Marc Charpentier, One Lease : "Avec Ciclad, nous allons bénéficier d’un effet de levier puissant"
Journal des Flottes : One Lease vient d’ouvrir à nouveau son capital à un investisseur. Que pouvez-vous nous dire à propos de cette opération ?
Marc Charpentier : L’opération a été signée vendredi dernier, le 9 juin. Nous avons procédé à une augmentation des fonds propres en ouvrant le capital à un nouvel investisseur, en l’occurrence le fonds Ciclad. Notre autre partenaire depuis 2019, Bee Family Office, ainsi que le management de l’entreprise participent aussi à ce nouveau tour de table. L’équipe fondatrice de One Lease demeure majoritaire au capital.
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J.D.F. : Que va apporter l’arrivée de Ciclad à One Lease ?
M.C. : L’entrée d’un nouvel investisseur comme Ciclad va donner de la visibilité à tous nos partenaires, cela va rassurer les prêteurs dans la mesure où les fonds propres de One Lease se renforcent significativement. Avec Ciclad, nous allons bénéficier d’un effet de levier puissant, nous allons avoir les ressources nécessaires pour financer nos véhicules pour les 5 ou 6 prochaines années. Nous avons à présent la capacité de lever plus de dette, environ 25 millions d’euros dès cette année, puis 30 millions en 2024 et ainsi de suite. One Lease est aujourd’hui proche des 3 000 véhicules sous contrat et nous tablons sur 7 000 d’ici 5 ans.
Nous finançons désormais entre 35 et 40 véhicules avec un million d'euros
J.D.F. : Indépendamment de cette opération, comment se porte One Lease ?
M.C. : Les événements de ces dernières années ont un peu freiné notre développement. En 2022, One Lease a mis entre 10 et 11 mois en moyenne pour livrer les véhicules neufs. Ce qui a eu un impact sur l’accroissement de notre parc. Nous avons 1 000 véhicules en portefeuille, c’est un volume considérable que nous peinons à livrer, même si les délais commencent à diminuer en 2023. L’autre point est que chaque voiture que nous devons immatriculer coûte plus cher chaque année, voire plus cher chaque mois. 2022 avait démarré avec des remises qui s'étaient effondrées. Nous avions encore quelques challenger début 2022 qui donnaient encore un peu de remises, mais ils sont rapidement rentrés dans le rang. Fort heureusement, la tendance semble être à un léger assouplissement sur le sujet depuis quelques semaines.
J.D.F. : Concrètement, comment cela se traduit-il sur vos finances ?
M.C. : Pour vous donner un ordre d'idée, quand nous avons créé One Lease en 2017, avec un million d'euros nous financions entre 60 et 65 véhicules. Nous avions un ticket moyen à 17 000 euros hors taxes. Il est plutôt à 28 500 euros aujourd’hui. Et donc, nous finançons désormais entre 35 et 40 véhicules avec un million d'euros. Lorsque que je finance une Renault Clio par exemple, elle me coûte beaucoup plus cher. Son prix facial a augmenté et la remise a sacrément diminué.
Nous sommes fiers d’avoir un mix 100 % électrique de 25 % sur nos prises d’ordres
J.D.F. : C'est aussi le choix de One Lease d'aller sur des modèles électriques qui coûtent forcément plus cher…
M.C. : Vous avez raison. Mais cela correspond aussi à un appétit grandissant de nos clients pour le full électrique. Nous sommes fiers d’avoir un mix 100 % électrique de 25 % sur nos prises d’ordres. Et si je prends tous les véhicules électrifiés, en intégrant les hybrides, nous sommes à 60 %. Mais effectivement la contrainte derrière, c'est le financement.
J.D.F. : One Lease évolue malgré tout sur un secteur à forte rentabilité…
M.C. : Effectivement, je tiens d’ailleurs à vous annoncer que 2022 a été la première année où One Lease a été rentable. L'entreprise se porte bien, se développe et va chercher de nouveaux marchés. Nous gagnons ainsi en crédibilité auprès des banques, nous allons pouvoir lever de la dette un peu plus facilement. Et pour revenir sur 2022, nous avons aussi été aidés par le marché de l'occasion qui est totalement dingue, les voitures se revendent beaucoup plus cher que prévu et en plus elles partent très vite. Cela rassure les prêteurs, notamment les banques, qui vont analyser tout le cycle. Elles voient qu’en 2022 nous avons rentré 400 VO et ils ont été revendus bien plus que la VR prévue au contrat. Ce phénomène nous permet de revoir à la hausse nos valeurs résiduelles notamment sur les véhicules électriques et d’afficher une compétitivité nécessaire dans l’accompagnement de nos clients.
Il faudrait d'autres One Lease
J.D.F. : Quelle analyse faites-vous des grands mouvements en cours sur votre secteur ?
