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Pas de coup de pompe pour les cartes carburant

Publié le 4 janvier 2024

Par Jean-Baptiste Kapela
9 min de lecture
Entre inflation, montée en puissance de l’électrique, digitalisation et nouvelles mobilités, les flottes d’entreprises sont nombreuses à s’orienter vers la carte carburant. Les acteurs de ce service doivent anticiper les besoins futurs avec du multi‑énergie et en étant toujours plus flexibles pour satisfaire leurs clients.
cartes carburant
Ceux qui proposent des cartes carburant ont bénéficié de l'augmentation du prix de l'essence. ©TotalEnergies

Elle n’en a plus que le nom. La carte carburant, à l’image de la mobilité, est en pleine mutation… à tous les degrés. En effet, la perception de la voiture en entreprise a radicalement changé. Cette dernière devient de plus en plus électrique, partagée, voire à tendance à s’effacer au profit de la mobilité douce. Sans compter l’inflation qui impacte les prix à la pompe et qui s’immisce de manière durable sur les totems.

 

Depuis cinq ans, le monde de la mobilité dans les flottes va dans tous les sens et les fournisseurs de services doivent s’aligner. "Nous ne parlons plus vraiment de « carte carburant » aujourd’hui, mais plutôt de « solution de mobilité ». L’objectif est plus d’accompagner les clients dans leur transition et pour cela, il faut de la souplesse et leur laisser le choix", souligne Frédéric Michard, directeur grands comptes au sein de TotalEnergies.

 

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En soixante ans, la carte de l’énergéticien a bien évolué. Elle n’a plus rien à voir avec le modèle grand routier (GR) floqué de son emblématique éléphant. Celle-ci a d’ailleurs été rebaptisée en 2021 : carte Fleet. Elle permet aux collaborateurs de se réapprovisionner dans toutes les stations TotalEnergies.

 

À l’heure actuelle, l’énergéticien recense, entre autres, 300 clients grands comptes dans son portefeuille, ayant pour certains d’entre eux près de 20 000 salariés. La flexibilité devient donc un critère incontournable pour les émetteurs de cartes carburant. D’autant plus que de nouveaux usages s’additionnent aux transformations de la mobilité.

 

"Depuis deux ans, nous constatons que les habitudes ont changé. Le premier élément que nous observons, c’est que nos clients, en particulier en zones rurales, ne souhaitent plus faire des dizaines de kilomètres pour trouver une station. Deuxième point, nous constatons qu’ils sont plus versatiles dans leur consommation de carburant. Si la station du coin est 10 % plus chère, ils veulent se donner la possibilité de faire du "pick and choose" et ne se sentent plus liés à une station en particulier. Dernière observation, les salariés ont augmenté leur fréquence de passage à la pompe et font de moins en moins le plein", remarque Sylvain Montoro, directeur général de Mooncard. La société propose une solution de paiement paramétrable.

 

Le bénéfice de l’explosion des prix à la pompe

 

Sans surprise, les habitudes ont surtout changé en raison de l’inflation des prix des carburants. "Quand je regarde mes dashboards, l’essence est 40 % plus chère qu’il y a trois ans, 20 % plus chère qu’en 2021 et 5 % plus chère qu’en 2022. Si j’analyse la courbe d’inflation de l’essence, nous suivons la même trame pour 2024, même si l’on observe une légère amélioration. Face à ces constats, il y a une optimisation de l’achat qui n’est plus uniquement l’apanage des grands comptes", souligne le directeur général de Mooncard, qui présente sa carte comme "agnostique", en opposition à ses concurrents "qui ne proposent qu’un réseau limité de stations". Ces augmentations du prix à la pompe ont certes de quoi donner des frissons aux usagers, mais pour les fournisseurs de cartes, c'est une aubaine.

 

En effet, mieux contrôler les coûts énergétiques devient un enjeu majeur pour les entreprises. "L'inflation des prix du carburant a généré un intérêt pour les sociétés proposant la gestion du poste carburant. Pour 90 % du marché, en particulier sur les petites flottes de véhicules, la carte bancaire est le mode de paiement privilégié. Mais l’augmentation des prix sur les totems a poussé les PME à s’intéresser aux solutions plus « professionnelles », comme les cartes carburant", affirme Philippe Dos Santos, directeur relation client de DKV.

 

L’entreprise, basée en Allemagne, propose la DKV card, utilisable dans près de 4 700 stations en France. À l’instar de cette dernière, la majorité des acteurs ont vu leur portefeuille s’agrémenter de nouveaux clients. Pour les accompagner dans ce contexte inédit, les fournisseurs de cartes ont plusieurs arguments dans leur besace.

 

S’appuyer sur la stratégie de groupe

 

Les pétroliers ou les enseignes de grande distribution qui proposent des cartes carburant s’appuient sur la stratégie de leur groupe. À l’image de TotalEnergies, qui a pris la décision par l’intermédiaire de Patrick Pouyanné, son directeur général, de plafonner les prix à la pompe à 1,99 euro/litre, dans un contexte où certains totems affichaient jusqu'à 2,30 euros/litre. Leclerc, de son côté, propose le ravitaillement au prix coûtant depuis l’été 2023, ce qui a poussé certaines sociétés à se tourner vers la carte carburant de l’enseigne pour avoir accès à ses 700 stations.

