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ZFE : le bannissement des Crit'Air 3 peut attendre

Publié le 6 avril 2023

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
Une étude réalisée par l'institut CSA montre que les propriétaires de voiture Crit'Air 3 ne sont pas encore prêts pour l'application des ZFE. Franck Cazenave, l'expert en mobilité à l'origine du sondage sans précédent, milite pour un report général de la mesure.
zone à faible emission
Pour mesurer l'impact des ZFE sur la population, l'Institut CSA a sondé plus de 10 000 personnes selon les quotas précis définis par l'Insee. (AdobeStock/Saiko3p)

Ils ne se sont pas concertés, mais ils partagent la même opinion. Comme Valérie Pécresse, la présidente de région Ile-de-France, il y a quelques jours, Franck Cazenave, expert en mobilité, estime qu'il est impératif de reporter la chasse aux véhicules classés Crit'Air 3 dans les zones à faible émission (ZFE). Et pour défendre sa position, ce dernier s'appuie sur les résultats d'une étude d'une ampleur inédite qu'il a orchestrée avec l'institut CSA. En effet, un échantillon de 10 370 Français représentatifs des quotas de l'Insee a été consulté.

 

Un sondage dont les principaux enseignements ont été dévoilés le 6 avril 2023. Les analystes qui se sont penchés sur le bilan parviennent à la conclusion que trop de véhicules sont impactés par les règles des ZFE dans un délai trop court. "Nous militons pour la mise en place d'aides à l'achat pour les propriétaires de véhicules Crit'Air 4 et 5 ainsi qu'un report à 2027 des restrictions concernant les Crit'Air 3", prend parti Franck Cazenave.

 

Miser d'abord sur l'érosion naturelle

 

En s'appuyant sur le fichier des cartes grises, AAA Data estime qu'à fin février 9 788 527 voitures particulières classées Crit'Air 3 circulaient encore en France. "Ce parc roulant diminue naturellement de 12 % chaque année, tout comme les Crit'Air 4 et 5. Nous devrions miser sur ce phénomène", avance Franck Cazenave. Au cours des trois dernières années, 600 000 unités ont disparu des routes, selon lui.

 

 

D'autant plus que les transactions de voitures d'occasion Crit'Air 3 ont encore diminué de 14,8 % en 2022. Toujours selon AAA Data, 1 173 544 de VOP de cette catégorie ont changé de main au cumul des 12 mois. A titre d'exemple, le premier marché, l'Ile-de-France, a ralenti de 16 %, à 151 927 unités. Une région dans laquelle se trouve toujours 13 % du parc Crit'Air 3 hexagonal.

 

Profil des propriétaires

 

Qui sont les propriétaires de voitures Crit'Air 3 ? D'abord, notons que sur les 10 370 Français interrogés, ils représentaient 23,1 % du panel. A 56,1 %, ils sont âgés de moins de 50 ans et près d'un sondé sur 3 (28,5 %) a même moins de 35 ans. La moyenne d'âge s'établit à 47,2 ans, soit un peu plus jeune que l'ensemble des sondés qui avaient 49,1 ans au moment de l'enquête.

 

Total
Au moins un véhicule Crit'Air 3 Au moins un véhicule Crit'Air 4, 5, Non classée
Âge
Base brute 10370 2507 1227
Base pondérée 10370 2397 1179
Moins de 50 ans (dont) 5212 50,30% 1346 56,10% 610 51,80%
18-24 ans 1034 10,00% 251 10,50% 116 9,90%
25-34 ans 1580 15,20% 432 18,00% 188 15,90%
35-49 ans 2598 25,10% 663 27,60% 306 26,00%
Moins de 35 ans 2614 25,20% 683 28,50% 304 25,80%
Plus de 50 ans dont 5158 49,70% 1051 43,90% 568 48,20%
50-64 ans 2589 25,00% 557 23,20% 301 25,60%
65 ans et plus 2569 24,80% 494 20,60% 267 22,70%
Moyenne d'âge 49,1 47,2 48,6
Ecart-Type 17 16,8 16,8

 

A titre de comparaison, les propriétaires de véhicules Crit'Air 4, 5 et non classés ont 48,6 ans de moyenne d'âge. Il s'agit principalement de Français de 35-49 ans (26 %), voire de 50-64 ans (25,6 %). Contrairement à certaines idées reçues, ce ne sont pas les plus jeunes qui se retrouvent derrière le volant des véhicules les plus polluants. Les 18-24 ans pesant 9,9 % du panel.

