Voitures chinoises : le monde tremble-t-il vraiment ?
Depuis des mois, les voitures chinoises font figure d’épouvantail pour les autorités et les constructeurs européens. À Bruxelles, la Commission a lancé une enquête sur les possibles aides publiques de Pékin aux exportations de voitures chinoises. À Bercy, au nom de la transition écologique, on change les règles d’attribution du bonus écologique pour barrer la route aux modèles "made in China", avec un complexe mécanisme de score environnemental, façon "usine à gaz".
La croissance des importations de modèles chinois est une réalité. Au premier semestre 2023, la Chine est devenue le premier exportateur mondial de voitures, dépassant pour la première fois le Japon. Selon le cabinet Inovev, 5 % des immatriculations européennes réalisées en 2023, pourraient provenir de Chine. Derrière ce chiffre, se cache toutefois une autre réalité : la moitié de ces importations sont en fait des voitures de constructeurs européens produites en Chine (la Dacia Spring en est un bon exemple). Le résultat des délocalisations industrielles massives, et non une invasion de modèles chinois.
Si l’on ne tient compte que du segment 100 % électrique, la part de marché des modèles chinois a toutefois été multipliée par 12 en Europe depuis 2019 pour atteindre 6,2 % cette année, rappelle le cabinet Jato Dynamics.
D’après un décompte réalisé par la Deutsche Bank et publié par Les Echos cette semaine, les consommateurs du Vieux continent auront le choix en 2024 entre au moins une douzaine de voitures électriques fabriquées dans l'ex-empire du Milieu. Et pas que des modèles low cost ou à prix bradés.
Ces marques, pour la plupart inconnues du grand public et des entreprises il y a encore peu, ne se contentent pas de produire des voitures bourrées de technologies dernier cri, et pourtant encore accessibles financièrement, alors que les prix des voitures neuves ont flambé en France depuis la crise de la Covid.
Bien décidées à s’installer durablement dans le paysage automobile français et européen, les MG, BYD, Lynk & Co et autres Leapmotor ou Seres, investissent désormais les réseaux de distribution. Un peu à la manière des start-up du e-commerce qui, au fil des années, ont allié sites marchands et magasins traditionnels, les marques chinoises nouent des partenariats avec des distributeurs automobiles alors qu’initialement, elles misaient sur d’autres canaux de vente (à l’instar de Lynk & Co, dont le modèle premier est l’abonnement auto).
Ces dernières semaines, le mouvement s’est d’ailleurs accéléré et l’on a assisté à une vague d’annonces, les distributeurs automobiles tricolores n’ayant plus de scrupules à prendre des plaques chinoises. BYD a ainsi contracté avec les groupes Emil Frey, Chopard, Bodemer Auto ou BYmyCAR. Même stratégie pour Leapmotor qui pourrait s’appuyer sur 120 concessions multimarque d'ici à la fin 2024. Pour tous ces distributeurs, notamment les indépendants, cette diversification est une occasion d’accéder à une offre électrique et de trouver de nouveaux débouchés à l’heure où les marques européennes entendent leur imposer des contrats d’agents dont ils ne veulent pas entendre parler.
Pour espérer s’ancrer durablement dans le paysage automobile français, ces nouvelles marques chinoises devront malgré tout relever des challenges, comme celui de répondre à la question de l’après-vente et de l’entretien des VE. Une étude de l’équipementier Bosch indiquait, en septembre, qu’un quart des garagistes indépendants ne s’intéressaient pas aux modèles électriques et n’en assuraient pas l’entretien. La voiture électrique n’est pas destinée qu’aux milieux urbains et a vocation à se déployer aussi dans la France des champs.
Au royaume de la voiture électrique, tous les acteurs chinois ne connaissent pas le même succès. Bien au contraire puisqu’une poignée de marques seulement sort du lot. Pour les autres, c’est même quelquefois la douche froide ; certains ont d’ores et déjà lié leur avenir à des refinancements par des constructeurs du Vieux monde. C’est le cas de Xpeng renfloué par Volkswagen ou de Nio et son système d’échange de batteries (plutôt que de recharges), secouru par Abu Dhabi.
Au final, le dragon chinois mettra sans doute du temps à conquérir les clients occidentaux. Sur le segment très porteur des entreprises, par exemple, qui représente plus de la moitié des immatriculations en France, six constructeurs sont actifs à date (MG Motor, BYD, Lynk & Co, Aiways, Seres, Leapmotor). Cette année, sur neuf mois, leurs immatriculations ont atteint 2 015 unités, soit 0,52 % du marché du VP d’entreprise (toutes énergies confondues), contre 0,24 % en 2022.
L’Arval Mobility Observatory
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