Automobile : révolution (trop) rapide pour une centenaire ?
D’ordinaire, c’est aux marins d’avoir le cœur bien accroché pour affronter les assauts des océans. A la lecture des nombreuses études qui se succèdent actuellement sur l’avenir de l’industrie automobile mondiale, c’est aux patrons des grandes marques de ce secteur que l’on souhaite de bien s’arcbouter au bastingage !
"Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés", serait-on tenté de dire des acteurs de l’automobile, en paraphrasant Jean de La Fontaine et ses fables. Entre pénurie de semi-conducteurs, envolée des prix des matières premières, réorganisation à marche forcée de l’outil industriel au nom de la course à l’électrification, refonte de la distribution sur fond de digitalisation, les embûches ne manquent pas et la coupe est (presque) pleine.
"Les constructeurs automobiles ont rarement été confrontés à un tel éventail de changements technologiques et commerciaux depuis l'aube de l'industrie automobile il y a 130 ans", écrivent d’ailleurs dans un bel euphémisme les consultants de KPMG en introduction de leur 22ème bilan de l’industrie automobile mondiale.
Même les plus irréductibles (l’expert de l’hybridation Toyota ou, plus près de nous, celui des motorisations Diesel, Peugeot) cèdent les uns après les autres à la doxa de l’électrique. Sans doute plus par crainte de la bronca bruxelloise, que par véritable engouement pour cette technologie : le n°1 de Stellantis, Carlos Tavares, a encore répété cette semaine combien, selon lui, le coût de la transition vers la voiture électrique "dépasse les limites" pour l’industrie automobile ! Il dit peut-être tout haut, ce que nombre de ses confrères pensent tout bas.
Les analyses prédisent certes des années fastes aux voitures électriques (elles pourraient être quelque 677 millions sur les routes du monde entier en 2040, selon le dernier rapport de Bloomberg New Energy Finance). A condition toutefois que les clients soient au rendez-vous. Or, en France, de plus en plus de voix s’élèvent pour alerter sur la capacité financière des ménages à pouvoir financer un véhicule électrique.
Le n°1 de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile, Flavien Neuvy, s’interroge quant à lui sur le risque pur et simple d’éviction de certaines populations de l’achat de véhicules neufs : "la voiture neuve va-t-elle devenir un produit de luxe ?". Selon ses dernières statistiques, de plus en plus de ménages sont en effet aux abonnés absents dans les concessions pour acheter un véhicule neuf : leur part dans les achats a reculé de - 31 % en 2020 et est encore en baisse -10 % cette année.
A ce rythme, il n’est pas étonnant que les 70 % des cadres français de l’industrie automobile interrogés par KPMG, se déclarent préoccupés par les perspectives de rentabilité du secteur dans les cinq ans à venir. Sans parler des milliers de salariés, un peu partout en Europe, dont les postes sont sur la sellette. Emploi et véhicule électrique ne font en effet pas bon ménage : PwC vient d’évaluer à 275 000 le nombre d’emplois nets qui risquent d’être rayés de la carte à cause de la montée en puissance des véhicules zéro émission en Europe.
L’Arval Mobility Observatory
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