Théophane Courau (Fatec) : "Notre activité est réduite mais tous nos services sont ouverts"
Journal de l'Automobile. Comment s’était préparé Fatec dans l’éventualité d’une telle situation ?
Théophane Courau. Nous sommes sous le choc d’une crise aussi brutale et aussi forte. Lors de notre comité de direction de janvier, nous avons parlé du coronavirus sur un mode un peu théorique en disant que nous allions mettre à jour notre plan de continuité d’activité. Nous n’imaginions pas à l’époque que la situation puisse prendre une telle ampleur. Au comité de direction suivant, en février, nous avons agi de façon plus concrète car nous avions un premier salarié qui était concerné indirectement et qui était en confinement chez lui. Il s’agissait d’un technicien de plateau qui normalement ne peut pas faire de télétravail. Nous l’avions équipé pour que ce soit possible. Nous nous sommes dit que c’était un bon test. Du coup, il y a 10 jours, soit quelques jours avant le confinement, nous avons fait en sorte que 100 % de nos 110 salariés puissent travailler de chez eux.
JA. Maintenez-vous donc votre activité ?
TC. Aujourd’hui la situation est que nos bureaux restent ouverts, nous faisons partie des entreprises qui bénéficient d’une dérogation. Les collaborateurs qui veulent travailler dans nos locaux peuvent donc le faire. Nous sommes environ une quinzaine à venir en moyenne chaque jour. Les risques sanitaires sont limités, nous laissons beaucoup d’espace entre nous. Le bureau est un environnement de travail beaucoup plus favorable pour un certain nombre de collaborateurs.
JA. Constatez-vous une baisse de votre activité ?
TC. Nous avons des demandes d’assistance pour des hôpitaux, des pompiers et des établissements français du sang. Ce sont des assistances à la fois urgentes et compliquées à gérer car nos dépanneurs et garages habituels sont majoritairement fermés. Seulement 20 % de nos partenaires sont ouverts. Nous sommes donc obligés de travailler avec des garages que nous connaissons moins et avec qui nous n’avons pas les mêmes conditions. Tout ça avec un degré d’urgence plus élevé que d’habitude. Par exemple, nous avons eu cette semaine deux dépannages pour les établissements français du sang. Notre clientèle publique poursuit son activité, idem pour nos clients dans la collecte d’ordures ménagères. La flotte de la SNCF roule aussi un peu même si les trains sont pratiquement à l’arrêt. Mais au global, notre activité a chuté de 80 % sur le plateau technique et de 90 % sur le plateau administratif. En temps normal, nous recevons 1 000 appels par jour. Nous sommes en ce moment sur une centaine. Mais il est important de montrer aux clients que tous nos services restent ouverts.
JA. Quelles mesures comptez-vous prendre si l’activité est réduite durablement ?
TC. Nous avons commencé à mettre des salariés en chômage partiel ou total pour certains. Nous n’avons pas la certitude à ce jour que la Direccte prendra en charge tout ou partie des demandes. Nous avons fait une demande il y a 8 jours sans avoir de réponse. Nous avons appris que la Direccte des Bouches-du-Rhône avait refusé des prises en charge d’activité partielle en considérant que quand on ne reçoit pas du public on peut continuer à travailler. Dans ce cas, elle considère que les entreprises ne peuvent pas bénéficier des mesures d’aide. Il y a donc une incertitude économique forte. Nous avons par ailleurs pris des mesures pour la prise de congés et de RTT.
JA. Comment vos salariés et clients vivent la situation ?
TC. Nous avons deux salariés qui sont des cas avérés, nous les soutenons autant que possible. Fort heureusement, ils n’ont pas d’insuffisances respiratoires, ils font partie des 80 % des cas pour qui cela se passe relativement bien. Mais derrière cette crise qui touche les corps, je trouve que cela permet de révéler des cœurs incroyables avec des salariés qui font des miracles pour que tout se passe bien. Ils me demandent en permanence ce qu’ils peuvent faire pour aider Fatec. En externe aussi les relations avec nos clients ont changé. Nous avons par exemple des engagements contractuels de délais et de prix pour les dépannages. S’ils ne sont pas tenus, nous écopons de pénalités. Or la plupart de nos partenaires sont fermés… Nos clients ont joué le jeu et nous avons signés des avenants pour modifier ces engagements. J’ai vraiment l’image que quelque chose qui est impossible en temps normal peut se faire aujourd’hui.
JA. Vous allez crouler sous les demandes quand l’activité va reprendre…
TC. Nous nous préparons effectivement au jour où l’activité reprendra. Il y a par exemple eu un assouplissement pour les contrôles techniques. Il y aura double voire triple ration sur les opérations à gérer au moment de la reprise. Idem pour les révisions. Nous allons avoir beaucoup de véhicules qui auront dépassé d’un mois ou de X kilomètres l’échéance. Il y aura ici des enjeux avec la garantie, il faudra négocier avec les constructeurs en espérant qu’ils soient compréhensifs. Pour les commandes de véhicules, les loueurs ne sont plus vraiment en mesure de nous faire des cotations. Toutes les usines sont bloquées, la visibilité sur les délais de livraisons est réduite… tous les renouvellements sont en stand-by.