Passage à l’électrique : favoriser les classes populaires, sans oublier les entreprises…
Quel sort réservera le nouveau Parlement européen aux véhicules électriques et au calendrier d’interdiction de ventes des modèles thermiques neufs en 2035 ? Les prochains mois nous le diront, mais d’ores et déjà, de nombreuses études fleurissent sur l’efficacité des multiples systèmes d’aides à l’électrification des parcs automobiles : l’ACEA vient ainsi de dresser un état des lieux des aides à l’achat dans les principaux pays européens. Quant à France Stratégie, l’organisme d’études rattaché aux services du Premier ministre, il s’interroge sur l’efficacité des systèmes d’accompagnement en vigueur en France.
Un constat s’impose à la lecture de ces différents rapports : le taux d’électrification des automobiles des ménages et des entreprises dépend largement de la générosité des gouvernements. "En 2022, vingt-trois pays accordent des subventions à l’achat de voitures à faibles émissions. Parmi eux, seize pays utilisent des critères d’éligibilité supplémentaires tels que des seuils de prix, douze pays proposent des niveaux d’aide différents pour les voitures particulières et les voitures d’entreprise, et huit pays proposent une prime supplémentaire pour la mise au rebut d’un vieux véhicule polluant (comme la prime à la conversion en France)", détaille France Stratégie (1).
En deux ans toutefois, les coûts engendrés par de tels dispositifs pour les finances publiques ont obligé certains pays à revenir sur leurs décisions : on pense à l’arrêt brutal des bonus à l’achat et à la location en France pour les entreprises en février dernier ; ou encore à la fin des aides accordées en Allemagne, mi-décembre 2023. À chaque fois, ces arrêts se sont soldés par une chute des ventes de VE (en Allemagne) ou par un attentisme plus prononcé des décideurs d’entreprise, dans le cas de la France (en mai, les immatriculations de VP 100 % électriques ont reculé de plus de 7,3 % dans les entreprises).
En Espagne, alors même que les aides à l’achat ont cours jusqu’à fin juillet, le patron des constructeurs automobiles vient de démissionner de ses fonctions, accusant l’exécutif "d’inaction" pour soutenir le VE. Depuis le début de l’année, les ventes de véhicules électriques stagnent face à l'essence et au diesel. La part de marché de l’électrique et des hybrides ne dépasse pas 12 % ; c’est treize points de moins que ce qui était attendu cette année.
Dans une précédente étude réalisée en janvier 2024, France Stratégie avait certes souligné l’impact "relatif" des bonus automobiles pour l’achat d’un véhicule électrique, évalué à 40 % seulement. Il n’en demeure pas moins que des accompagnements au changement (en l’occurrence à la transition énergétique) demeurent indispensables. Reste à savoir quelle cible de consommateurs privilégier, pour que l’électrification connaisse une réelle progression, en ligne avec les objectifs.
La France a fait le choix de concentrer ses efforts sur les ménages, et au sein de cette population, les plus modestes via le leasing social. "Alors que les ménages représentent moins de la moitié des ventes de véhicules neufs, ils représentent les deux tiers des ventes de véhicules électriques", justifie France Stratégie. Pour autant, "le champ des possibles en matière d’électrification demeure limité pour ces ménages modestes", principalement en raison d’une offre réduite sur l’entrée de gamme.
La priorité étant aujourd’hui la création d’un véritable marché de l’occasion électrique, ce qui est loin d’être le cas, tous les coups de pouce à l’achat semblent indispensables. Au premier trimestre 2024, les ventes de VO électriques de seconde main n’ont pesé que 2 % des reventes VO, selon le premier observatoire Mobilians-Avere-France-Renault. "Le dispositif du leasing social gagnerait à être reconduit tant que le marché de l’occasion électrique n’a pas atteint une taille critique", estime France Stratégie.
Les auteurs de l’étude de France Stratégie soulèvent toutefois deux écueils à contourner dans les meilleurs délais, sous peine d’assister à un ralentissement de l’électrification du parc automobile national : des mesures spécifiques devraient concerner les ménages, comme les entreprises, évoluant dans les ZFE. Enfin, la production en Europe de modèles d’entrée de gamme, donc accessibles au plus grand nombre, devient un impératif. Le prochain terrain de chasse entre constructeurs occidentaux et chinois, après la bataille du premium ?
L’Arval Mobility Observatory
(1). "Le soutien au développement des véhicules électriques est-il adapté ?" France Stratégie, Juin 2024.
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