Retour d'expérience d'une collectivité : Nice et le succès d'Auto Bleue
En avril prochain, Auto Bleue aura un an. Pourriez-vous nous redéfinir les contours de ce projet ?
Il s'agit d'un projet de véhicules 100 % électriques en auto-partage. De 16 stations et 51 véhicules en avril dernier, lors de l'inauguration, nous proposons aujourd'hui une quarantaine de stations et plus de 130 voitures. Et le déploiement d'Auto Bleue se poursuit, d'ici fin 2012, nous arriverons à un total de 70 stations et 210 véhicules. Chaque station dispose de cinq places de stationnement : trois sont réservées aux véhicules auto-partage et deux pour les particuliers qui peuvent ainsi recharger, gratuitement, leur propre véhicule électrique.
Que représente ce projet en termes d'investissements ?
Nous étions sur un budget d'investissement de 2,8 millions d’euros, sachant qu'une station de recharge demande environ 40 000 euros. Quant à la délégation de service public, qui a été signée pour douze ans avec Venap (Veolia, EDF), elle dispose d'un budget de fonctionnement annuel de 1,4 million d'euros.
Vincent Bolloré et la Mairie de Paris ont déclaré qu'Autolib' ne devrait pas être rentable avant sept ans. Qu'en est-il d'Auto Bleue ?
Nous n'avons pas raisonné de cette manière. Nous n'avons pas construit notre business plan sur la rentabilité financière, même si nous avons des garanties pour que ce ne soit pas un gouffre. Notre volonté a plutôt été d'offrir une réelle plus-value en termes de qualité de vie. Cependant, par rapport aux prévisions initiales, nous sommes à un niveau de recettes 40 % supérieur. C'est un vrai succès qui va crescendo. Mais nous sommes toutefois confrontés à un facteur limitant qui est le nombre de stations et de véhicules. Cela confirme que le positionnement des stations est stratégique pour la montée en puissance du système. Nous avons fait le choix de proposer trois véhicules par station, mais pour certaines, cela ne suffit pas. Nous devons développer un maillage beaucoup plus important afin de toujours offrir une réponse à nos utilisateurs. Et cette réflexion vaut naturellement pour la ville de Nice, mais aussi pour la métropole car des stations sont également implantées à Colomars, Cagnes-sur-Mer ou Saint-Laurent-du-Var. Nous développons de plus des passerelles avec la Principauté de Monaco. Ainsi, nous avons signé des conventions qui permettent d'avoir, notamment, une compatibilité en termes de recharge. Nous essayons de mettre en place une vraie politique de territoire.
Quels sont les retours d'expérience, tant pour les utilisateurs que pour vous ?
Le premier enseignement est que cela fonctionne très bien ! D'autant que nous étions un peu inquiets à la vue des difficultés que posaient des services comme Vélo Bleu, par exemple. Nous sommes donc très agréablement surpris. Une location moyenne s'étale sur trois heures, avec un kilométrage moyen de 30 km. Nous comptons aujourd'hui 2 000 adhérents auprès desquels nous faisons de nombreux sondages. Nous pouvons déjà noter une grande diversité parmi les adhérents, avec beaucoup d'actifs et de jeunes. Notre 1 000e adhérent est un étudiant en médecine qui utilise Auto Bleue pour se rendre en cours. Il est également ressorti de ces sondages que, pour 2/3 des utilisateurs d'Auto Bleue, le premier critère de choix est économique. L'utilisation de notre système se montre finalement plus avantageuse que de posséder une deuxième voiture, une voiture d'appoint que l'on utilise finalement assez peu, mais dont les frais annuels sont proches de 5 000 euros. Beaucoup de nos adhérents ont d'ailleurs vendu leur deuxième véhicule. Ensuite, d'une manière plus large, 90 % des utilisateurs sont satisfaits et plus de 95 % le recommandent même à des proches. La clé du succès tient dans notre réactivité et notre capacité d'adaptation. Il faut rester très attentif aux retours d'expérience pour faire évoluer les choses rapidement.
Comment se déroule la gestion de ce projet, comme par exemple l'achat ou le choix des véhicules électriques ?
Concernant les véhicules, nous essayons de proposer l’offre la plus diversifiée possible. Aujourd’hui, nous nous appuyons sur des Peugeot Ion et des Citroën Berlingo Venturi pour ceux qui désirent un véhicule plus utilitaire. Nous avons en projet d'acquérir des Mia, mais ces choix passent par Venap, notre délégataire qui a, par contrat, une obligation de renouvellement, comme celle de faire évoluer le système. Par exemple, nous avons choisi des trajets en boucle au départ d'une station, mais nous réfléchissons à des évolutions suite aux retours d'expérience. Nous avons ainsi demandé à notre délégataire de réfléchir à une nouvelle offre de tarifs en direction des personnes qui utilisent Auto Bleue pour aller et revenir du travail car, pour ces trajets qui demeurent des boucles, mais pas comme initialement envisagées, ce n’est pas vraiment intéressant sur le plan financier. Dans tous les cas de figure, nous nous sommes laissés libres de modifier les choses car il ne faut pas oublier que nous sommes la première ville à avoir mis sur pied un projet d'une telle envergure. De plus, cette liberté est impérative car nous sommes sur un secteur qui évolue très vite, où les innovations sont permanentes. Il n'aurait pas été sérieux d'avoir des certitudes sur un projet de cet ordre. Nous nous sommes donc laissé des marges de manœuvres importantes dans de nombreux domaines. Nous allons davantage développer la mise en place de véhicules pour les personnes à mobilité réduite, mais aussi des applications iPhone ou encore la technologie de paiement sans contact, les offres entreprises, etc.
L'arrivée de ce projet automobile vous a-t-il poussés à modifier votre réflexion sur le transport dans la ville ?
Auto Bleue reste un dispositif dans un schéma global de transport au niveau de la métropole. Il ne faut pas oublier la ligne de tramway, les parkings relais, le stationnement intelligent ou encore les pôles multimodaux. Notre objectif premier reste le développement des transports en commun tout en les rendant les plus attractifs possibles, comme avec notre politique tarifaire à un euro. Mais, parallèlement, nous faisons en sorte que les voitures qui demeurent dans la ville soient moins polluantes. Auto Bleue est l'une des pièces du dispositif qui permet d'équiper les villes en infrastructures de charge, mais aussi de faire évoluer les mentalités afin que les gens adhérent aux véhicules électriques une fois que toutes les conditions seront réunies. Car ses avantages sont nombreux, et pas seulement au regard des émissions polluantes. En effet, il ne faut pas oublier que l'une des principales nuisances en milieu urbain reste le bruit.
Article écrit pour la Newsletter du véhicule électrique - Collaboration Avere-France - Journal de l’Automobile
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