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Les loueurs longue durée accusés de retarder l’électrification du marché automobile

Publié le 28 février 2023

Par Damien Chalon
4 min de lecture
Dans une étude, l'ONG Transport & Environment accuse les loueurs longue durée de ne pas jouer pleinement le jeu de l’électrification, notamment en sous-estimant les valeurs résiduelles. Une pratique qui ralentirait les mises à la route des modèles électriques ainsi que la décarbonation du secteur routier.
loueurs longue durée
L'ONG T&E accuse les loueurs longue durée de fixer des valeurs résiduelles trop basses sur les véhicules électriques. © Adobe Stock / tongpatong

Transport & Environment s’attaque avec virulence aux loueurs longue durée. Dans une étude, l’ONG accuse ces derniers de surfacturer les voitures électriques, en prenant des positions beaucoup trop prudentes sur les valeurs résiduelles, ce qui impacterait négativement le TCO.

 

Cette pratique freinerait de ce fait, toujours selon l’organisation, le déploiement des modèles électriques, et donc la transition énergétique dont les loueurs assurent être des acteurs importants. T&E rappelle au passage que les sociétés de leasing n’ont jamais aussi bien gagné leur vie avec des "bénéfices records en 2021 qui devraient encore doubler dans leurs comptes 2022."

 

Des offres pas en phase avec le marché

 

L'analyse de l’ONG révèle que sur les principaux marchés européens, les loueurs facturent aux clients 57 % de plus pour louer un modèle électrique par rapport à un modèle à essence équivalent. Cela équivaudrait à 233 euros supplémentaires par mois et 8 370 euros sur un contrat de 36 mois.

 

Le prix d’achat plus élevé des électriques ne serait pas en cause, mais plutôt leur perte de valeur à l’issue du contrat de location. Si les électriques s'affichent bien plus chères à l'achat, les loyers pratiqués "ne tiennent pas compte des évolutions récentes du prix de revente des véhicules électriques sur le marché de l'occasion, qui constitue la principale variable utilisée par les sociétés de leasing pour fixer leurs prix", note l'ONG.

 

T&E assure avoir analysé les prix de 2,7 millions de voitures d’occasion sur les grands marchés européens pour arriver à ces conclusions. Son constat est que le prix de revente des véhicules électriques sur le marché de l'occasion se rapproche de plus en plus de celui des modèles thermiques.

 

Les offres des loueurs "reflètent l'état du marché d'il y a cinq ans, lorsqu'il y avait des incertitudes sur l'attractivité des véhicules électriques de seconde main", accuse Léo Larivière, responsable du plaidoyer électrification des flottes chez T&E France. "Cela a des conséquences très concrètes : les utilisateurs de véhicules électriques sont surfacturés et la transition vers l'électrique est entravée".

 

Les loueurs réagissent

 

Les loueurs longue durée sont vent debout contre l’ONG. "Cette étude fait ressortir des faits qui sont lamentablement faux", rétorque le responsable d’un majeur du secteur. "Les loueurs ne prennent absolument pas plus de marge pour un véhicule électrique qu’un véhicule thermique et surtout les constructeurs ne font pas du tout bénéficier les loueurs du même niveau de remise", poursuit-il.

 

Ce loueur présent sur le marché français fait ainsi état de niveaux de remises qui atteignent 25 % pour des véhicules thermiques contre 10 % au plus pour les véhicules électriques. "De plus il est étonnant de voir des valeurs de revente déjà établies puisque en réalité, nous n’avons que très peu revendu de véhicules électriques dont l’offre s’est réellement étoffée à compter du début de l’année 2022. Je ne sais pas sur quelles bases a été réalisée cette étude", se demande ce professionnel.

 

Des visions plus nuancées

 

D’autres intervenants du secteur des flottes partagent en revanche le constat de l’étude. C’est le cas de Stéphane Montagnon, fondateur de Hoslon, un spécialiste du fleet management et du conseil en gestion de flotte.

 

"Bien entendu, c'est le loueur qui porte le risque de baisse des valeurs résiduelles", tient-il à préciser en introduction de son propos. "Les principaux facteurs sont l'obsolescence technique, la chute du marché de l'occasion et une guerre des prix sur les neufs qui rendraient peu attractif l'occasion. Ces trois risques sont extrêmement faibles sur les derniers véhicules sortis qui proposent des autonomies qui resteront supérieures aux besoins réels de la plupart des conducteurs", complète-t-il ensuite.

 

Selon lui, les loueurs préparent des profits très élevés pour les valeurs de revente des véhicules électriques : "A titre d'exemple, les valeurs résiduelles que nous avons récemment reçues pour une Hyundai Ioniq 6 sont de 38 % du prix catalogue pour un couple 48 mois et 80 000 km, alors que les valeurs réelles du marché seront supérieures de dix à 20 points, et cela sans tenir compte de l'inflation."

 

Son analyse est également que les clients de loueurs subissent l'ensemble des hausses, tant sur les taux financiers que sur les prix catalogue, et ne bénéficient pas en retour "des baisses légitimes attendues" comme l’augmentation des valeurs résiduelles et la prise en compte de l'inflation dans la valorisation de ces VR.

 

Stéphane Montagnon souligne au passage que les budgets entretien calculés par certains loueurs apparaissent démesurés par rapport aux coûts réels qu'ils vont supporter. "Nous estimons les taux de marge sur ces prestations s'affichent à prêt de 70% pour certains modèles. Dans certaines cotations, nous voyons même des frais de carburant pour la mise à la route du véhicule", confie-t-il.

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