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Électrique : comment inverser la tendance

Publié le 5 septembre 2024

Par Damien Chalon
5 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory – Les immatriculations de véhicules électriques en entreprise tournent au ralenti en France. Un trou d’air aux causes multiples. Le potentiel d’électrification des flottes demeure toutefois important.
Tribune Arval véhicules électriques
D'après une étude de Nelson Mobility, même dans les scénarios les plus pessimistes, il ressort qu’au moins 40 % des conducteurs sont éligibles au passage à l’électrique, sans difficultés majeures liées à l’autonomie. ©AdobeStock-annebel146

Changer de modèle de déplacement, révolutionner au passage des comportements vieux de plusieurs décennies, adopter de nouvelles habitudes, ne se fait pas d’un coup de baguette magique. Tout comme Rome ne s’est pas construite en un jour, abandonner une voiture thermique au profit d’une version électrique ou électrifiée, parce qu’il faut le faire pour se conformer aux obligations européennes ou parce que nos politiques nous affirment que c’est la solution pour préserver le climat, ne va pas de soi.

 

Les constructeurs automobiles sont bien placés pour le savoir, eux qui enchaînent les désillusions commerciales mois après mois, après avoir connu l’illusion d’une adoption massive et facile de la technologie électrique par le marché. Rien que sur le segment des véhicules d’entreprise, l’activité est brutalement tombée dans le rouge à la fin août et, toutes énergies confondues, il manque désormais plus de 62 000 VP et VUL pour retrouver le rythme d’immatriculations d’avant Covid-19. Les modèles 100 % électriques ne progressent plus tandis que les hybrides rechargeables boivent la tasse.

 

Pourtant si l’on prend le cas des modèles dits full électriques, à l’exception de la question du prix qui peut encore être rédhibitoire, les obstacles à leur adoption disparaissent lentement mais sûrement : les autonomies augmentent, le réseau public de bornes de recharge s’étoffe après un démarrage poussif, les autoroutes ont achevé leur équipement, l’interopérabilité entre les réseaux avance à petits pas. Dans les entreprises, les équipes RH se montrent plus proactives pour équiper les domiciles de leurs collaborateurs en bornes de recharge.

 

Comment, dès lors, expliquer qu’il s’immatricule en entreprise depuis le début de l’année davantage de modèles hybrides simples que de véhicules électrifiés (100 % électriques et hybrides rechargeables) ? Certains mettront en avant les incertitudes quant à la pérennité des dispositifs fiscaux après le 31 décembre 2024 et qui constituent un levier fort pour l’adoption de l’électrique. On pense ici au régime des avantages en nature (AEN) sur les voitures à batterie ou encore à celui propre aux AEN sur les bornes de recharge à domicile.

 

D’autres sceptiques argumenteront que le véhicule à batterie n’est pas ouvert à tous les usages et donc, à tous les types de conducteurs dans le cadre de leur activité professionnelle. C’est compter sans l’apport que peut avoir la fameuse analyse de la data, qui permet de mieux définir des critères d’éligibilité à la voiture ou à l’utilitaire électrique.

 

La jeune start-up Nelson Mobility a ainsi livré dans les derniers jours du mois d’août une analyse sur l’éligibilité des populations de commerciaux et de techniciens à l’électrique, à partir d’un panel de 14 300 véhicules ayant parcouru un total de 356 millions de kilomètres. Plus que quiconque, les commerciaux et les techniciens itinérants ont besoin d’être rassurés sur leur capacité à avaler des kilomètres, même en véhicule électrique, sans craindre la panne sèche ou une trop grande perte de temps dans la recharge de leurs batteries.

 

Pour conduire son étude, Nelson Mobility a défini trois critères d’autonomie (200 km pour les citadines, 300 km pour les routières et 160 km pour les utilitaires) et deux scénarios de marges de dépassements de ces autonomies lors des pics d’usage. Par exemple, le conducteur d’une citadine thermique sera considéré éligible à l’électrique s’il dépasse les 200 km par jour (autonomie estimée du véhicule électrique équivalent) moins de 5 % de ses journées. Il le restera même s’il dépasse ce seuil de 200 km/jour jusqu’à 20 % de son temps de travail.

 

La conclusion de l’étude pourrait mettre du baume au cœur des entreprises et – peut-être – les convaincre de sauter le pas. Au global, même dans les scénarios les plus pessimistes, il ressort qu’au moins 40 % des conducteurs sont éligibles au passage à l’électrique, sans difficultés majeures liées à l’autonomie.

 

Concernant l’électrification des flottes de commerciaux, selon les scénarios de dépassements, entre 64 % et 87 % des conducteurs sont éligibles au passage à l’électrique. Dans le cas des techniciens itinérants, cette proportion oscille entre 40 et 63 %.

 

Comme souvent dans les grandes révolutions industrielles, il faut laisser le temps au temps et convaincre par l’exemple plutôt que par la contrainte. À ce titre, la data jouera sans doute dans les prochaines années un rôle essentiel pour la percée de l’électrique. Car les prises de décisions se feront sur la base de résultats tangibles et vérifiés.

 

Il conviendra aussi de pérenniser les dispositifs de soutien à cette transition énergétique plutôt que de les couper trop tôt. Enfin, il faut tenir un cap plutôt qu’en changer à chaque amorce de tempête. Les constructeurs automobiles ont sans doute une part de responsabilité dans le grand spleen que traverse la filière, faute d’un discours clair sur leur stratégie prix, produits, sur leurs engagements à long terme, et même vis-à-vis de la concurrence chinoise.

 

L’Arval Mobility Observatory

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