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Le covoiturage au quotidien, une alternative à revoir ?

Publié le 13 septembre 2023

Par Jean-Baptiste Kapela
5 min de lecture
Le think tank Forum Vies Mobiles et la fondation La Fabrique Écologique se sont coordonnés afin de proposer une étude sur le covoiturage au quotidien. Selon leurs résultats, la pratique ne se développerait pas suffisamment pour être une alternative écologique fiable.
covoiturage
Selon l'étude, le nombre de kilomètres parcourus en covoiturage sur des trajets quotidiens via les plateformes ne représenterait que 0,04 %. ©Adobe Stock/Andrey Popov

"Pensez à covoiturer", envahi les pubs des voitures. Depuis la loi d’orientation des mobilités (LOM) de 2019, les pouvoirs publics font du prosélytisme auprès du grand public en faveur du covoiturage au quotidien. Le gouvernement a ainsi lancé le Plan Covoiturage, avec l’objectif de faire passer le nombre de trajets covoiturés de 900 000 par jour en 2023 à 3 millions en 2027. Il doit donc participer à la réduction de 12 % des émissions de CO2 liées aux transports des personnes d’ici 2030.

 

La pratique semble vertueuse, pourtant, une étude vient la remettre en perspective. En effet, le think tank spécialisé dans la mobilité, Forum Vies Mobiles, et la fondation La Fabrique Écologique, viennent de publier les résultats d’une étude qui nuance l’engouement des politiques et la pertinence du covoiturage quotidien. Selon cette dernière, les politiques menées actuellement ne permettraient pas d’atteindre les objectifs ambitionnés par le gouvernement.

 

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Réalisée de 2022 à 2023, l’enquête se base sur une série d’entretiens avec des acteurs publics et privés qui poussent le développement du covoiturage. Ces derniers ont ensuite été mis en comparaison avec des rapports et des données publics.

 

Une absence de visibilité sur le covoiturage au quotidien

 

L’absence de données "solides" concernant les trajets réalisés seul ou réellement en covoiturage, constitue le premier facteur de remise en question de l’étude. D’autre part, Nolwenn Biard, chargée d’étude à la Fabrique Écologique et auteure de l’étude, précise que les outils de mesure du covoiturage actuel s'avèrent inadapté. "Pour mesurer les trajets en covoiturage, il faut se référer aux chiffres de l’Observatoire national du covoiturage. Or, ces chiffres ne présentent que les trajets de covoiturage réalisés via les plateformes", explique-t-elle.

 

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De fait, selon l’étude, au 1er semestre 2023, ces trajets covoiturés par le biais d’une application ne représentent que 3 % de l’ensemble des trajets en covoiturage. D’après l’enquête, les trajets covoiturés "informels" sont beaucoup plus développés, mais actuellement, "aucune enquête régulière et d’ampleur existe sur le sujet", précise Nolwenn Biard.

 

Des aides au covoiturage inefficaces

 

Au-delà de l’aspect visibilité, l’étude remet en question l’efficacité du covoiturage. "Le nombre de trajets réalisés sur les plateformes se retrouve multiplié par deux entre 2022 et 2023", note Matthieu Bloch, chargé d’étude au Forum Vies Mobiles. Ainsi, en 2022, le covoiturage représentait un trajet en voiture sur 10 000. Par conséquent, en 2023, la pratique passe à deux trajets en voiture sur 10 000. Une évolution peu convaincante pour les chargés d’étude des deux entités.

 

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Au 1er semestre 2023, le nombre de kilomètres parcourus sur des trajets quotidiens par le covoiturage via les plateformes ne représentait que 0,04 %, selon l’étude. Or, d’après l’enquête menée par Nolwenn Biard, basée sur les prévisions du Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), l’État investit 35 fois plus dans les trajets réalisés par le biais d’une plateforme numérique, par rapport à ceux réalisés de manière "informels". Cette dernière partie ne bénéficie que d’un tiers du budget du Plan Covoiturage.

 

Au-delà de l'aspect financier, "les outils employés par le gouvernement pour développer le covoiturage informel manque d'efficacité", précise Matthieu Bloch. "Les aires de covoiturages ne sont accessibles qu’en voiture et les voies allouées à la pratique ne sont pas respectées dans 65 % des cas", énumère-t-il. Le forfait mobilité durable (FMD) alloué au covoiturage est aussi jugé inefficace, puisqu’il est utilisé par seulement deux entreprises sur cinq, du fait de son caractère non obligatoire.

 

Un impact écologique en demi-teinte

 

Avec, en moyenne, moins de dix kilomètres parcourus, les trajets réalisés sont trop courts pour être "pertinents écologiquement" souligne l’étude. D’autre part, "les trajets covoiturés se trouvent souvent mis en concurrence face aux transports collectifs", soulève Matthieu Bloch. Pour l’enquête, les deux entités ont étudié l’usage de la pratique dans sept territoires. "Rouen, qui est la métropole championne sur la pratique, avec 38 trajets sur 10 000 réalisés, a décidé d'arrêter les subventions sur les trajets parallèles aux lignes de transports en commun" précise-t-il.

 

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D’après l’étude, le covoiturage sur plateforme loupe sa cible d’un point de vue écologique, économique et social, en ne se concentrant que sur les zones denses et en milieu urbain. Par ailleurs, le coût de la tonne de CO2 évité grâce au covoiturage s’estimerait entre 500 euros et 300 euros en fonction des territoires, "très loin de la cible établie par le rapport Quinet de 87 euros en 2020 (250 euros en 2030)", précise l’étude.

 

Comment doit s’insérer le covoiturage pour être efficace ?

 

Selon Nolwenn Biard et Matthieu Bloch, la pratique ne parvient pas à atteindre ses objectifs et les incitations financières pour pratiquer le covoiturage sur les plateformes numériques ne parviennent pas à réellement faire décoller la pratique. L’étude conclut que le covoiturage n’est pas une solution miracle et qu’elle doit être un complément aux autres alternatives à l'automobile.

 

Pour les deux chargés d’étude, trois leviers devraient permettre l'efficacité du covoiturage : "un choc d’offre de transports collectifs sur tous les territoires, l’allégement du poids des véhicules et de la diminution des distances à parcourir au quotidien grâce, notamment, à un nouvel aménagement du territoire." Ils demandent aussi à rendre le FMD obligatoire dans toutes les entreprises.

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