Loïc Voisin, HysetCo : "La plus grande commande d’utilitaires à hydrogène au monde"
Le Journal des Flottes : HysetCo a récemment annoncé une commande de 150 Peugeot e‑Expert Hydrogen. Elle coïncide avec le lancement d’une offre de location de VUL pour les entreprises. Quelles sont vos ambitions dans ce nouveau business ?
Loïc Voisin : En toute humilité, il s’agit de la plus grande commande de véhicules utilitaires légers à hydrogène au monde. Je dis cela avec un petit sourire parce que ces chiffres sont encore très modestes par rapport au marché automobile. Mais cela reste malgré tout une première et c’est important de le souligner, de montrer qu’il y a une vraie place pour ce type de produits à très court terme. Nous avons déjà des prospects très intéressés et je peux d’ores et déjà vous annoncer que ces 150 véhicules seront mis en circulation d’ici mi‑2024. Nous aurons des taxis TPMR (transport de personnes à mobilité réduite, NDLR) avec des aménagements spécifiques, mais aussi des modèles purement utilitaires pour transporter des charges, des colis, des outils. Nous allons toucher des artisans et des sociétés qui veulent tester cette nouvelle mobilité.
JDF : Sentez‑vous un intérêt grandissant pour la mobilité hydrogène de la part des entreprises ?
L.V. : Lorsqu’il est question de décarboner le transport et d’améliorer la qualité de l’air, il n’y a pas tant d’alternatives que cela. Vous avez les utilitaires électriques, mais ils ne peuvent pas répondre à tous les usages. En cas d’une utilisation intensive des véhicules, aujourd’hui, il y a une seule solution, celle de la mobilité hydrogène. Les chauffeurs de taxi et VTC en sont déjà convaincus. De plus en plus d’entreprises, d’artisans et de collectivités commencent à s’y intéresser.
JDF : Vous l’avez évoqué, l’une de vos activités historiques est la location de voitures à hydrogène pour les taxis en région parisienne. Combien de véhicules ont été mis à la route ?
L.V. : Nous proposons effectivement une offre de location de voitures à hydrogène full service aux chauffeurs de taxi. Celle‑ci comprend la mise à disposition du véhicule, son entretien et sa réparation, l’assurance, un véhicule relais en cas de besoin, ainsi que la gestion des formalités administratives. Nous avons multiplié par deux le nombre de contrats en 2023. Aujourd’hui, nous sommes à près de 600 véhicules à hydrogène à la route.
JDF : Le but est donc de dupliquer ce service pour les utilitaires légers ? À quel coût ?
L.V. : Exactement. L’objectif d’HysetCo est de continuer à croître, tant sur le véhicule particulier que sur l’utilitaire léger. C’est d’ailleurs pour cela que nous avons communiqué sur la commande de 150 VUL auprès de Stellantis. Ensuite, pour ce qui est du coût, nous proposons une équation économique à nos clients qui les intéresse, qui fonctionne et qui nous permet d’être compétitifs. Nous travaillons actuellement essentiellement avec des artisans taxis, une profession qui est très exigeante. Si ce que nous leur proposons ne fonctionnait pas, ils nous rendraient les véhicules au bout de 24h.
JDF : Qu’en est‑il de l’entretien des véhicules ?
L.V. : Nous disposons de notre garage intégré, l’un des plus grands d’Île‑de‑France. Nous avons investi dans les équipements les plus avancés pour avoir un garage ultramoderne. L’ensemble de nos mécaniciens est formé et habilité à travailler sur des véhicules à hydrogène. C’est un centre absolument unique qui fait entre 30 et 50 interventions par jour. Ainsi, tous les véhicules que nous mettons à disposition de nos clients, même les 150 Peugeot e‑Expert Hydrogen, seront entretenus par nos soins. C’est notre métier, notre savoir‑faire et c’est comme ça que l’on garantit à nos clients du sur‑mesure et de la réactivité. Un client qui a un problème avec un véhicule, soit nous sommes capables de le régler tout de suite, soit il repart avec un véhicule relais pour faire sa journée.
JDF : La fiabilité des véhicules à hydrogène est‑elle un sujet ?
L.V. : Aujourd’hui, notre retour est que c’est un produit ultrafiable. Nous sommes encore une fois au début de la filière, mais ce sont des véhicules que nous utilisons de manière intensive. Même avec de forts kilométrages, nous constatons la très bonne fiabilité des véhicules que nous mettons à la route.
JDF : N’allez‑vous pas vous heurter à la faiblesse de l’offre, un potentiel frein à la baisse des prix ?
