Alerte rouge sur notre patrimoine routier
La France veut accélérer la transition écologique de son parc automobile. La proposition de loi du député Renaissance, Damien Adam, qui vise à mettre la pression sur les entreprises pour qu’elles verdissent plus vite et plus franchement leurs véhicules, en est la preuve. Le mécanisme de leasing social destiné à fournir un modèle électrique à des ménages qui autrement, n’en auraient pas les moyens, en est une autre.
Pour l’exécutif, il faut à tout prix rajeunir le parc à la route (plus de 11 ans à l’échelle nationale), mettre les vieux Diesel au rebut et accroître la part du 100 % électrique (16 % de part de marché tous segments confondus, mais 11 % seulement en entreprise, d’où la menace de sanctions pour les entreprises récalcitrantes qui ne respectent pas les quotas de renouvellement).
Il reste une ombre au tableau de ces déplacements qui se veulent vertueux pour l’environnement, et à laquelle tout le monde semble s’adapter. Ce caillou dans la chaussure de l’État, c’est l’état des routes. Comment croire que les automobilistes ou les entreprises, à qui l’on demande de financer des véhicules neufs de plus en plus chers (rappelons nous que les prix des VN ont augmenté de 30 % depuis la crise de la Covid-19), vont accepter encore longtemps de les faire rouler sur des routes cabossées, parsemées de nids de poule ou sur des chaussées défoncées.
C’est pourtant bien ce qui se passe actuellement, et pas seulement sur des réseaux secondaires. Sur les grands axes, les véhicules tentent de slalomer entre les ornières et autres trous pour préserver leurs pneumatiques, eux-aussi devenus hors de prix, avec l’inflation des coûts des matières premières.
D’excellente élève il y a encore dix ans, puisqu’elle était à la première place, la France est un peu tombée dans les profondeurs du classement réalisé par le Forum économique mondial, avec une médiocre 18e place en 2019.
Le mauvais état des routes ? Le constat est reconnu par les professionnels de la route eux-mêmes : "malgré leur image de robustesse, les routes françaises se dégradent car elles subissent des trafics nombreux et de plus en plus lourds", admet Yves Krattinguer, le président de l’Iddrim, qui gère l’Observatoire national de la route. Comment expliquer une telle descente aux enfers d’un réseau routier que le monde entier nous envie lorsqu’il traverse nos territoires, souvent pour y passer des vacances ?
L’entretien des routes n’est pas l’apanage d’une seule entité : depuis les lois de décentralisation de 1982, les communes ont à leur charge la plus grande partie du réseau (705 000 km), contre 378 834 km pour les départements et 12 530 km pour l’État. Les enjeux financiers ne sont donc pas les mêmes pour les uns et les autres.
Au cours des dernières années, la tentation a été forte de remettre les investissements d’entretien et de rénovation des routes à des jours meilleurs. Dans son rapport 2023, l’Observatoire national de la route met bien l’accent sur le coup d’arrêt donné à l’entretien du réseau dans les années 2013-2016, puis en 2021. Aujourd’hui, il est d’autant plus difficile de rattraper le temps perdu que les budgets à mobiliser se sont envolés.
A la question des moyens financiers s’ajoute une nouvelle donne que l’on n’avait pas vue venir et qui promet sans doute d’être encore plus douloureuse: celle de l’impact du dérèglement climatique sur le réseau routier. On n’en connait pas encore l’ampleur totale ; les professionnels de la route s’attachent d’ailleurs actuellement à cartographier les infrastructures les plus exposées aux risques climatiques (inondations, chaleur) et celles qu’il faudrait remettre en état en priorité. Les experts sont aussi nombreux à travailler sur les matériaux de demain, permettant de préserver la chaussée.
Quoiqu’il en coûte, maintenir un réseau routier pérenne est une nécessité "non négociable" en France. "Les infrastructures routières sont le support principal des mobilités des Français", rappelle le président de l’Iddrim. Il ne faut pas l’oublier : même si la voiture est accusée de beaucoup de maux, tout comme leur président, ils "sont très attachés à la bagnole".
L’Arval Mobility Observatory
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