Et si la trottinette électrique trouvait malgré tout son public ?
Actualité de rentrée chargée pour le petit monde de la trottinette électrique : entre interdiction des services partagés dans certaines villes et réglementation renforcée de son usage, l’horizon semble plus gris que rose pour cet engin urbain. Et si, à y regarder de plus près, cet ensemble de mesures "dopait" au contraire son usage, compte tenu de ses atouts en matière de réduction de gaz à effet de serre ?
Réguler les usages plutôt que les interdire, c’est l’esprit du décret publié au JO du 1er septembre, qui relève de 12 à 14 ans l’âge minimal pour conduire une trottinette électrique et qui durcit les sanctions pour les comportements à risque des utilisateurs. Jusque-là classées en 2e classe (avec une amende forfaitaire de 35 euros), les infractions telles que le transport d’un passager sur un EDPM (Engin de déplacement personnel motorisé, NDLR) ou la circulation sur une voie interdite, relèvent dorénavant de la 4e classe (soit une amende forfaitaire de 135 euros). (1)
Ce durcissement de la réglementation est lié à l’exaspération des collectivités et de leurs concitoyens face aux incivilités de certains (circulation sur les trottoirs, abandons des véhicules sur la voirie ou au fond des canaux et autres fleuves, stationnement anarchique)… Sans oublier une sinistralité préoccupante avec dix tués à la fin du premier semestre 2023, 35 tués en 2022 et 24 en 2021.
Les services partagés de trottinettes électriques ont fait les frais des dérapages de certains utilisateurs. Depuis le 1er septembre et à la suite du vote négatif des Parisiens du 2 avril, les trois opérateurs (Lime, Dott et Tier) ont tiré leur révérence et fait disparaître des rues de Paris leurs 15 000 engins.
La mairie de Marseille pourrait rapidement faire de même. Son édile Benoît Payan a indiqué cette semaine qu’il retirait immédiatement 1 500 trottinettes électriques sur les 4 000 en place dans la Cité phocéenne, pour les mêmes motifs qu’à Paris. (2)
Faut-il se réjouir d’une telle retraite en règle des trottinettes électriques en libre-service ? Pas sûr, à en croire Anne de Bortoli, chercheuse associée au Laboratoire Ville Mobilité Transport de l'École des Ponts ParisTech. Dans un article publié par le site The Conversation.com, elle explique que "les services de trottinettes partagées constituent une sorte de ‘porte ouverte’ vers l’acquisition de trottinettes personnelles, bien plus performantes au niveau des émissions de GES". (3)
Autrement dit, ces services feraient en quelque sorte office d’outils d’évangélisation auprès des populations. Une fois convaincues, ces dernières investissent dans du matériel de meilleure qualité, qu’elles utilisent de façon plus prudente parce que justement, ce bien leur appartient. "Parce qu’un bien personnel est souvent mieux traité que son homologue partagé, et qu’il ne nécessite pas de gestion de flotte, ce véhicule a une empreinte carbone d’environ 12 grammes de CO2eq/km (équivalent par kilomètre parcouru)", ajoute encore la chercheuse.
Autre atout des trottinettes électriques, selon elle, un quart des usagers d’EDPM personnels ont moins recours à la voiture et couplent leurs déplacements avec d’autres moyens de transports (trains, métros, taxis, VTC…). Avec à la clé, là encore, une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
À condition d’être régulée dans ses usages, pour mieux protéger les usagers et faire face aux incivilités, la trottinette électrique a finalement, peut-être, des atouts à faire valoir dans l’univers des nouvelles mobilités décarbonées, dont tout le monde rêve.
À bien y réfléchir, la voiture à ses débuts, avait aussi dû s’acheter une conduite pour trouver son public.
L’Arval Mobility Observatory
(1). https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048034155
(2). Marseille retire 1500 trottinettes en libre-service car "c'est à peu près n'importe quoi" (lefigaro.fr). 11 septembre 2023.
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