Quand "transition écologique" rime avec "chocs pétroliers"
C’est un éminent économiste français, Jean Pisani-Ferry, qui le dit : la transition écologique qui s’impose à nous "va être brutale, bien plus que l'on imaginait". Grand architecte du programme économique du candidat Macron lors de la dernière élection présidentielle, il nous promet du sang et des larmes dans un premier temps, avant d’engranger les éventuels fruits de la "croissance verte". Pour fixer les choses (et nous donner une idée de l’ampleur de la tâche qui nous attend), il compare le défi à relever au nom de la transition écologique à celui des chocs pétroliers des années 70 !
Car avant de bénéficier des modèles économiques de demain, explique-t-il, c’est bien à une forme de décroissance à laquelle on devra faire face. Il faudra en effet déconstruire des pans entiers de l’économie, basés sur des énergies ou des procédés industriels polluants et voués à disparaître au nom du climat et de la préservation de la planète. Une révolution XXL donc que l’économiste justifie ainsi : "une stratégie climat remet nécessairement en cause toute une partie de ce qui fait notre potentiel de croissance aujourd'hui". (1)
On voit déjà les effets de cette révolution industrielle au nom du climat dans certains secteurs, comme l’automobile. Cette industrie, qui emploie quelque 13,5 millions de personnes en Europe et qui a largement contribué aux Trente Glorieuses, est confrontée à une feuille de route compliquée: elle devra tirer un trait sur les véhicules thermiques en 2035, a confirmé la Commission européenne le 14 juillet dernier. Plus facile à dire qu’à faire ! Car basculer les usines sur des véhicules électriques reviendra à terme à employer moins de main d’œuvre, à tirer un trait sur certains métiers et à fermer des sites. D’ores et déjà, des délocalisations de production ont lieu vers l’Asie, pour fabriquer certains modèles électrifiés qui reviendront ensuite sur les marchés européens.
La révolution industrielle de l’automobile a aussi des conséquences sur la filière énergétique. Pour faire rouler des véhicules électriques, plus besoin de carburants et de stations-service. Place aux bornes de recharge (rapides si possible) et à une électricité "propre". Là encore le défi sera de taille, même au pays de l’énergie nucléaire. A coup de milliards d’euros (25 milliards sont programmés dans les cinq ans à venir), l’Etat français entend doper des énergies alternatives qui en ont bien besoin, s’il veut atteindre son objectif à 2040 de 40 % d’électricité produite à partir du solaire, de l’hydroélectrique, de l’éolien terrestre ou mieux encore offshore, parent pauvre jusqu’ici des ambitions tricolores. Un second parc d’éoliennes en mer au large de la Normandie est bien dans les cartons de l’Etat, mais les oppositions restent fortes contre cette industrie.
En Chine au contraire, les industriels misent largement sur l’éolien offshore pour atteindre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon de 2060. La plus haute éolienne offshore du monde vient d’ailleurs d’être dévoilée par un constructeur chinois (2). Plus haute que la Tour Montparnasse, construite au début des années 70, ses pales seront capables de balayer une surface de 46 000 m2, explique le groupe industriel, soit l’équivalent de la superficie de 6 terrains de football, et pourront produire les besoins électriques annuels de plus de 20 000 foyers. Comme quoi, quelle que soit la nature de la révolution industrielle à conduire, la course au gigantisme reste de mise.
L’Arval Mobility Observatory
- (1) Jean Pisani-Ferry : « La transition écologique va être brutale, bien plus que l'on imaginait. Le Figaro 24 août 2021.
- (2) La Chine présente la future plus puissante éolienne au monde, Connaissance des Energies, 25 août 2021.
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