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Pascal Nouvellon, Watèa : "Accompagner les professionnels dans l’électrification de leur flotte"

Publié le 30 septembre 2021

Par Damien Chalon
7 min de lecture
Le groupe Michelin a annoncé début juillet 2021 la création d’une nouvelle filiale, Watèa, dirigée par Pascal Nouvellon. Son cœur de métier est d’apporter aux entreprises une solution clés en main dans le domaine de l’électrification des utilitaires légers et des poids lourds.
Pascal Nouvellon, PDG de Watèa

Journal des Flottes : Pouvez‑vous nous expliquer l’approche de Michelin avec Watèa, la structure que vous dirigez ?

Pascal Nouvellon : Notre démarche consiste avant tout à mettre en œuvre la stratégie du groupe "Michelin in Motion" dont l’objectif est de développer des offres de service, en complément de l’activité majoritaire et historique, celle du pneumatique. Watèa by Michelin est l’une de ces nouvelles propositions et vise à mettre au service de clients flottes des savoir‑faire que nous avons pu développer soit seuls, soit avec des partenaires et dont on pense qu’ils peuvent être utiles aux entreprises et à la planète. La mission de Watèa est d’accompagner les professionnels dans l’électrification de leur flotte. Nous avons ciblé en priorité le périmètre des utilitaires légers qui représente des enjeux colossaux, puisque nous avons environ 6millions de VUL en France, dont une bonne moitié a minima roule en ville. Il y aura donc un besoin de conversion vers l’électrique, du fait des évolutions réglementaires, qui sera considérable. Entre 2 et 3millions d’utilitaires devront être électrifiés dans les 5 à 10 ans qui viennent. Or, nous avons constaté que les flottes rencontraient de réelles difficultés à s’inscrire dans cette démarche. Nous nous sommes dit qu’à l’intérieur du groupe Michelin, nous avions un certain nombre de compétences sur le sujet, notamment dans le domaine de la télématique, qui pourraient être utiles aux entreprises.

 

JDF : Concrètement, comment Watèa intervient auprès des sociétés ?

PN : Le point de départ est une analyse du parc afin d’identifier les véhicules qui peuvent être électrifiés ou non. Cela passe par la télématique. Soit la flotte est déjà équipée et l’entreprise nous donne accès aux données et l’on peut rendre une étude complète sur le potentiel d’électrification, soit la flotte ne l’est pas, la situation la plus fréquente, et dans ce cas, nous disposons de capacités pour connecter des véhicules de manière temporaire, pour récupérer des données de base sur les déplacements, ce qui permet de dresser un premier bilan. Vient s’ajouter une analyse sur les capacités de recharge des sites de l’entreprise. À l’issue de cet audit complet, nous formulons des recommandations. Nous pouvons ensuite aller beaucoup plus loin dans l’accompagnement.

 

JDF : C’est‑à‑dire ?

PN : Une fois cette première phase réalisée, l’entreprise reçoit une proposition d’accompagnement globale qui pourra aller de la livraison de véhicules adaptés aux besoins à la mise en place de bornes de recharge ou encore d’une application innovante qui permet aux chauffeurs de gérer leur autonomie au cours de la journée. Celle‑ci tourne en permanence à bord des véhicules et permet de prévenir les difficultés liées au véhicule électrique. On dirige, par exemple, le chauffeur vers une borne adaptée à proximité en cas d’autonomie insuffisante pour poursuivre son trajet.

 

"Nous nous définissons comme un opérateur de mobilité propre avec la fourniture d’une solution clés en main, qui prend la forme d’un abonnement, comprenant le véhicule, les bornes, l’énergie et les applicatifs" Pascal Nouvellon, Watèa

 

JDF : Quand vous parlez de livrer des véhicules, cela signifie‑t‑il que vous les financez ?

