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Constructeurs

Lettre entr'ouverte aux P-dg des deux grands constructeurs français.

Publié le 13 février 2009

Par Alexandre Guillet
4 min de lecture
Messieurs,La crise de l'automobile, née en 1993, entre dans sa dix-septième année. Vues de l'extérieur, ces dix-sept années n'ont pas vraiment rapproché les entreprises que vous dirigez respectivement. Chacune d'entre elles passe volontiers...
...des accords avec des concurrents d'autres pays, ce qui est judicieux. Ce qui l'est moins, toujours vu de l'extérieur, c'est qu'elles n'aient pas au moins essayé de faire naître un "système France", à l'instar de ce qu'ont fait, chez eux, les constructeurs allemands. Le "système Allemagne", né dès les années quatre-vingt, n'a évidemment jamais été reconnu comme tel par les intéressés ; il n'en demeure pas moins que tous les constructeurs allemands se sont présentés au public d'un salon de Francfort comme les champions de l'écologie et de la sécurité passive. Leurs modèles étaient déjà prêts, c'est-à-dire en avance par rapport à tous les autres. Est-il utile de préciser que l'image de nos voisins, déjà forte, s'est encore renforcée ? Une leçon analogue nous a été impartie par le Japon, champion présumé, à travers ses constructeurs, de la qualité totale. La morale en est simple : on peut se livrer une concurrence féroce chez soi, tout en faisant exploitant un avantage partagé face à tous les autres : l'avantage du "made in".

La crise vous offre-t-elle l'opportunité de définir ensemble une coopération limitée mais efficace, qui mette en avant des caractéristiques produits attribuables au "made in France" et qui vous permette d'agir à l'unisson face… au reste du monde ? Tel est l'enjeu qu'on est saisi de crainte et tremblement, ou bien de fou rire (ce qui revient au même) quand on aborde ce sujet en traînant avec soi tous les stéréotypes de la Profession, auxquels s'ajoutent ceux du Pays. Et pourtant… la crise est une accoucheuse d'idées : voyez ce qui se passe aux Etats-Unis, qui vont essayer de jouer à fond l'écologie dans l'industrie automobile. Heureusement que les constructeurs y sont au plus mal (un brin de "Schadenfreude" ne gâte rien), et qu'ils n'y croient pas vraiment. Ça vous laisse un premier créneau, sur lequel vous pourriez construire pas mal de choses, c'est-à-dire pas mal d'automobiles. Il y en a d'autres.

La crise est aussi une affaire de coûts et de prix. Des automobiles, de leur entretien, des carburants. Il y a donc au moins deux domaines dans lesquels vous pourriez réaliser une percée "française" : les modèles low-cost, et un nouveau type d'entretien, low-cost également. Mais Renault a gâché jusqu'à présent, par une politique commerciale archaïque, les opportunités offertes d'abord par l'intuition schweitzerienne Logan, puis par Sandero. Et PSA n'a encore rien fait dans ce domaine, si ce n'est d'y adhérer récemment, du bout des lèvres, après en avoir nié l'intérêt. Il s'agit d'un de clientèle du marché automobile de l'Europe occidentale, aujourd'hui à peine sorti du néant : celui des consommateurs économiquement contraints, que la crise est d'ailleurs en train de faire croître, et qui sont enfermés dans le ghetto des véhicules d'occasion. Si vous, constructeurs français n'y pourvoyez pas, d'autres le feront.

La crise, enfin, devrait vous inciter à investir ensemble là où chacun d'entre vous est trop faible ou trop peu crédible pour agir seul. C'est le cas des voitures Premium, apanage des constructeurs allemands, les autres étant marginaux (Jaguar, Land Rover), affaiblis (Volvo) ou déjà réduits à la portion congrue (Lexus, SAAB). Le marché européen de cette catégorie de véhicules est numériquement équivalent au marché français dans son ensemble. En termes de marges, son poids relatif est naturellement bien plus élevé. On a le droit de se demander si votre intention est toujours de végéter dans l'hexagone, et de vendre une poignée de véhicules à l'Administration et aux inconditionnels de Citroën, Peugeot ou Renault. Il y a mieux à faire, beaucoup mieux. Certes, vos habitudes et vos accords actuels vous inciteraient plutôt à faire cavalier seul, ou à investir sur des marques existantes, les vôtres où celles qui vont disparaître. Ces deux voies étant vouées à l'échec, pourquoi ne pas vous entendre ?

La crise, en un mot, vous aidera-t-elle à découvrir la francité ?

Ernest Ferrari, consultant

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