesel va disparaître des gamme VP avec la norme Euro 7
Pour autant, Philippe Brunet n'a pas arrêté de travailler sur les mécaniques thermiques qui ne vont pas disparaître à court terme et surtout rester une réalité plus longtemps hors d'Europe. La norme Euro 7 est le prochain défi des équipes. "Nous travaillons sur notre dernière génération de moteur essence, dans le cadre d'un développement pour l'Alliance, indique-t-il, mais qui doit totalement entrer dans l'outil industriel actuel." Ce sera un 3 cylindres turbo de 1,2 litre de cylindrée qui aura vocation à remplacer les 1.0 et 1.3 tce actuels. "Il sera totalement électrifié, ajoute Philippe Brunet, avec trois niveaux d'hybridation."
Il y aura une hybridation légère en 48V, une variante full hybride E-Tech et une E-Tech hybride rechargeable. Ces architectures seront à destination des modèles du segment C et supérieurs de la gamme avec des niveaux de puissance plus élevés que l'offre E-Tech actuelle, comme l'a indiqué Luca de Meo, le directeur général de Renault. L'offre E-Tech d'aujourd'hui que l'on retrouve sur les Clio, Captur et autres Mégane, avec un 1.6 atmosphérique, va également poursuivre sa route et passera en Euro 7.
En revanche, pour les mécaniques Diesel, l'arrivée de la norme Euro 7 semble être le chant du cygne. Elles devraient disparaître des gammes VP à cette échéance. Dans l'univers du VUL, le Diesel pourrait rester au catalogue, sauf si la future norme est tellement draconienne qu'elle l'interdit de fait. L'occasion pour le directeur de soulever une problématique assez largement oubliée : "il y a avec la fin du thermique un vrai enjeu sur l'emploi." A l'échelle de son département, 40 % des ingénieurs sont encore sur le développement des derniers blocs thermiques pour l'Europe et ceux qui vont encore vivre sur d'autres continents.
Une R5 électrique 33 % moins chère à produire qu'une Zoé
Même si ce n'est pas directement de son ressort, Philippe Brunet suit de près l'évolution des batteries, de la chimie et de l'avènement possible des batteries solides qui pourrait notamment transformer la gestion de la chaleur (et donc du refroidissement) et offrir jusqu'à 30 % de densité supplémentaire. En précisant qu'il existait plusieurs façons de définir le mot solide. Renault travaille sur une technologie 100 % solide où absolument toute électrolyte liquide a disparu. Ce qui n'est pas le cas sur certaines batteries dites solides annoncées où il demeure une partie liquide qui, par définition, va brider le rendement. Toujours est-il que Renault planche sur le sujet avec son projet ASSB (All Solid-State Battery) dont il n'imagine pas une application concrète avant la fin de la décennie.
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En attendant, les équipes de Philippe Brunet n'ont pas le temps de chômer. Après la Megane E-Tech Electric qui sera lancée en mars 2022 sur le marché européen, le prochain défi est d'ores et déjà en cours avec la future R5 100 % électrique qui devrait arriver en 2024 et le projet 4ever qui devrait ressusciter la 4L. Produite à Douai sur la plateforme CMF-BEV, la R5 accueillera une batterie d'une usine voisine bâtie avec Envision. Elle devra aussi et surtout être abordable et Renault a annoncé que cette R5 d'un nouveau genre sera produite à un coût 33 % inférieur à celui de la Zoé.
C'est sans doute à cette période, et plus largement dans la deuxième partie de la décennie, que le véhicule électrique devrait s'afficher à un prix tout aussi compétitif que celui des thermiques. De quoi déclencher une vraie accélération des ventes à condition que les États et autres collectivités locales jouent également leur rôle dans cette transition énergétique.
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