PN : Tout à fait. Nous nous définissons comme un opérateur de mobilité propre avec la fourniture d’une solution clés en main, qui prend la forme d’un abonnement, comprenant le véhicule, les bornes, l’énergie et les applicatifs. Nous sommes en mesure de proposer jusqu’à 80 services. Nous avons travaillé d’arrache‑pied pendant 18 mois pour construire cette offre. Nous avons développé nos propres systèmes d’information avec, pour les chauffeurs, l’application Watèa et, pour les gestionnaires de flotte, un portail sur lequel ils peuvent visualiser les véhicules et les affecter à des chauffeurs et, bien entendu, gérer l’ensemble du parc à leur disposition avec, par exemple, la possibilité de recevoir des alertes pour les véhicules en limite d’autonomie. Nous avons aussi fait appel à des partenaires pour nous accompagner sur d’autres sujets.

 

JDF : Revenons à la question du financement. Est‑ce de la location longue durée, du crédit‑bail ?

PN : Pas du tout. C’est une formule d’abonnement qui n’est pas très courante en France, mais pratiquée en Amérique du Nord sous le nom d’"open‑end leasing". Cela fonctionne comme un abonnement téléphonique. Vous avez une période d’engagement, la plupart du temps de 36 mois, et ensuite, vous êtes libre de restituer le véhicule à la date que vous choisissez. Il n’y a donc pas de date limite comme en LLD ou LOA. Il y a, au contraire, une notion de flexibilité qui permet de résoudre une partie des problèmes propres aux véhicules utilitaires, notamment le fait que l’équipement a souvent une durée de vie qui est plus longue que le contrat de location.

 

JDF : Quels sont les clients ciblés en priorité avec cette formule ?

PN : Notre ambition est évidemment d’adresser l’ensemble du marché, même si le groupe, de par ses racines, est davantage tourné vers les flottes moyennes et grandes. Aujourd’hui, nos clients sont donc surtout des grandes entreprises avec de grandes flottes. Mais, bien sûr, nous avons pour vocation de toucher tous les parcs au‑delà de 20 véhicules.

 

JDF : Et, en termes de volumes, quelles sont vos ambitions ?

PN : Nous sommes assez prudents, car les volumes de vente vont être très liés au déploiement des zones à faibles émissions et à la prise en considération par les utilisateurs des contraintes qui en découlent. Ce que l’on voit est que la quasi‑totalité des clients grands comptes que nous rencontrons a conscience de ces difficultés et est en train de réfléchir au sujet. Nous pensons qu’il y aura un réel basculement vers le VUL électrique aux alentours de fin 2022, début 2023. Le marché est encore balbutiant, car l’électrique est encore cher par rapport au thermique, à quoi viennent s’ajouter des contraintes d’usage. D’où notre positionnement qui consiste à être un opérateur qui propose une solution clés en main. Notre formule permet aux entreprises de se décharger de toutes les contraintes.

 

JDF : Pourquoi vous limitez‑vous aux VUL ?

PN : De fait, nous pouvons aussi aller vers des voitures particulières, quand des clients nous le demandent. Mais le cœur de cible de Watèa, c’est l’usage professionnel du véhicule plus technique et plus lourd en exploitation. Pour résumer, plus les véhicules sont lourds, plus c’est difficile de les électrifier et plus c’est cher. C’est dans ce domaine que nous nous différencions et que nous pouvons accompagner nos clients. Et au‑delà du VUL, nous pouvons également intervenir sur du poids lourd, nous avons un premier 16t en déploiement. Notre cible est tous les véhicules d’exploitation qui entrent en ville.

 

JDF : Envisagez‑vous d’aller sur le terrain de l’hydrogène ?

PN : Oui, c’est un sujet sur lequel nous allons nous engager. Je rappelle d’ailleurs que, dans ce domaine, le groupe Michelin s’investit pleinement. Nous sommes convaincus que l’électrique à batterie et l’électrique à hydrogène sont deux propositions complémentaires, car elles répondent à des besoins différents. L’hydrogène permet de répondre à des besoins soit plus intensifs, soit plus compliqués à électrifier. Par exemple, l’utilisateur qui rentre tous les soirs chez lui et qui habite en résidence collective rencontrera la plupart du temps des difficultés pour recharger son véhicule, même si des solutions existent. L’avantage d’un véhicule à hydrogène est qu’il se recharge comme un véhicule thermique. Watèa a de ce fait vocation à accompagner les entreprises dans la mobilité hydrogène.

 

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