Grégory Sangaria, Fraikin : "Nous arriverons toujours à donner une seconde vie aux modèles thermiques"
Journal de l'Automobile. En tant que loueur longue durée, comment appréhendez‑vous le sujet des valeurs résiduelles à l’heure de l’électrification ?
Grégory Sangaria. Les valeurs résiduelles (VR) sont un sujet central, d’autant plus à l’heure actuelle où nous sommes en train de vivre des évolutions majeures dans notre métier, technologiquement parlant. Les normes antipollution ont déjà eu une répercussion à une certaine époque, surtout dans l’univers du poids lourd. Nous sommes donc habitués à observer l’impact environnemental sur le niveau des valeurs résiduelles, même si le phénomène est plus violent aujourd’hui. Il faut désormais tenir compte du fait que certaines technologies ne seront plus acceptées dans certaines zones avec la mise en place des ZFE par exemple. Nous sommes dans une période de transition où tout va s’accélérer.
JA. Justement, quel est l’impact sur les valeurs résiduelles ?
GS. Personne n’a de boule de cristal. Pour bien vous expliquer, chez Fraikin, nous sommes sur un volume de vente annuel de 5 000 à 6 000 poids lourds et utilitaires légers. Cette activité a été internalisée depuis de nombreuses années, ce qui nous permet d’avoir un historique et un regard sur les évolutions passées, récentes et futures du marché des véhicules d'occasion. Ma mission est de remonter ces informations à la direction du pricing qui consolide les VR. Le calcul des valeurs résiduelles est quelque chose de vivant, on le fait vivre au fur et à mesure des éléments que l’on récolte sur le terrain. Nous avons commencé à revendre nos premiers véhicules électriques il y a de cela 6 ou 7 ans. Il s’agissait d’un premier regard qui a beaucoup évolué depuis. Le véhicule électrique est en train de se faire une vraie place sur le marché de l’occasion. Avec le peu d’espace que nous allons laisser au thermique à l’avenir, cette technologie voit sa VR monter en flèche. Celle‑ci prend de la consistance assez rapidement. C’est tout du moins notre avis pour les véhicules utilitaires, dans la mesure où les durées de location sont plus courtes que dans le domaine du poids lourd. En gros, plus vous allez loin dans la durée, moins vous y voyez clair ! Et puis, les choix technologiques ne sont pas encore totalement arrêtés sur le poids lourd avec le gaz, l’électrique, l’hydrogène…
Parler en pourcentage de VR est un exercice très compliqué pour les électriques, car la mise de départ est très élevée.
JA. Les VR des électriques ont du mal à se maintenir sur de longues durées ?
GS. De manière générale, l’électrique se comportera, à mon avis, très bien sur des durées courtes et moyennes, avant de subir une chute des VR dans le temps. Ce phénomène ne devrait pas trop nous impacter en tant que loueur longue durée, car nos contrats durent généralement entre 48 et 60 mois. On peut considérer que dans cette durée‑là, nous avons encore de la visibilité avec une technologie qui n’est pas trop obsolète. Après, imaginer des VR sur des durées plus longues, c’est plus compliqué puisque la grosse différence entre l’électrique et le thermique est la durée dans le temps de la stabilité de la VR. Nous avons de telles évolutions sur l’électrique au niveau des autonomies, des choix technologiques sur les batteries et des capacités de recharge qu’il peut encore y avoir des surprises. Cela aura forcément des impacts sur la réutilisation des véhicules en seconde vie.
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JA. Quid des VR des VUL thermiques ?
GS. Je ne vois pas de catastrophe à court et à moyen termes. Nous revendons nos véhicules dans beaucoup de pays différents, avec des niveaux d’avancée par rapport aux véhicules électriques qui varient. Nous arriverons toujours à donner une seconde vie aux modèles thermiques. Certes, l’arrêt de leur vente est prévu pour 2035, mais on va les voir rouler encore un certain temps, nous ne sommes qu’en 2022. Nous aurons le temps de nous adapter. Les VR vont s’éroder avec le temps et nous les corrigerons au fur et à mesure. Cela étant, l’inquiétude se situe davantage du côté des clients qui doivent se décider sur le choix de leurs véhicules neufs.
JA. En termes de VR, à quel niveau se situent les électriques face aux thermiques ?
GS. Parler en pourcentage de VR est un exercice très compliqué pour les électriques, car la mise de départ est très élevée. Cela nous conduit, pour le moment, à un mauvais niveau de VR. Mais en valeur absolue, si on compare par exemple un Renault Master électrique âgé de 24 mois à son équivalent thermique, le premier vaut plus cher que le second. Tout dépend si on raisonne en pourcentage ou en valeur absolue. Ces capex élevés sont finalement biaisés, car ils ne correspondent pas à ceux de demain. Nous sommes sur des produits en voie de développement. Encore une fois, il y a 10 ans, le VE faisait peur. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, on corrige au fur et à mesure. Mais la plus grosse difficulté reste ce capex de départ.
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