Lettre entr'ouverte aux P-dg des deux grands constructeurs français.
La crise vous offre-t-elle l'opportunité de définir ensemble une coopération limitée mais efficace, qui mette en avant des caractéristiques produits attribuables au "made in France" et qui vous permette d'agir à l'unisson face… au reste du monde ? Tel est l'enjeu qu'on est saisi de crainte et tremblement, ou bien de fou rire (ce qui revient au même) quand on aborde ce sujet en traînant avec soi tous les stéréotypes de la Profession, auxquels s'ajoutent ceux du Pays. Et pourtant… la crise est une accoucheuse d'idées : voyez ce qui se passe aux Etats-Unis, qui vont essayer de jouer à fond l'écologie dans l'industrie automobile. Heureusement que les constructeurs y sont au plus mal (un brin de "Schadenfreude" ne gâte rien), et qu'ils n'y croient pas vraiment. Ça vous laisse un premier créneau, sur lequel vous pourriez construire pas mal de choses, c'est-à-dire pas mal d'automobiles. Il y en a d'autres.
La crise est aussi une affaire de coûts et de prix. Des automobiles, de leur entretien, des carburants. Il y a donc au moins deux domaines dans lesquels vous pourriez réaliser une percée "française" : les modèles low-cost, et un nouveau type d'entretien, low-cost également. Mais Renault a gâché jusqu'à présent, par une politique commerciale archaïque, les opportunités offertes d'abord par l'intuition schweitzerienne Logan, puis par Sandero. Et PSA n'a encore rien fait dans ce domaine, si ce n'est d'y adhérer récemment, du bout des lèvres, après en avoir nié l'intérêt. Il s'agit d'un de clientèle du marché automobile de l'Europe occidentale, aujourd'hui à peine sorti du néant : celui des consommateurs économiquement contraints, que la crise est d'ailleurs en train de faire croître, et qui sont enfermés dans le ghetto des véhicules d'occasion. Si vous, constructeurs français n'y pourvoyez pas, d'autres le feront.
La crise, enfin, devrait vous inciter à investir ensemble là où chacun d'entre vous est trop faible ou trop peu crédible pour agir seul. C'est le cas des voitures Premium, apanage des constructeurs allemands, les autres étant marginaux (Jaguar, Land Rover), affaiblis (Volvo) ou déjà réduits à la portion congrue (Lexus, SAAB). Le marché européen de cette catégorie de véhicules est numériquement équivalent au marché français dans son ensemble. En termes de marges, son poids relatif est naturellement bien plus élevé. On a le droit de se demander si votre intention est toujours de végéter dans l'hexagone, et de vendre une poignée de véhicules à l'Administration et aux inconditionnels de Citroën, Peugeot ou Renault. Il y a mieux à faire, beaucoup mieux. Certes, vos habitudes et vos accords actuels vous inciteraient plutôt à faire cavalier seul, ou à investir sur des marques existantes, les vôtres où celles qui vont disparaître. Ces deux voies étant vouées à l'échec, pourquoi ne pas vous entendre ?
La crise, en un mot, vous aidera-t-elle à découvrir la francité ?
Ernest Ferrari, consultant
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