Transports en commun : quand la gratuité n’est pas une solution efficace
En plein débat sur l’envolée des prix de l’énergie et des carburants, la question de la gratuité des transports en commun pour le plus grand nombre aurait pu être un sujet de campagne électorale. Elle a certes été évoquée par plusieurs candidats, surtout à destination des jeunes, sans pour autant percer comme un marqueur majeur.
En France, selon les statistiques de l’Observatoire des Villes du transport gratuit, 37 villes se sont lancées dans cette initiative, ce qui représente plus de 1,5 million d’habitants concernés. Dernière commune en date, Douai, a lancé la gratuité de ses transports en commun le 1er janvier dernier. La municipalité nordiste a ainsi rejoint Calais, Dunkerque, Châteauroux, Dinard, Niort ou encore Aubagne. D’autres villes planchent sur le sujet, à l’image d’Annecy qui devrait généraliser la gratuité pour tous sur l’ensemble de son réseau durant toute la saison estivale.
"La gratuité des transports publics est une proposition politique récurrente, généralement présentée comme susceptible d’atteindre des objectifs à la fois écologiques et sociaux", rappelle le chercheur à l’Université de Lille, Quentin David. (1)
Au-delà d’un affichage écologique évident, la question est de savoir quels impacts une telle mesure peut réellement avoir sur l’usage de l’automobile ou sur les déplacements des usagers qui en bénéficient ? Le bilan est, dans ce domaine, plus difficile à établir ; surtout, il varie selon la taille des communes, le poids de la contribution des usagers au fonctionnement du réseau (recettes de billetteries) ou encore le taux d’utilisation des réseaux.
En Ile-de-France par exemple, l’effet d’une gratuité des transports collectifs a fait l’objet de différentes simulations en 2018. "La gratuité se traduirait par une hausse de la fréquentation des transports collectifs de 6 à 10% (en voyageurs-kilomètres) (…), dont une moitié proviendrait de l’automobile, conduisant à une baisse d’environ 2% du trafic automobile", concluait le rapport à l’époque. Un résultat qui s’explique essentiellement par le fait que neuf déplacements sur dix en voiture n’étaient pas reportables sur les transports en commun sans perte de temps. D’où la conclusion des experts du Laboratoire interdisciplinaire des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po, selon laquelle les effets de la gratuité des transports collectifs sur les nuisances de l’automobile seraient minimes.
Si la gratuité entraîne souvent une hausse spectaculaire de la fréquentation des transports en commun, elle n’atteint pas forcément la cible recherchée. Les nouveaux utilisateurs ont en effet, soit abandonné les modes de transport "doux" tels que la marche ou le vélo, soit sont de nouveaux usagers, avec des déplacements qu’ils ne faisaient pas jusqu’alors.
Autre point à ne pas négliger, la gratuité des transports en commun n’est jamais totalement "gratuite". Elle entraîne souvent un transfert de financements des utilisateurs vers la collectivité. Avec le risque de devoir décaler (voire annuler purement et simplement) des projets d’investissements pour pouvoir garantir le financement des bus, des tramways et autres lignes de métro sur son territoire.
Enfin, la gratuité pour tous ne permet pas toujours une redistribution satisfaisante vers les publics les plus en demande. "La gratuité généralisée ne constitue pas une bonne mesure sociale : si on estime que la meilleure manière d’aider certaines populations passe par la gratuité des transports publics, il faut les cibler directement et exclusivement", estime Quentin David. Comme quoi, une mesure en apparence vertueuse pour tous et pour tous les cas de figure, peut au final déboucher sur des résultats en demi-teinte.
L’Arval Mobility Observatory
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