Vers un quinquennat électrique ?
A en juger par les mesures envisagées par l’exécutif pour accompagner les Français dans l’électrification de leurs déplacements (expérimentation du prêt à taux zéro, déploiement d’un système de leasing social, prolongation éventuelle des bonus à leur niveau actuel jusqu’à la fin de l’année, prime à la conversion là encore fléchée en direction des véhicules peu polluants, en attendant peut-être la prolongation du dispositif des avantages en nature en faveur de l’électrique au-delà de 2022), la réponse est "oui" à l’évidence.
Du moins dans les intentions et les discours. Un tel empilement de mesures conduit d’ailleurs le chroniqueur économique de RTL, Martial You, à affirmer que "la voiture électrique carbure aux subventions" (1). A cela s’ajoute un environnement économique (avec l’envolée des prix des carburants) qui incite les ménages à remiser leur motorisation thermique au garage et à parier sur les modèles électrifiés. Sans oublier un calendrier réglementaire européen très contraint, qui bannit les modèles thermiques dès 2035.
Sur le papier donc, la voiture électrique bénéficie d’un "alignement des planètes" et devrait voir la vie en rose. Les constructeurs automobiles (par obligation ou véritable conviction, selon les cas) ne jurent plus que par elle. Les mairies lui déroulent le tapis rouge avec force, en installant des bornes de recharges publiques plus ou moins rapides, tout comme les grandes surfaces, les parkings ou encore les hôtels.
Quant au coût d’usage du véhicule électrique (malgré un prix d’acquisition toujours supérieur), il fait désormais plus que jeu égal avec les modèles thermiques. Selon les statistiques du site "Compare the Market" citée par The Guardian, le coût annuel moyen d’un véhicule électrique outre-Manche revient par exemple, à 1 264 livres (1 505 euros) contre 1 834 livres (2 185 euros) pour son équivalent thermique, dans le cas d’un automobiliste parcourant 10 780 kms/an, avec des prix des carburants à 1,93 euro pour un litre d’essence contre 33 centimes pour un kWh (2).
Pour autant, les études sur l’appétence supposée des automobilistes et des entreprises pour les véhicules électriques, ne donnent pas toutes la même ampleur au phénomène. Surtout, elles pointent la persistance de freins (résistances ?) au changement. Comme le rappelle, par exemple, le récent sondage OpinionWay pour le spécialiste de la recharge rapide, Electra, les moins de 50 ans sont les plus enclins à passer aux énergies alternatives ; or, ce ne sont pas les plus solvables pour le faire, avec des coûts d’achat pouvant aller de 20 000 à 90 000 euros, souligne OpinionWay (3). Même constat dans l’étude d’Ifop pour le loueur Sixt (4), selon laquelle la part des Français désireux d’adopter l’électrique ne dépasse pas 31 % (dont 6 % se disent certainement sûrs de le faire), contre près de 50 % en 2010. Outre la question du prix, le réseau d’infrastructures de recharge encore embryonnaire, constitue aussi un frein.
On voit bien que dans cette course à l’électrification, la seule méthode Coué atteint ses limites. L’adoption du véhicule électrique passera par encore beaucoup de pédagogie, une transparence sur les coûts de cette nouvelle technologie et l’assurance d’un accès sûr à une électricité bon marché dans le futur.
L’Arval Mobility Observatory
(1) "L’Eco and You", RTL, mardi 26 avril 2022.
(2) "Gap widens between cost of running electric and petrol cars", The Guardian, 25 avril 2022.
(3) Sondage Opinion Way pour Electra réalisé par questionnaire auto-administré en ligne du 16 au 17 mars 2022 auprès d'un échantillon de 1 043 personnes.
(4) Observatoire des Mobilités partagées et électriques Sixt-Ifop, réalisé par un questionnaire auto-administré les 11 et 12 janvier 2022 auprès d’un échantillon de 1 501 personnes.
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