Nos habitudes de déplacements ont-elles durablement évolué ?
En 2020, avec la pandémie de Covid-19, il était à peu près admis par un grand nombre d’observateurs que l’on ne reviendrait jamais à la situation d’avant : en matière de travail, par exemple, le télétravail et les réunions à distance allaient prendre le dessus sur les activités en présentiel au bureau.
Même analyse "définitive" sur l’avenir des déplacements : la voiture allait clairement céder sa place aux engins personnels de mobilité (type vélos, trottinettes, etc…). Fini également les voyages et le tourisme au bout du monde.
Près de quatre ans après la pandémie, force est de constater que les habitudes ont la vie dure, et que les analystes futuristes de l’époque n’ont guère dépassé le stade de la prospective. Alors bien sûr, le télétravail s’est bel et bien ancré dans le quotidien des actifs, mais toujours à côté de la vie de bureau.
En revanche, contrairement à ce que certains affirmaient, on n’a pas assisté à un exode massif dans les campagnes de citadins excédés par la vie dans les grands centres urbains. Même constat pour ce qui est des modes de déplacements : au-delà de l’engagement citoyen en faveur de la lutte contre la pollution urbaine, il y a la réalité.
Et dans cette vie de tous les jours, il n’y a pas de pistes cyclables partout, les transports en commun restent aussi irréguliers qu’avant ; sans compter qu’avec les successions de crises, les opérateurs en ont réduit les fréquences pour restaurer leur rentabilité mise à mal par les confinements successifs. Résultat : la voiture est toujours là.
Dans son troisième rapport multimodal (1), l’Autorité de régulation des transports (ART) rappelle que "la crise sanitaire ne semble pas avoir bousculé la structure du transport de voyageurs". Le véhicule particulier reste ainsi le mode de transport privilégié des Français, avec une part modale de 83 %, relativement stable depuis 2008.
Un mauvais signal sans doute pour les pourfendeurs de la voiture, qui met en lumière (quoiqu’on en dise) les inégalités territoriales persistantes en matière d’accessibilité aux infrastructures de transports.
La reprise généralisée du trafic de voyageurs a aussi un impact environnemental, en ce qu’elle "met à un terme à l’amélioration observée" pendant la crise sanitaire. En un mot : plus de voyages et de déplacements signifie une hausse des émissions de CO2. Selon l’ART, elles sont en progression de 2,3 % par rapport à 2021, dont 52 % proviennent de la voiture individuelle.
"Si les évolutions 2019-2022 observées en matière de fréquentation sont principalement le fait de changements (contraints ou choisis) de comportements de mobilité au cours de la crise sanitaire, cette dernière ne semble pas pour autant avoir provoqué de rupture majeure dans les habitudes de mobilité des Français. Hormis une adoption durable des pratiques de télétravail, les études et enquêtes existantes ne mettent pas en évidence d’acquis comportementaux post-crise sanitaire en voie de pérennisation, hormis le rebond ferroviaire constaté qui reste toutefois à confirmer", conclut l’ART. Autrement dit, chassez le naturel, il revient au galop.
Même en matière de télétravail, on n’a pas assisté au "grand soir". Selon la dernière étude de France Vies Mobiles (2), un actif sur deux en Île-de-France pratique le télétravail au moins une fois par mois. Et quand on télétravaille, on a tendance à le faire régulièrement : neuf télétravailleurs sur dix le font au moins une fois par semaine, la moyenne étant de deux jours.
Comme le souligne le rapport, trois quarts des télétravailleurs ne travaillaient jamais à distance avant 2020, ce qui montre malgré tout le bouleversement intervenu dans les pratiques professionnelles. Autrement dit, "il est devenu normal pour tous de passer plus de jours chez soi qu’au bureau chaque semaine", relève le Forum Vies Mobiles.
Toutes les études et autres rapports vont dans le même sens : on assiste davantage à une cohabitation entre plusieurs modes de travail (le fameux travail hybride) ou plusieurs modes de déplacements (voiture, transports en commun, vélo), grâce notamment aux nouvelles applications de mobilités, qu’à la disparition pure et simple des uns ou des autres.
Tout cela pour dire qu’en France, la voiture a encore de beaux jours devant elle, n’en déplaise à ceux qui verraient bien les autoroutes se transformer en circuits de jogging… Les constructeurs chinois, qui viennent de faire étalage de leur puissance au dernier salon automobile de Pékin, mais qui doivent aussi faire face à des surcapacités inquiétantes sur leur marché national, en sont bien conscients.
Ils multiplient les initiatives pour créer en Europe leurs réseaux de distribution et donc, toucher le client final avec des modèles électriques "abordables". Avec le consentement de moins en moins muet des constructeurs dits "historiques", qui font preuve de pragmatisme tant la vague chinoise paraît incontournable.
L’Arval Mobility Observatory
(1). https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2024/03/rapport-multimodal-vpublication.pdf
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