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Stéphane Priami, Crédit Agricole Personal Finance & Mobility : "Devenir le leader européen de la mobilité électrique"

Publié le 25 octobre 2024

Par Damien Chalon
11 min de lecture
Le groupe Crédit Agricole multiplie les investissements dans le financement automobile depuis quelques années. La création de Leasys avec Stellantis, le lancement de CA Auto Bank ou encore le déploiement d’Agilauto en France témoignent de cette offensive sans précédent. Stéphane Priami, directeur général de Crédit Agricole Personal Finance & Mobility, détaille cette stratégie.
stéphane priami crédit agricole
Stéphane Priami, directeur général de Crédit Agricole Personal Finance & Mobility. ©Crédit Agricole

Le Journal des Flottes : Le groupe Crédit Agricole se montre particulièrement offensif en matière de financement automobile depuis deux ou trois ans. Comment expliquezvous ce changement de cap dans votre stratégie ?

Stéphane Priami : Il est intéressant, je pense, de revenir à l’origine de ce développement. Il n’est pas fortuit, il ne doit rien au hasard. C’est le fruit d’une stratégie que nous menons depuis 2020, en sortie de Covid. Nous avions effectué une analyse du marché et notre vision était qu’il allait y avoir un bouleversement complet en matière de financement automobile. Finalement, tout ce que nous pressentions s’est produit. Pour mémoire, la première chose à laquelle nous étions extrêmement sensibles à l’époque était de se dire que l’électrique allait progressivement prendre une place de plus en plus marquée et à l’intérieur de cette problématique de l’électrique, il y avait plusieurs clauses.

 

La première était de rendre ces véhicules accessibles via des formules de location, tant pour les professionnels que les particuliers, alors qu’ils étaient plus chers que des modèles thermiques. Cela est encore vrai, mais nous constatons que l’écart de prix se réduit progressivement et nous devrions voir les courbes se croiser dans quelque temps. Les constructeurs arrivent à des niveaux de production qui leur permettent d’abaisser les coûts fixes de manière très forte. Les marques chinoises ont une petite longueur d’avance, mais je pense que les constructeurs européens vont suivre très rapidement.

 

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JDF : Vous avez donc poussé vos pions dans le secteur de la location longue durée

S.P. : La location longue durée, qui porte parfois d’autres noms en Europe, est apparue comme une solution extrêmement importante et intéressante. En prenant en compte les valeurs résiduelles, vous diminuez le montant du prêt à réaliser et donc, d’office, vous baissez les mensualités. Cela rend les véhicules plus accessibles. Évidemment, la LLD est une formule déjà très ancrée dans les grandes sociétés, mais nous pressentions qu’elle allait aussi se développer énormément chez les professionnels, les petites entreprises et les particuliers.

 

Cela rejoint notre deuxième idée de fond qui est un mouvement puissant en matière d’usage, lequel concerne aujourd’hui davantage les particuliers. Les gens ne souhaitent plus forcément posséder une voiture, seulement l’utiliser pour aller d’un point A à un point B. Nous sentions monter ce mouvement de désacralisation de la propriété du véhicule. Vous le voyez d’ailleurs aujourd’hui, plus aucune publicité ne fait mention des prix, la communication est axée sur le montant des loyers.

 

Aujourd’hui, vous allez avoir 15 ou 20 nouveaux acteurs qui vont débouler en Europe

 

JDF : Le monde de l’automobile a lui aussi beaucoup changé en très peu de temps…

S.P. : Exactement et d’ailleurs, il s’agissait de notre troisième intuition, le monde de l’automobile allait connaître une révolution. Une révolution au niveau des constructeurs avec, tout d’abord, des mouvements de concentration. J’en veux notamment pour preuve le rapprochement de PSA et de FCA pour créer Stellantis. Nous pressentions ensuite qu’avec l’électrique, de nouvelles marques allaient apparaître. Le groupe Crédit Agricole avait déjà une joint‑venture en Chine avec le constructeur GAC et nous voyions poindre, dans le sillage de l’électrique, l’éruption de nouvelles marques. C’est un mouvement incroyable !

 

Si vous regardez l’industrie automobile dans les 50 dernières années, il y avait peut‑être une marque qui voyait le jour tous les 10 ans. C’était assez exceptionnel. Aujourd’hui, vous allez avoir 15 ou 20 nouveaux acteurs qui vont débouler en Europe. Tous n’auront pas un succès total, mais cela révolutionne le système. Tesla a ouvert la route, mais on voit aussi des marques asiatiques telles que BYD ou MG Motor avec des stratégies très puissantes. Je n’oublie pas de mentionner aussi que dans notre analyse du marché en 2020, nous anticipions un mouvement de concentration au niveau des distributeurs, avec l’émergence d’acteurs là aussi très importants. Certains ont parfois plus de 15 ou 20 marques en portefeuille et deviennent de plus en plus internationaux.

