Mobilité décarbonée : l’environnement est-il toujours favorable ?
On le voit dans les chiffres des immatriculations mensuelles de voitures, l’automobile ne tourne pas très rond en France, ni même en Europe. Les consommateurs se détournent des modèles neufs, jugés inaccessibles pour leurs portefeuilles. Quant aux entreprises, elles sont perdues dans un millefeuille fiscal dont la France a le secret, et plutôt que de faire de mauvais choix, elles temporisent en espérant des jours meilleurs.
Le résultat, ce sont par exemple plus de 100 000 véhicules particuliers et utilitaires en moins immatriculés dans les entreprises par rapport à la période d’avant Covid-19. Un marché à l’arrêt, dont on ne voit pas aujourd’hui ce qui pourrait lui redonner des ailes, compte tenu des contraintes budgétaires.
À bien regarder, c’est tout le secteur des mobilités qui est atteint d’une forme d’atonie. Prenons le cas des vélos ; il y a moins de cinq ans, la petite reine (électrique ou pas) était promise à un avenir radieux, et avec elle, toute la filière industrielle.
Las. Depuis deux ans, le marché a été stoppé net. Les fabricants de deux roues sont davantage occupés à écouler leurs stocks d’invendus que d’acheter de nouveaux matériels. C’est ce qui explique, entre autres, la fermeture tout juste annoncée de l’usine historique de l’équipementier Mavic à Saint-Trivier-sur-Moignans dans l’Ain, où il est implanté depuis près de 50 ans. L’heure est désormais à une reprise de la délocalisation des productions dans des pays à coûts salariaux moins élevés, en l’occurrence la Roumanie.
Comme pour la voiture électrique, les politiques publiques d’aides à l’achat ou à la location de deux roues font les frais de la dérive des déficits. Début novembre, François Durovray, ministre délégué aux Transports, présentait avec Agnès Pannier-Runacher, en charge de la transition écologique, la feuille de route de la France pour faire baisser les émissions de carbone des transports d'ici à 2030. Les mobilités douces, telles que le vélo ou la marche, font bien partie des solutions pour atteindre cet objectif. Problème : le ministre des Transports n’a pas obtenu de Bercy "la restauration des 250 millions d'euros annuels du «plan vélo» d'Elisabeth Borne, disparus dans les coupes budgétaires", explique Le Monde (1). Comment dès lors faire croire au public que les deux roues sont la priorité de l’État ? On ne croit que ce que l’on voit et, en l’espèce, on ne voit rien.
Du côté des entreprises, le programme visant à les inciter à développer une véritable culture du vélo parmi leurs collaborateurs, moyennant une aide au financement, vit ses dernières semaines. Il prendra en effet fin le 31 décembre 2024. En 2023, quelque 1 400 employeurs étaient entrés dans cette démarche de labellisation et 130 l’avaient obtenue. En octobre 2024, ce chiffre était passé à 280 employeurs qui avaient décroché ce label "Employeur Pro-Vélo".
À l’échelle européenne également, la filière du VAE veut se faire entendre, car elle estime être délaissée. Regroupés au sein de la Confédération européenne des industries du vélo (Conebi), les industriels réclament des mesures de protection de leurs fabrications pour la période 2024-2029. Aujourd’hui, l’Europe produit 98 % de ses vélos à assistance électrique, ce qui montre l’effort important de relocalisation opéré par ses industriels. Pour autant la filière reste dépendante (comme l’industrie automobile une nouvelle fois) de la Chine pour la production des batteries et des moteurs. Pour le moment, la Commission reste sourde à toute demande protectionniste de la filière ; mais pour combien de temps ?
Comme l’industrie du véhicule électrique, il est difficile d’être la priorité pour la transition des mobilités sans être celle des politiques publiques d’aides.
L’Arval Mobility Observatory
(1). Véhicules électriques, cars et vélos pour réduire l'empreinte carbone. Le Monde, 6 novembre 2024.
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