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Développement de l’hydrogène décarboné : quoi qu’il en coûte…

Publié le 12 septembre 2024

Par Damien Chalon
3 min de lecture
Zoom de l’Arval Mobility Observatory – Attendu comme une énergie alternative de premier plan, notamment pour la mobilité, l'hydrogène décarboné ou "vert" peine à se développer en France. En cause, son prix trop élevé par rapport à l'hydrogène "gris" produit à partir de gaz fossile. Un soutien de la filière tarde à se mettre en place.
Hydrogène vert
La stratégie du gouvernement français visait encore il y a peu une capacité de production d'hydrogène bas carbone par électrolyse de 6,5 GW en 2030 (contre 30 MW début 2024) et 10 GW en 2035. ©AdobeStock-AddMeshCube

Qui dit transition énergétique dit aussi, et de plus en plus, reconquête de la souveraineté nationale. On le voit dans l’industrie automobile, avec la mise en place de mesures destinées à renchérir le coût de modèles électriques chinois, tant en France (bonus écologique), qu’en Europe (création de surtaxes douanières).

 

C’est aussi le cas dans les batteries électriques avec l’implantation d’usines de production un peu partout en Europe (les fameuses gigafactories d’ACC et autres Northvolt), susceptibles de réduire la mainmise mondiale des fabricants chinois.

 

Dans d’autres secteurs aussi stratégiques que les composants électroniques, les médicaments ou l’énergie, des plans d’urgence sont décrétés pour rapatrier des fabrications jugées aujourd’hui essentielles, alors qu’il y a quelques années, au nom de la rentabilité et de l’optimisation des coûts, on les avait laissées partir sans broncher en Chine ou en Inde.

 

On risque de voir se dérouler un scénario identique dans l’univers de l’hydrogène décarboné ("vert"). Selon la lettre d’information de la mobilité hydrogène, H2 mobile, "la Commission européenne s'apprête à introduire des réglementations plus strictes pour garantir que les financements de l'UE pour les projets d'hydrogène profitent aux entreprises européennes".

 

Concrètement, lors des prochaines enchères sur l’hydrogène, des critères précis viseront à renforcer les chaînes de production d’hydrogène "vert" européennes. Selon le commissaire européen en charge de l’action pour le climat, Wopke Hoekstra, "seules les entreprises garantissant les normes européennes de cybersécurité et de protection des données seraient éligibles à l’aide" (1). Dans la ligne de mire de Bruxelles, les fabricants chinois d’électrolyseurs low cost.

 

La filière française de l’hydrogène "vert" va-t-elle pouvoir pousser un"ouf" de soulagement et revoir l’avenir en "rose", elle qui semble en panne depuis plusieurs mois ? La stratégie du gouvernement français visait il y a encore peu, une capacité de production d'hydrogène bas carbone par électrolyse de 6,5 GW en 2030 (contre 30 MW début 2024) et 10 GW en 2035.

 

Mais après un démarrage en trombe et des initiatives à profusion, les industriels ont dû revoir leurs ambitions à la baisse. En cause, un différentiel de prix trop élevé entre l'hydrogène "vert", d'origine renouvelable, et l'hydrogène "gris", produit à partir de gaz fossile.

 

Un plan à quatre milliards d’euros avait bien été arrêté pour tenter de gommer l’écart. Pour l'hydrogène destiné à l'industrie, le "gris" coûte entre 3 et 5 euros le kilogramme, contre 5 à 6 euros pour le "vert". Des montants à doubler lorsqu’on parle d’hydrogène destiné à la mobilité.

 

Mais la séquence politique du début de l’été a tout gelé et le mécanisme de compensation n’a toujours pas vu le jour. "Alors que la France possède de nombreux atouts (des instituts de recherche actifs sur le sujet, des leaders industriels comme Air Liquide, de gros clients potentiels comme TotalEnergies, qui a passé un appel d'offres pour décarboner l'hydrogène utilisé dans ses raffineries européennes), elle risque donc de se laisser décrocher", souligne un article récent des Échos (2). Avec des projets initialement prévus pour le marché français, qui partent vers des cieux plus cléments comme les Pays-Bas, le Royaume-Uni ou l’Espagne.

 

Véritable précurseur de l’hydrogène "vert" en France, la jeune société vendéenne Lhyfe produit 300 kilogrammes d'hydrogène par jour sur son site de Bouin (85), en attendant de passer à une tonne/jour. En parallèle, elle développe son activité dans une dizaine de pays pour "diversifier les risques". Une version pragmatique, en quelque sorte, de la reconquête de la souveraineté nationale.

 

L’Arval Mobility Observatory

 

(1). H2 Mobile, 10 septembre 2024 : https://www.h2-mobile.fr/actus/hydrogene-vert-low-cost-chinois-europe-serrer-vis/

 (2). Les Echos, 6 septembre 2024 : https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/hydrogene-vert-a-larret-la-france-voit-filer-les-projets-a-letranger-2117295

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