 

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JDF : Ces deux phénomènes ont bel et bien lieu aujourd’hui. De quelle manière en avez-vous tenu compte pour établir votre stratégie ?

S.P. : Concernant les nouveaux constructeurs, notamment asiatiques et américains, nous pensions qu’il fallait avoir une approche européenne. À la différence des acteurs continentaux déjà très installés, il nous apparaissait clair qu’ils auraient du mal à trouver du jour au lendemain des partenaires financiers dans 25 pays européens. Ensuite, pour les distributeurs, le fait d’avoir comme je vous le disais 15 ou 20 marques impliquait d’avoir plusieurs captives. Et au‑delà de ces dernières, nous pensions que les concessionnaires auraient encore plus besoin qu’avant d’intervenants indépendants pour financer une partie du neuf, mais aussi et surtout pour financer de l’occasion. Le tout s’est accompagné d’un mouvement rapide, plus rapide que ce que nous envisagions, qui est la digitalisation de la vente de véhicules. Aujourd’hui, Tesla vend toutes ses voitures par Internet. Il n’y a quasiment pas de sites physiques et cela n’étonne plus.

 

La création du nouveau Leasys était pour nous fondamentale

 

JDF : Vous avez donc apporté des réponses sur tous ces sujets ?

S.P. : Le premier élément de notre stratégie, dans la mesure où nous voulions faire irruption dans le marché du financement automobile, consistait à profiter de l’innovation que représentait l’électrique. Notre objectif n’était pas de nous positionner comme un nouvel intervenant parmi les autres. Nous finançons tout type de véhicules, bien entendu, mais nous avons une stratégie très centrée sur la mobilité électrique. Notre ambition pour les cinq prochaines années est de devenir le leader européen dans ce domaine. Mais avant cela, il fallait répondre à plusieurs problématiques. Tout d’abord, nous n’avions pas ou peu de LLD. Nous avions seulement une joint‑venture à 50/50 avec FCA, baptisée Leasys, qui était surtout présente en Italie et qui se positionnait au 9e rang européen.

 

Or, pour s’affirmer dans le financement automobile, nous étions obligés d’avoir une structure plus conséquente dans la LLD. Nous avons donc décidé, avec notre partenaire Stellantis, de nous associer pour créer une nouvelle joint‑venture, Leasys, née du rapprochement de Free2move Lease et de l’ancien Leasys. Automatiquement, nous sommes montés à la 3e place européenne du secteur, derrière deux acteurs eux aussi français (Ayvens et Arval), et nous avons pour objectif de parvenir à un million de véhicules sous contrat en 2026. Je suis très confiant quant à l’atteinte de cet objectif dans la mesure où nous sommes déjà à près de 900 000 véhicules. La création du nouveau Leasys était pour nous fondamentale, cela nous a donné beaucoup de souffle par rapport à nos concurrents.

 

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JDF : Vous avez également CA Auto Bank pour tout ce qui est financement à l’échelle européenne…

S.P. : C’est l’autre pierre angulaire de notre stratégie. Il nous fallait un réseau de financement automobile dans toute l’Europe. CA Auto Bank est présent dans 20 pays et nous permet de proposer toutes les offres possibles de financement avec un outil informatique et un point d’entrée uniques. Cette structure nous permet de répondre à la problématique des constructeurs qui arrivent en Europe et qui sont à la recherche de partenaires financeurs en mesure de les accompagner à l’échelle continentale. Pour rappel, CA Auto Bank est né de la reprise à 100 %, par le groupe Crédit Agricole, de la banque de Fiat-Chrysler que nous codétenions à 50 % avec FCA.

 

Nous avons aussi racheté six filiales d’ALD et de LeasePlan que les deux loueurs étaient obligés de céder pour créer Ayvens. Cette nouvelle structure indépendante est jeune, elle a à peine un an, mais c’est déjà un très grand succès puisque nous avons 29 milliards d’euros d’encours de financement de véhicules, alors que nous visions 10 milliards en 2026. Au sein de cette entité, nous avons aussi Drivalia qui fait de la location toute durée, de l’abonnement et de l’autopartage en milieu urbain.