 

"Il s'agit bien souvent du deuxième véhicule du foyer", relève Franck Cazenave et seuls 25 % des sondés ont su donner la bonne classification de leur voiture. La moyenne nationale grimpant à peine à 29 %.

 

La contrainte du pouvoir d'achat

 

L'étude du CSA souligne que 81 % des véhicules Crit'Air 3 sont utilisés pour se rendre au moins dans une ZFE. Plus sensible encore, 88 % des conducteurs sondés déclarent qu'ils ne pourraient pas se passer de leur voiture.

 

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De fait, en dépit des contraintes de circulation, environ 37 % des Français continueront de se rendre en ville avec leur véhicule. Certes près 20 % ne croient pas à la mise en place du dispositif à terme, mais surtout quelque 17 % prendront le risque d'être sanctionnés par la police.

 

La raison est simple : les Français n'ont pas les moyens de changer. Globalement, ils sont 36 % à déclarer ne pas avoir de budget pour acheter un nouveau véhicule. 41 % des détenteurs de Crit'Air 4 et 5 sont même dans ce cas. Ils sont ensuite 28 % à disposer de 5 990 euros maximum. Une part qui monte à 30 % chez les propriétaires de Crit'Air 3. Selon l'enquête CSA, 19 % ont alors entre 11 490 et 20 000 euros et 17 % ont plus de 20 000 euros.

 

Méconnaissance criante  

 

Lorsqu'on leur liste trois définitions des ZFE, 51 % donnent la bonne réponse, contre 37 % un an auparavant. Une part jugée cependant trop faible par Franck Cazenave. "19 % des personnes répondent à côté, rapporte l'expert. Il y a même 21 % de mauvaises réponses chez les propriétaires de Crit'Air 3, 4 et 5 qui sont pourtant ciblés". Plus inquiétant encore, 30 % des Français ignorent le concept même de ZFE.

 

Les statistiques croissantes masquent mal la réalité des faits. Il y a un manque évident d'appropriation de la mesure à quelques mois du déclenchement théorique du dispositif ZFE. Pour preuve, un sondé sur deux parmi les personnes impactées déclare ne pas être suffisamment informé.

 

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Une méconnaissance conduisant à un rejet. L'étude co-financée par plusieurs entreprises, dont Allianz, montre en effet que la part des réfractaires aux zones à faible émission a progressé de 6 points en un an. 49 % sont désormais réticents à leur entrée en application. Ils sont 55 % chez les propriétaires de Crit'Air 3 et 62 % dans les catégories au-dessus.

 

Sans leur donner raison, Frank Cazenave pousse en faveur d'un assouplissement. Il prend pour exemple la future ZFE de Saint-Nazaire (44). Dans la ville côtière, toutes les stations de mesure indiquent une qualité de l'air satisfaisante. La concentration moyenne annuelle en dioxyde d'azote y est inférieure ou égale au seuil fixé par le gouvernement. "Les restrictions peuvent donc être ponctuelles", suggère l'expert en mobilité. Si 47 % des sondés locaux jugent qu'il faut donc renoncer au projet de ZFE à venir, 38 % prônent un juste milieu. Et elle est peut-être là, la morale de l'histoire.

 

Immatriculations de VPO Crit'Air 3 en 2022
Région Volume %Var
Total dont 1 173 544 -14,8%
Auvergne-Rhône-Alpes 150 207 -15,0%
Bourgogne-Franche Comté 54 562 -14,4%
Bretagne 56 693 -16,6%
Centre-Val de Loire 51 657 -11,0%
Corse 6 834 -11,5%
Grand Est 103 255 -16,8%
Hauts-de-France 129 932 -13,0%
Ile-de-France 151 927 -16,0%
Normandie 66 996 -14,0%
Nouvelle Aquitaine 119 342 -14,7%
Occitanie 119 320 -15,1%
Pays de la Loire 68 308 -15,5%
Provence-Alpes-Côte d'Azur 94 511 -14,2%
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