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Sarah Roussel, Arval France : "Un climat d’incertitude qui n’est pas propice à la prise de décision"

Publié le 24 mai 2024

Par Damien Chalon
6 min de lecture
La récente suppression du bonus pour les entreprises et les débats autour de la proposition de loi de Damien Adam freinent la dynamique de l’électrique dans la sphère BtoB. Sarah Roussel, directrice générale d’Arval France, en fait l’amer constat et assure que ses équipes mettent tout en œuvre pour accompagner les clients.
Sarah Roussel
Sarah Roussel, directrice générale d'Arval France. ©Xavier Muyard

Le Journal des Flottes : Trois mois après la suppression du bonus, voyez-vous un effet sur la dynamique de l’électrique dans les entreprises ?

Sarah Roussel : A ce stade, une chose est certaine, cette décision est plutôt mal perçue par les entreprises. Beaucoup d’entre elles sont engagées dans des plans d’économies, elles y réfléchissent donc à deux fois avant d’investir sur des produits qui coûtent plus cher. Les pays européens qui ont coupé avant la France les aides à l’électrification, notamment pour les entreprises, ont vu les ventes de voitures électriques baisser assez fortement. Tout le long de 2023, nous avons constaté chez Arval que la part de l’électrifié dans les commandes a augmenté, mois après mois, trimestre après trimestre. Les véhicules électriques et full hybrides ont davantage progressé que les hybrides rechargeables. Sur les trois premiers mois de 2024, la tendance a été peu ou prou identique. En revanche, en avril, nous avons noté un ralentissement. Est-ce que cela va durer, il est trop tôt pour le dire. Toujours est-il que nous ne sommes plus dans le rythme d’accélération que nous devrions avoir dans le cadre d’une transition énergétique rapide.

 

Il y a un climat d’incertitude qui n’est pas propice à la prise de décision

 

JDF : À quoi est dû ce ralentissement global ?

S.R. : Notre interprétation est qu’il y a un plus grand attentisme de la part des clients. Cela est notamment lié à l’évolution du bonus mais aussi aux incertitudes soulevées par la proposition de loi de Damien Adam, avec des objectifs d’électrification revus à la hausse et de potentielles sanctions financières. Il y a un climat d’incertitude qui n’est pas propice à la prise de décision. D’autant plus que les discussions autour de ce texte ont été repoussées, ce qui prolonge le phénomène. En parallèle, les délais de livraison de véhicules se sont considérablement raccourcis, les clients prennent donc davantage leur temps pour réfléchir. Ils n’ont plus besoin d’anticiper les commandes autant qu’avant. Il y a un autre point important qui inquiète les entreprises est la fin d’application du décret, le 31 décembre 2024, portant sur l’abattement de 50 % sur les avantages en nature relatifs à l'utilisation d'un véhicule électrique. Ainsi, un véhicule électrique de fonction, si ça se trouve, coûtera deux fois plus cher à un salarié en 2025. On voit enfin des constructeurs qui n’affichent plus le même enthousiasme sur l’électrique. Cela soulève beaucoup de questions, pas tant sur l’objectif final, mais sur le chemin pour y parvenir. Au final, les clients ne renouvellent que ce qu’ils sont obligés de renouveler. Nous avons toutefois, chez Arval, des clients qui sont extrêmement promoteurs de l’électrique, qui sont très en avance sur le sujet. Ils restent convaincus en dépit du contexte.

 

JDF : Êtes-vous, au même titre que les distributeurs automobiles, confrontés à des difficultés pour percevoir le versement des bonus de la part de l’administration ?

S.R. : La complexité administrative autour de l’électrification est un vrai problème. Pour les loueurs longue durée, c’est aussi très compliqué de récupérer le bonus. Avant, cela passait par des demandes groupées pour plusieurs véhicules. Maintenant, nous devons documenter des dossiers pour chaque véhicule en mettant plusieurs pièces justificatives, ce qui ralentit et complexifie le process. Il y a aussi le sujet des avantages en nature sur les bornes de recharge à domicile des salariés, qui est peu compréhensible. Cette complexité administrative n’aide pas à l’électrification des flottes.

 

Nous avons des clients résolument engagés dans la transition de leurs flottes

 

JDF : Arval, comme tous les loueurs d’ailleurs, a néanmoins un rôle majeur à jouer dans l’électrification du parc automobile, quel que soit le contexte…

S.R. : C’est vrai, et pour le coup nous sommes engagés depuis de nombreuses années dans la transition énergétique. Ce n’est pas un sujet nouveau pour nous. Arval accompagne ses clients dans cette démarche en proposant tous les véhicules hybrides et électriques qui sont disponibles sur le marché. Nous avons de ce fait un large choix à proposer à nos clients, avec les offres les plus adaptées à leurs besoins. Nos équipes Arval sont également là pour conseiller les clients. Nous avons des clients résolument engagés dans la transition de leurs flottes mais il existe encore auprès d’autres clients une certaine barrière psychologique à l’électrique. Leurs dirigeants se demandent en effet si l’électrique est réellement adapté aux usages de leurs salariés, notamment au regard des infrastructures présentes. Pour les aiguiller dans leurs choix, Arval s’appuie sur son expérience, son expertise et sa pratique du conseil avec une équipe dédiée de consulting. Aussi, grâce par exemple aux données de l’outil télématique Arval Connect, nous avons la capacité de démontrer à nos clients que l’électrique s’adapte parfaitement à l’usage de certains de leurs salariés.

 

JDF : L’usage reste le maître mot en quelque sorte ?

S.R. : Bien conseiller nos clients, ce n’est pas nécessairement leur dire de passer 100 % de leurs flottes à l’électrique immédiatement. Il faut arriver à bien cibler les usages pour favoriser l’adoption par nos clients et permettre ainsi une transition réussie. Nous accompagnons nos clients pour lever toutes les barrières liées à l’électrification. La recharge, au bureau, en itinérance et même à domicile avec l’offre Arval Charging@Home, en fait partie, mais pas seulement. Nous avons aussi des offres pour les conducteurs de voitures électriques qui leur permettent de bénéficier d’un véhicule thermique ou hybride pour quelques semaines par an, par exemple pour partir en vacances ; c’est notre offre Switch. Arval a également des solutions de mobilité alternative à la voiture et de multimodalité. Nous avons une gamme très complète pour accompagner nos clients dans tous leurs besoins de mobilité.

 

JDF : Que répondez-vous à la dernière étude de Transport & Environment qui cible les loueurs justement, dont Arval ?

S.R. : Arval est engagé depuis de nombreuses années en faveur de la transition énergétique, nous accompagnons nos clients dans cette dynamique. Notre rôle est de les orienter avec notre devoir de conseil ainsi que des produits et services adaptés. Notre démarche s'inscrit dans un écosystème global, aux côtés d'acteurs dont les rôles sont complémentaires : constructeurs automobiles, énergéticiens, loueurs, entreprises utilisatrices, régulateurs et pouvoirs publics.

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