L.V. : Les VUL à hydrogène sont encore très chers. Nous attendons donc deux choses : que les aides européennes, nationales et régionales soient pérennes et que les constructeurs procèdent à des réductions notables des coûts. C’est d’ailleurs en bonne voie sur ce dernier point. À court ou moyen terme, ils vont baisser de manière très significative le prix des véhicules à hydrogène. Ils vont passer à l’échelle supérieure et au lieu d’en faire quelques centaines, ils vont en faire des milliers, voire des dizaines de milliers. Comme vous le savez, l’industrie automobile est une industrie de volume, donc nous aurons des prix qui vont vraiment chuter d’un coup. Pour ce qui est de la faiblesse de l’offre, cela va aussi évoluer, il y a tout un secteur qui est en train d’émerger. Pour les utilitaires légers, la prochaine étape est le lancement de grands fourgons. Nous sommes contents qu’Hyvia et Stellantis arrivent sur ce segment. Pour les voitures particulières, Toyota et Hyundai ont déjà une proposition et d’autres constructeurs ont des ambitions sur ce marché, notamment BMW. Ce serait également pertinent que Stellantis et Renault développent, en plus des VUL, des voitures à hydrogène.
JDF : Quel regard portez‑vous sur le rétrofit hydrogène ?
L.V. : Nous regardons cela avec une grande attention. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir des véhicules qui roulent à l’hydrogène. Je pense à la fois aux véhicules électriques rétrofités qui marchent à l’hydrogène et aux véhicules qui bénéficient d’un moteur à combustion fonctionnant à l’hydrogène. Nous savons qu’il y a beaucoup de projets qui sont à l’étude sur ce dernier sujet. Les constructeurs asiatiques sont très en avance et communiquent pas mal, alors que ceux européens sont plus pudiques sur leurs développements.
JDF : L’autre activité d’HysetCo est le déploiement de stations de distribution. Où en êtes‑vous sur ce point ?
L.V. : En 2023, nous avons distribué deux fois plus d’hydrogène qu’en 2022. Nous avons dépassé les 200 t. L’ouverture de notre station à la Porte de Saint‑Cloud, en juin dernier, nous a permis d’accélérer. Je rappelle qu’il s’agit de la plus grande d’Europe et que nous y produisons aussi une tonne d’hydrogène par jour. Notre but est de multiplier le nombre de sites. Nous en avons une demi‑douzaine en construction en Île‑de‑France. Ces stations de distribution seront mises en service d’ici mi‑2024. HysetCo aura alors un maillage sensiblement amélioré. Nous ne communiquons pas encore sur leur localisation exacte, il a seulement été annoncé à ce stade qu’elles seraient implantées sur des sites Carrefour avec une capacité de distribution de 500 kg par jour. Cela va nous permettre de tripler notre capacité de distribution dans la région.
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JDF : Avez‑vous des projets de développement hors d’Île‑de‑France et pourquoi pas à l’étranger ?
L.V. : La priorité est de proposer un maillage en Île‑de‑France qui soit de bon niveau. Même si nous progressons et qu’il y a des concurrents qui communiquent aussi sur des développements, nous n’y sommes pas encore. Il y a un gros effort à faire pour mailler le territoire francilien qui est demandeur de beaucoup plus de stations de recharge d’hydrogène. C’est un enjeu de filière et nous y prenons notre part en tant que pionniers. Mais cela ne veut pas dire que nous n’allons pas aller dans d’autres régions en France et en Europe. Nous sommes assez pudiques sur les zones sur lesquelles nous travaillons, même si parfois nous nous sommes affichés à Lyon, Madrid ou Bruxelles. Mais je ne compte pas être plus précis à ce stade. Nous y travaillons depuis un moment et certains projets vont se concrétiser en 2024 et 2025.
JDF : Qu’en est‑il du coût du carburant à la pompe et de l’impact environnemental de l’hydrogène que vous proposez ?
L.V. : Sur le prix à la pompe, nous sommes à 15 euros HT le kilo d’hydrogène. Nous avons fait le choix de la stabilité puisque nous affichons ce prix de vente depuis un an et demi. Ensuite, nous n’avons pas toute cette débauche d’énergie, d’investissements et d’engagement pour ne pas avoir de l’hydrogène vertueux dans nos stations. L’objectif d’HysetCo est d’avoir un hydrogène avec la plus faible empreinte carbone possible. 100 % de notre hydrogène est bas carbone. Nous en achetons avec des certificats de garantie d’origine renouvelable et lorsque nous le produisons, comme c’est le cas à la Porte de Saint‑Cloud, nous sommes connectés au réseau électrique français qui bénéficie d’un mix bas carbone.
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