 

Depuis plus d'un an, Agilauto est au service des professionnels et c’est un succès

 

JDF : Au regard de leurs activités respectives et de leur périmètre géographique, Leasys et CA Auto Bank peuvent s’apparenter à des concurrents ?

S.P. : Nous sommes sur des réseaux de distribution différents. Par exemple, les grands appels d’offres internationaux vont plutôt concerner Leasys. Cette structure s’appuie aussi sur le réseau de distribution du groupe Stellantis. Les clients du constructeur qui optent pour une LLD vont se voir proposer des offres de Leasys. Sur la partie CA Auto Bank, nous travaillons avec tous les concessionnaires ou importateurs en Europe et parfois des constructeurs. Alors, il peut arriver qu’un particulier ait le choix de souscrire sa LLD chez Leasys ou CA Auto Bank, ou qu’une entreprise qui passe un appel d’offres pour sa flotte reçoive des réponses de Leasys et de CA Auto Bank. Cela élargit le scope de conquête de nouveaux clients et c’est très bien ainsi.

 

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JDF : Pouvezvous nous dire ce qui a été initié au niveau national ?

S.P. : En France, nous avons Agilauto. Son démarrage a été difficile parce que nous avons lancé cette entité juste avant le Covid. Dans un premier temps, nous avions une vision très BtoC, nous ciblions surtout les particuliers. Après réflexion, nous avons souhaité nous renforcer sur la partie flottes/LLD. Depuis plus d'un an, Agilauto est au service des professionnels et c’est un succès. Nous bénéficions de la puissance du réseau de distribution des caisses régionales du Crédit Agricole et de LCL, dont 35 % des entreprises en France sont clientes.

 

Nous bénéficions aussi d’un déséquilibre du marché. Les acteurs traditionnels de la LLD sont très présents sur les flottes de plus de 100 véhicules, mais ils le sont beaucoup moins sous ce seuil. Dès que vous êtes sur des flottes plus modestes, voire unitaires, il y a moins de présence concurrentielle auprès de cette typologie de clients, a fortiori dès qu’on s’éloigne des centres urbains. C’est là que nous voulons aller. Notre objectif est d’atteindre 60 000 véhicules sous contrat d’ici trois ou quatre ans. Nous serons alors les leaders de la LLD parmi les banques de proximité. Notre but n’est pas de rivaliser avec Arval, Ayvens ou Leasys.

 

Nous aurons dans quelques années un système complet de services qui sera au plus haut niveau du marché

 

JDF : Agilauto, c’est aussi de nouveaux services ?

S.P. : Effectivement, nous avons développé Agilauto Partage, un service en deux dimensions. L’idée de départ était d’aller aider les personnes habitant dans des zones rurales en mettant à leur disposition, à l’échelle intercommunale, des véhicules électriques en partage. Dans le pays de Fayence, par exemple, près de Nice, nous avons déployé quinze voitures électriques, des berlines mais aussi des utilitaires et des minibus (dont un est équipé TPMR – transport de personnes à mobilité réduite), avec des bornes de recharge en partenariat avec EDF. C’est un vrai succès. De là est née ensuite l’idée de déployer ce même service dans les entreprises. Nos caisses régionales sont nos premiers clients et cela intéresse de nombreuses sociétés, en dehors du groupe.

 

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JDF : Plus globalement, le développement de nouveaux services au niveau de toutes vos entités estil la prochaine étape de votre stratégie ?

S.P. : Après la LLD et l’extension géographique, il s’agit effectivement de notre troisième bloc. Nous allons ajouter des services au sein de nos différentes entités, mais avec des calendriers différents. Nous nous sommes rendu compte qu’à l’exception des assurances, nous avions un adossement de services très faible. C’est un domaine dans lequel nous avons une marge de progression colossale. Nous avons commencé à rattraper notre retard, par exemple avec la création d’une joint‑venture avec Opteven pour proposer notamment des contrats d’entretien et des extensions de garantie qui concernent la majorité des contrats de LLD. Nous travaillons également à une offre sur la partie gestion de flotte.

 

Il est aussi important de rappeler le rachat de Hiflow, un spécialiste de la livraison et de la mise en mains de véhicules au domicile ou sur le lieu de travail du client, avec qui nous pouvons imaginer plein de nouveaux services, tant en France qu’à l’international. Ce n’est qu’un début, nous allons bientôt annoncer bien d’autres nouveautés. Nous aurons dans quelques années un système complet de services qui sera au plus haut niveau du marché.

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