Télématique : comment concilier géolocalisation et vie privée ?

Souvent confondus, la gestion de flotte (GdF) et le suivi de flotte (SdF) désignent pourtant deux activités distinctes : la première, qui se résume à la gestion d’actifs et administrative, peut se passer de géolocalisation, tandis que la seconde repose sur une utilisation avancée des données des véhicules grâce aux technologies embarquées (GPS, solutions de télématique).
Dans les deux cas, la dimension de géolocalisation suscite souvent des réticences, perçue par certains conducteurs ou représentants du personnel comme une menace pour la vie privée. Pourtant, il est tout à fait possible de concilier respect des libertés individuelles – encadré par le RGPD, la CNIL et le droit du travail – et usage intelligent de la télématique, au bénéfice de tous : optimisation du TCO (coût total de possession) et des performances opérationnelles, sécurité des conducteurs, entretien préventif, ou encore suivi des véhicules en cas de vol.
Rassurer : une approche réglementaire stricte
La première condition pour déployer sereinement une solution de géolocalisation, c’est la transparence totale de l’entreprise vis-à-vis de ses collaborateurs et de leurs représentants. En France, toute utilisation d’un système de suivi de véhicules doit être inscrite au registre des activités de traitement de l’entreprise, conformément à l’obligation RGPD. L’objectif est clair : informer, ajuster et encadrer les usages. La CNIL, autorité française garante de la protection des données, veille au respect de ces règles avec rigueur. La France est l’un des pays les plus protecteurs d’Europe en matière de vie privée… Et l’un des plus stricts en cas d’infraction, avec des sanctions financières importantes.
Au-delà du cadre légal, les solutions de télématique proposées aujourd’hui permettent une personnalisation poussée des paramètres pour protéger la vie privée des conducteurs : désactivation automatique de la géolocalisation en dehors des heures de travail, mode "pause" activable manuellement via une application pour certaines solutions, ou encore paramétrage précis pour éviter la remontée d’informations sensibles (adresse exacte d’un domicile ou trajets effectués pendant une période de congés). L’objectif est de ne collecter que les données qui sont strictement nécessaires à la gestion du parc automobile, en adéquation avec le principe de minimisation des données : chaque information collectée sert un but précis, clairement défini et communiqué en amont.
Informer : la géolocalisation pour une meilleure gestion de flotte
Pour les gestionnaires de flotte, la géolocalisation est une fonctionnalité bien plus avancée qu’un simple outil de localisation : c’est un levier stratégique pour améliorer l’efficacité globale de la flotte. En croisant les données de position avec les conditions de circulation ou l’état du réseau routier, il devient possible d’optimiser les itinéraires, de réduire les kilomètres parcourus à vide, et ainsi d’avoir une plus grande visibilité et maîtrise des coûts opérationnels et d’entretien. Pour certaines activités comme le transport de personnes, la livraison du dernier kilomètre ou le secours médicalisé, ces données permettent aussi de justifier des interventions, de facturer avec précision et de garantir la traçabilité des prestations. Par exemple, pour la prestation de suivi de colis que nous connaissons tous, permettant de savoir quand précisément la livraison sera effectuée, c’est en réalité le véhicule du transporteur qui est suivi, et non le colis lui-même.
Sur le plan réglementaire, la télématique dans son ensemble aide à s’assurer que les obligations sont respectées : suivi des temps de conduite, prévention des comportements à risque, et même reconstitution détaillée d’un accident en cas d’incident. Elle joue également un rôle clé en matière d’assurance, notamment pour localiser un véhicule volé ou déterminer les responsabilités des différentes parties en cas de sinistre.
Toutefois, ces bénéfices ne concernent pas uniquement les décideurs et les gestionnaires de flotte : les conducteurs eux-mêmes y trouvent des avantages concrets. Grâce aux données collectées, ils peuvent prouver qu’ils ne sont pas responsables lors d’un accident, ou justifier un retard imputable aux conditions de circulation plutôt qu’à une faute humaine. La géolocalisation contribue aussi à leur faire gagner du temps au quotidien, notamment pour emprunter des itinéraires optimisés, ou bien prédire et éviter les pannes imprévues. En analysant les comportements de conduite – freinages brusques, virages serrés, fortes accélérations –, les gestionnaires peuvent proposer des formations à l’écoconduite ciblées, dans une logique d’amélioration et de sécurité partagée, non de sanction. En somme, la télématique – et implicitement la géolocalisation – sont des outils d’accompagnement et non de contrôle, lorsqu’ils sont bien utilisés.
Démystifier : surmonter les blocages par la pédagogie et l’accompagnement
Derrière les réticences à la géolocalisation se cache souvent un manque d'information, voire de confiance. Pour lever ces freins, la clé réside dans une communication claire et transparente, de la part des entreprises, en expliquant concrètement le fonctionnement des dispositifs, les objectifs poursuivis, et surtout, les limites d’utilisation des données. Il est notamment essentiel de rappeler que l’accès aux informations issues de la géolocalisation est strictement réservé à un personnel habilité, dans un cadre défini à l’avance.
Au-delà de l’information, c’est l’accompagnement qui fera la différence. Des formations adaptées, des supports pédagogiques clairs et une explication des infrastructures d’hébergement des données (lieux, conditions de stockage, sécurité) permettent de construire un climat de confiance. En montrant que le respect de la vie privée est au cœur du dispositif – et non un détail secondaire –, l’entreprise installe une relation pérenne avec ses collaborateurs, condition indispensable pour tirer le meilleur parti des outils de télématique.
Ainsi, la télématique ne doit pas être perçue comme un dilemme entre performance et respect de la vie privée, mais comme une solution technologique intelligente conciliant les deux. Pour en exploiter tout le potentiel, les gestionnaires de flotte ont un rôle essentiel à jouer : faire preuve de transparence, rassurer, accompagner et montrer que le suivi des véhicules peut se faire dans un environnement strictement encadré, au service de l’efficacité collective.
François Denis, directeur général France de Geotab
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