Hydrogène : entre emballement et déception
Les derniers mois de 2024 ont été marqués par des vents contraires : mise en redressement judiciaire d’Hyvia, la coentreprise entre Renault et Plug Power, spécialisée dans la fabrication de VUL à hydrogène ; réorientation stratégique pour Hopium, présenté comme le Tesla de l’hydrogène en 2022, mais qui aujourd’hui est recentré sur la production d’une solution 100 % française de pile à combustible. Les prochaines étapes devaient être communiquées aux actionnaires d’Hopium aujourd’hui, mais le webinaire vient d’être décalé au 22 janvier prochain.
La semaine dernière, c’était au tour de McPhy Energy de communiquer au marché que ses prévisions de chiffres d’affaires ne seront pas tenues. La société qui s'est recentrée sur la fabrication d'électrolyseurs permettant de convertir l'électricité en hydrogène, estime que ses facturations se situeront autour de onze millions d'euros en 2024, loin de la fourchette de 18 à 22 millions d'euros annoncée le 29 octobre dernier. Soit une division par deux des prévisions. Il y a sept mois, le même McPhy Energy inaugurait pourtant sa "méga-usine" d'électrolyseurs à Belfort, la plus grande dans l'Hexagone.
Les immatriculations de véhicules hydrogène sont aussi en perte de vitesse : 129 VP et VUL commercialisés pour les entreprises en 2024, soit une baisse de plus de 60 % en un an. Cette technologie, d’avenir pour certains, trop coûteuse pour d’autres, cumule les handicaps face à des motorisations électrifiées mieux-disantes.
Les constructeurs préfèrent en effet mettre "le paquet" sur les véhicules 100 % électriques à moins de 25 000 euros plutôt que sur les motorisations hydrogène. Des pionniers comme Toyota ont d’ailleurs enregistré une année 2024 "horribilis", avec 1 800 immatriculations de modèles hydrogène seulement dans le monde, soit le niveau de 2020.
Le coup d’arrêt ne concerne pas uniquement la France et l’Europe. Outre-Atlantique, la Californie vient de revoir à la baisse ses prévisions de parc automobile hydrogène à la route en 2030 : 20 500 véhicules à pile à combustible, trois fois moins que les précédents rapports qui tablaient sur plus de 60 000 unités. À date, la Californie compte 14 500 véhicules à pile à combustible en circulation. C’est pourtant l’État le plus avancé sur cette technologie, mais la baisse de la demande l’incite à freiner les développements.
Une voiture à hydrogène se ravitaille à une station, contrairement au véhicule électrique qui n’a besoin que d’une borne de recharge. Mais les stations hydrogène restent hors de prix. En France, le réseau demeure limité avec 82 stations de distribution hydrogène ouvertes à fin 2024 ! Les perspectives de déploiement de véritables parcs automobiles à hydrogène sont dès lors limitées.
D’autant plus que le prix des modèles est dissuasif. En France, le modèle le plus accessible, à savoir la Toyota Mirai, est facturé 73 000 euros. D’autres constructeurs cherchent à amorcer une baisse des tarifs : Hyundai avec son nouvel Initium, Honda et Mercedes ou encore Stellantis, via sa filiale Pro One. L’hydrogène pourra-t-il être complémentaire à l’électrique pour les véhicules légers comme d’aucuns l’annonçaient ?
L’avenir dira si l’hydrogène jouera véritablement un rôle dans la décarbonation de l’économie ou si l’emballement des politiques et des industriels pour cette énergie aura été excessif. Le parc mondial devrait atteindre 100 000 véhicules d’ici la fin de l’année. Un résultat prometteur ou au contraire bien décevant ?
L’Arval Mobility Observatory
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