M.C. : Notre analyse chez One Lease est qu’à terme, le marché français de la location longue durée va manquer cruellement de concurrence. Nous nous retrouvons avec trop peu d'acteurs et si on regarde les pays limitrophes, nous sommes dans une situation qui n'existe pas ailleurs. Les quatre grands opérateurs que sont Renault, Stellantis, Arval et ALD règnent en maîtres sur leur marché national. Et ce n’est pas bon. Quand vous avez peu de concurrence, cela a des conséquences qui sont dramatiques pour les clients. Premièrement, c'est probablement la qualité du service rendu qui en souffre, c'est ce que j'entends. Chaque année, la qualité diminue chez les grands acteurs, nous avons le sentiment qu'ils veulent faire plus de profits, plus de chiffre d'affaires, avec moins de personnel. C'est au détriment de la qualité du service chez le client. Et donc nous, chez One Lease, nous avons énormément d'appels de clients qui sont déçus de cette situation ou qui anticipent les mouvements de concentration en se disant que cela ne va pas leur convenir. Alors malheureusement, nous sommes trop petits pour venir endiguer ce phénomène et financer tout le monde. Il faudrait d'autres One Lease.
J.D.F. : Pourquoi n’y a-t-il pas plus de One Lease ?
M.C. : Effectivement, comment cela se fait-il qu'il y ait si peu d'entrants sur ce secteur d'activité qui gagne autant d'argent ? Sans doute parce que le ticket d’entrée est très cher. Il faut énormément d'argent pour financer des véhicules qui sont de plus en plus chers. Il y a peut-être aussi des structures qui repoussent l'échéance en voyant les grands bouleversements qui sont à l’œuvre sur le marché automobile, je pense notamment à l’électrification. Et puis, il y a un autre sujet qui est celui des compétences. Il faut être en mesure d’aligner des compétences qui soient capables d’adresser tous les sujets de la location longue durée. La LLD nécessite par ailleurs des outils informatiques puissants, c’est le nerf de la guerre.
Globalement, les acheteurs flottes sont un peu paumés
J.D.F. : L’an dernier, vous aviez l’objectif de vous rapprocher de groupes de distribution afin de les accompagner dans la mise en place de leurs propres structures de LLD. Où en êtes-vous à ce sujet ?
M.C. : Nous avons eu beaucoup de rendez-vous, mais en 2022, les groupes de distribution étaient pour la plupart engagés dans des discussions intenses avec les constructeurs à propos de l’évolution de leurs contrats. Ils ne savaient pas trop à quelle sauce ils allaient être mangés. Nous commençons à y voir un peu plus clair. Cela nous permet d’avancer sérieusement dans nos discussions. Encore une fois, dans les pays voisins, par exemple au Royaume-Uni, il n’est pas rare que des groupes de distribution pèsent entre 2 000, 3 000 voire 5 000 voitures en LLD. Nous devons tendre vers ça, le marché doit tendre vers ça. La LLD est un métier qui est tellement connexe à leurs activités. Les groupes ont déjà les clients, ils ont les équipes commerciales qui savent parler du sujet, ils ont des équipes administratives pour livrer des véhicules et ils ont des vendeurs VO. En fait, il leur manque un peu d’expertise sur certains sujets que nous sommes en mesure de leur apporter.
J.D.F. : Vous l’avez évoqué, le marché automobile est en plein bouleversement avec l’électrification et les nombreuses échéances qui approchent. Comment les clients appréhendent-ils ces changements ?
M.C. : Globalement, les acheteurs flottes sont un peu paumés. Quelle marque référencer ? Pour quelles voitures ? Avec quelle énergie ? Doit-on bannir les SUV ? Faut-il en finir avec le thermique et aller sur du tout électrique ? Est-ce qu’il faut attendre l'hydrogène ? Ils se posent plein de questions. Et le fait est qu’un acheteur paumé, il achète mal ou plus cher, mais il ne sait pas forcément de combien. Nous avons tendance à dire qu’avant la crise, tout était 30 % moins cher en matière d’automobile. J'ai des clients qui m’appellent pour savoir comment on fait pour endiguer ce +30 % et le plafonner à +15 ou +20 %… En 2023, nos clients doivent comprendre que le TCO le plus bas se situe avec un véhicule électrique chargé au domicile ou au bureau : cela demande de l’accompagnement au changement.
Tout est réuni pour que nous dépassions le cap des 3 000 véhicules à la route à la fin de l’année
J.D.F. : Les constructeurs chinois arrivent justement avec des produits très compétitifs. Les clients ouvrent-ils la portes à ces nouvelles propositions ?
M.C. : Nous avons déjà commencé à financer des MG4 pour certains de nos clients. Cette voiture, c'est un ovni. Nous la préconisons, d’autant plus que nous l’avons testée, au même titre que les modèles d’autres marques. C’est un pavé dans la marre en Europe. Je pense qu’ils vont tenir la position longtemps et que c'est le vrai prix des voitures électriques. Après, tous les clients ne sont pas prêts à rouler avec des voitures chinoises.
J.D.F. : Un mot pour finir sur vos ambitions en 2023 ?
M.C. : Cette opération financière réalisée vendredi dernier est une étape importante pour One Lease. Tout est réuni pour que nous dépassions le cap des 3 000 véhicules à la route à la fin de l’année. Mon ambition personnelle est de convaincre toujours plus de clients de basculer dans l’univers de l’électrique : la solution qui répond parfaitement aux enjeux de réchauffement climatique et de pollution de l’air.
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