 

"En matière de volume, nous n’arrêtons pas de progresser. Nous affichons une croissance à deux chiffres et cela continue. Plus le carburant est cher, plus nous avons de clients et beaucoup d’entreprises ont souscrit à notre offre récemment", présente Thierry Forien, directeur énergies et directeur adjoint de Siplec (société de Leclerc). À un moment, TotalEnergies avait fait des remises importantes de 0,20-0,30 euro sur lesquelles personne ne pouvait s’aligner puisque nous n’avions pas le statut de raffineur. Leurs stations ont donc été prises d’assaut par les particuliers. Au bout de deux jours, elles étaient en rupture et les professionnels n’avaient plus accès au carburant. Finalement, ils nous ont rejoints et ont souscrit à notre carte", se remémore‑t‑il.

 

À noter que le distributeur a signé des partenariats avec Shell et BP pour sa carte, permettant aux collaborateurs de ses entreprises clientes d’accéder à près de 1 100 stations, en comptant celles de Leclerc.

 

Se reposer sur son réseau

 

En revanche, les prestataires de services purs, comme DKV, n’ont pas la mainmise sur les coûts de l’essence. Par conséquent, ces derniers s’appuient sur leurs partenariats. "Nos clients bénéficient de notre réseau et des stratégies agressives, notamment de la part des grandes et moyennes surfaces (GMS). En particulier via leurs opérations « prix coûtant » que peuvent faire des acteurs comme Leclerc depuis cet été. Mais aussi les stratégies des pétroliers et des stations-service indépendantes, qui proposent parfois des prix très attractifs, souligne Philippe Dos Santos. L'enjeu pour nous en tant que prestataires de services, puisque nous ne sommes pas pétroliers, c’est d’orienter au mieux nos clients par rapport à leurs besoins."

 

En appui de l’attractivité de leur réseau, les acteurs de la carte carburant mettent à disposition des collaborateurs de leurs clients des applications mobiles. Rien de nouveau jusque-là, mais dans un contexte d’inflation, la localisation des stations les moins chères prend une autre dimension.

 

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En particulier lors des grèves et des pénuries. "Nous avons notre application, MyCard, qui permet au porteur de carte de bénéficier d’une palette de services afin de faciliter son quotidien. Il peut ainsi accéder au réseau de stations TotalEnergies et vérifier lesquelles sont disponibles dans son environnement, précise Frédéric Michard. D'autre part, il peut maintenant paramétrer son véhicule en indiquant le type de carburant utilisé ou, s’il s’agit d’un modèle électrique, en précisant les prises compatibles et la puissance de recharge souhaitée. Ensuite, les collaborateurs peuvent planifier leur trajet sur de longues distances."

 

Une prise de conscience des enjeux de l'électrique

 

L’électrification est l’autre sujet qui concentre l’attention des fournisseurs de cartes carburant depuis quelques années. Si la part des véhicules électriques est encore marginale dans le parc roulant, elle est en croissance constante. En octobre 2023, les immatriculations de VE représentaient 14,6 % des ventes de voitures neuves. Naturellement, les fournisseurs de cartes carburant s’activent à rendre leur pass compatible avec le plus de bornes possibles.

 

"La mutation vers l’électrique est flagrante et davantage visible. Le réseau s’étoffe et de nombreux investissements ont été faits. Du côté de TotalEnergies, nous avons inauguré, il y a quelques semaines, la 1 000e borne de recharge ultrarapide et nous ouvrons de plus en plus de stations-service exclusivement électriques. Les investissements, qui ont pu être faits avec cette stratégie de maillage, permettent justement d’accompagner la transition énergétique de nos clients et des Français", s’enthousiasme Frédéric Michard.

 

Aujourd’hui, le sujet semble couler de source, néanmoins, il n’a pas encore atteint sa pleine mesure. "Nous avons dépassé récemment les 100 000 bornes de recharge disponibles dans notre réseau. Nous nous sommes penchés sur le sujet dès 2019, mais il est vraiment arrivé à maturité l’année dernière", assure Philippe Dos Santos.

 

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Leclerc, de son côté, met à disposition de ses clients 3 500 bornes de recharge gratuite sur le parking de ses magasins. Mais en dehors de ce réseau, les possesseurs de sa carte ne peuvent pas l’utiliser sur d’autres bornes. "Pour l’instant, il n’y a pas de sujet, car nous proposons une carte simple, sans puce RFID. Mais cela risque de changer puisque nous comptons bientôt nous orienter vers la carte hybride", présente Thierry Forien.

 

Couvrir tous les besoins de leurs clients, c’est le mantra des fournisseurs de cartes et l’électrique ne peut pas être négligé. "Nous parlons beaucoup des VE, mais avant que l’intégralité du parc français devienne électrique, il peut se passer plusieurs années. Aujourd’hui, les clients recherchent avant tout une seule solution pour plusieurs de leurs besoins, que ce soit la recharge, le ravitaillement en biocarburant, en essence, en diesel ou demain en hydrogène. Nous devons répondre à leurs besoins par le biais de notre carte ou de notre application", précise Philippe Dos Santos. DKV compte d’ailleurs se pencher sur les notions du kilométrage et du suivi du véhicule.

 

Dès 2024, le fournisseur de services allemand permettra de suivre le kilométrage sur les bornes de recharge publiques et à domicile. Loin d’avoir dit son dernier mot, la carte carburant semble résolument orientée vers le multi‑énergie et la digitalisation, mais ne perd pas de vue son objectif initial : simplifier le passage à la pompe/borne.

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