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La longue route de la transition écologique

Publié le 13 juin 2024

Par Damien Chalon
4 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory – Parmi les nombreuses initiatives en matière d'énergie verte, plusieurs ne passeront pas au stade industriel. C'est le cas de la route solaire dans le département de l'Orne, qui vient d'être détruite. Les récents résultats électoraux en France et en Europe posent également la question du financement futur de ces projets.
Fin du projet de route solaire dans l'Orne
Le projet de route solaire ce sont cinq millions d’euros de financements publics qui partent en fumée, alors que les architectes de cette belle innovation (sur le papier) promettaient de l’énergie équivalente à la consommation annuelle de l’éclairage public d’une ville de 5 000 habitants. ©AdobeStock-N Joy Art

Depuis le 9 juin 2024 au soir et les résultats des élections européennes, la question du rythme qui sera donné à la transition énergétique occupe l’esprit de pas mal de monde. Les calendriers règlementaires adoptés par la Commission européenne vont-ils être revus (on pense bien sûr à la date de 2035, synonyme d’arrêt des ventes de véhicules thermiques), des décisions contraignantes pour les États seront-elles ajournées ? À l’inverse, des plans de soutien à des filières énergétiques durables sont-ils aujourd’hui menacés par la montée des partis populistes dans plusieurs pays et le faible score des listes écologistes ?

 

Il est vrai que depuis plusieurs mois, sous la double contrainte des taux d’intérêt en hausse, de la flambée des prix des matières premières ou de l’énergie, la transition écologique a le blues. Des projets deviennent trop coûteux et leur rentabilité n’est plus assurée ; des initiatives plus anciennes, faute de résultats concrets et toujours en raison du coût des investissements, doivent baisser le rideau.

 

Pourtant la donne en matière écologique reste la même, avec ou sans élections européennes : il faut pousser les stratégies "bas carbone", réduire l’hyperdépendance aux énergies fossiles, déployer les énergies renouvelables, favoriser des innovations susceptibles d’économiser l’électricité… Pour autant, investir ne veut pas dire arroser tous les projets sans discernement, mettre la charrue avant les bœufs ou confondre vitesse et précipitation.

 

Le projet de "route solaire" en France est, à ce titre, exemplaire. L’annonce de son arrêt et de sa démolition n’ont pas fait la "Une" des journaux ces dernières semaines, alors que son lancement, en 2016, avait mobilisé force médias et personnalités politiques et même une ministre, Ségolène Royal.

 

Les quelque 3 000 m2 de panneaux photovoltaïques collés sur l’asphalte, sur un tronçon d’un kilomètre de long d’une départementale de l’Orne, près de la commune de Tourouvre au Perche (3 200 habitants), devaient préfigurer un ambitieux déploiement à grande échelle sur 1 000 kilomètres de voies routières à travers l’Hexagone.

 

Très vite pourtant, la réalité sera bien différente des promesses initiales : panneaux solaires décollés, cellules photovoltaïques endommagées par le trafic, systèmes encrassés par les feuilles qui tombent des arbres, bruit généré par le revêtement, production d’électricité très en deçà des prévisions. En un mot, cinq millions d’euros de financements publics qui partent en fumée, alors que les architectes de cette belle innovation (sur le papier) promettaient de l’énergie équivalente à la consommation annuelle de l’éclairage public d’une ville de 5 000 habitants.

 

Un projet mal ficelé qu’aurait adoré "épingler" le journaliste Jean-Pierre Pernaut dans son émission à succès des années 90 sur la Une, "Combien ça coûte". La route solaire ou "à énergie positive" de Tourouvre vient d’être démolie, cette technologie étant finalement plus adaptée aux pistes cyclables qu’aux routes accueillant des poids lourds !

 

La transition écologique est loin d’être un long fleuve tranquille. Les acteurs de la filière hydrogène vert peuvent en témoigner, même si l’Agence internationale de l’énergie (AIE) annonce une explosion des investissements dans les projets d'électrolyseurs cette année (+140 % à cinq milliards de dollars).

 

Depuis plusieurs mois, "les nuages noirs se sont accumulés au-dessus de cette filière en gestation", explique le quotidien Les Échos (1). Les coûts de construction et d’exploitation des unités de production sont deux fois plus élevés qu’attendu. Résultat, "une récente étude du CEA a donc réévalué la demande d'hydrogène vert en Europe en 2030 à 2,5 millions de tonnes. Huit fois moins que les chiffres de Bruxelles", indique le journal économique. À lui seul l'Hexagone, rappelons-le, a prévu de mettre sur la table neuf milliards d'euros d'ici 2030 pour soutenir cette filière.

 

Le coût économique pour produire l’hydrogène vert n’est pas le seul écueil : la filière doit aussi composer avec la concurrence d’autres couleurs d’hydrogène, au premier rang desquels l'hydrogène bleu. Un arrêté en cours de préparation par le gouvernement français prévoit de l'intégrer à la définition de l'hydrogène bas carbone, ce qui lui ouvrirait de facto droit aux mêmes subventions que le vert. À moins que les résultats électoraux du 9 juin 2024 ne gèlent ce projet d’arrêté pour cause de dissolution parlementaire.

 

L’Arval Mobility Observatory

 

(1). "L’hydrogène vert dans la vallée de la mort". Les Échos, 7 juin 2024.

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