Les grandes manœuvres des livraisons rapides
Les Cajoo, Dija, Gopuff, Koll, Zapp, Gorillas, Frichti, Zap, Getir, Flink, et autres Yango Deli avaient pourtant de grandes ambitions et pensaient tous pouvoir se faire une place au soleil dans cette activité plébiscitée par les jeunes consommateurs et boostée par la pandémie de Covid-19.
Les enseignes de grande distribution voyaient à travers ces jeunes start-up un levier de croissance et de diversification. Carrefour s’invitait ainsi au capital de Cajoo, tandis que Casino faisait de même chez Gorillas. Quant aux investisseurs, ils n’hésitaient pas à participer aux levées de fonds de ces entreprises, certains d’un retour sur investissement substantiel.
Las ! L’environnement économique s’est brutalement inversé en 2022. En un mot, le modèle de la livraison ultra-rapide a littéralement explosé en vol. L’inflation galopante a mis fin à l’argent "gratuit". Du jour au lendemain, les financements se sont donc asséchés, contraignant les opérateurs à se vendre ou à mettre la clef sous la porte.
En décembre dernier, Gorillas (qui avait entretemps racheté le français Frichti) est ainsi passé sous pavillon turc, absorbé par Getir, pour la modique somme de 1,2 milliard de dollars. Quant à Cajoo, il a été repris par un autre poids-lourd, l’allemand Flink.
Les grandes manœuvres se poursuivent en ce printemps 2023. Début mai, le Financial Times indiquait que Getir était en négociation avec Flink ce qui (en cas de succès) en ferait l’unique survivant du secteur en Europe, une place tenue par Gopuff outre-Atlantique (1). Il faut encore pour cela que Getir, débarqué en France avec des ambitions immenses en 2021, trouve l’argent nécessaire. Or, il a placé sa filiale française en redressement judiciaire au début du mois…
Les livraisons instantanées, par des livreurs à vélo ou à scooter électrique jusqu’au domicile ou au lieu de travail des acheteurs en ligne, n’auraient donc plus la cote. Tout comme leurs entrepôts logistiques (les fameux "dark stores") implantés en plein cœur des villes, qui viennent troubler la quiétude de ces quartiers jusqu’alors paisibles. Plusieurs villes n’ont d’ailleurs pas tardé (Paris en tête) à partir en guerre contre cette nouvelle forme de commerce. Avec succès, puisque plusieurs entrepôts ont dû fermer dans la capitale.
Le secteur de la livraison de colis et autres paquets n’en demeure pas moins stratégique pour toutes les enseignes et ce, quelle que soit la région du monde. La Banque européenne d’investissement (BEI) a accordé, début mai, 40 millions d’euros à la start-up allemande Wingcopter, qui a créé un drone capable de livrer en un seul vol, trois colis à trois localisations différentes. La jeune entreprise souhaite notamment tester son appareil en Allemagne pour livrer à la demande des biens de consommation dans des zones rurales.
En Chine, plusieurs tests ont été effectués avec des camionnettes qui permettent à des robots de se recharger en électricité et de refaire le plein de nouveaux colis à livrer ensuite dans différentes rues piétonnes ou interdites aux véhicules. Alors, les robots seront-ils demain, les nouveaux livreurs des centres-villes ?
L’Arval Mobility Observatory
(1). "Grocery delivery app Getir in talks to acquire rival as consolidation gathers pace". Financial Times Europe, 2 mai 2023.
(2). "EIB provides €40 million for Wingcopter". Siècle Digital.fr, 15 mai 2023.
(3). "Les robots vont-ils remplacer les livreurs dans nos villes ?". The Conversation, 21 février 2023.
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