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Les loueurs face au défi de l'après-confinement

Publié le 5 mai 2020

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
Le 30 avril 2020, des acteurs de la location se sont exprimés sur les conditions de leur profession, lors d'une table ronde virtuelle. Contraints d'évoluer pour perdurer, certains appellent à une réflexion commune pour établir des standards.
Chez Virtuo, la baisse d'activité a été de 50 % environ durant les deux mois de restrictions totales.

 

Quelle sera la part modale de la location de véhicules après le 11 mai ? Nul n'est encore en mesure de le prédire. Mais les acteurs de la filière doivent se préparer à reprendre leurs activités. Le risque sanitaire restant aussi fortement élevé que le niveau de défiance des consommateurs, les loueurs devront apporter la preuve d'une hygiène irréprochable.

 

"Nous sommes plus intelligents à plusieurs et il y a un intérêt à se rapprocher pour trouver des solutions", s'est prononcé Jean-Claude Puerto-Salavert, le président fondateur du groupe Ucar, le 30 avril dernier, lors d'une table ronde virtuelle organisée par MaProchaineAuto et Tchek, en partenariat avec Bee2Link. Un appel à l'ensemble de la branche professionnelle pour partager les bonnes pratiques et parvenir à établir un standard qui redonnera confiance aux clients. Si le CNPA et IRP Auto ont intégré une fiche propre au métier de la location dans leur guide des bonnes pratiques, le patron de l'enseigne orange et noir semble vouloir aller plus loin.

 

"Bon gré mal gré, nous avons compris que nous allions devenir en quelque sorte des acteurs de la santé. Nous avons déjà des procédures un peu particulières, nous y ajoutons des mesures sanitaires, a expliqué Jean-Claude Puerto-Salavert. Nous allons devoir nous habituer à vivre avec ce mode opératoire tout à fait nouveau qui, à l'heure actuelle, fait l'objet d'évaluations, notamment concernant l'impact sur les délais logistiques". Il est évident que la rotation des véhicules va en être affectée et connaître les nouvelles dispositions permettra de mieux jauger les impératifs de stock.

 

Des préparateurs et non des laborantins

 

Il a été rejoint dans son propos par Michael Galvez-Ollandini, directeur général de la société Ollandini, franchisé Avis Budget, en Corse. "Comment allons-nous faire venir les véhicules sur l'île et quelle gestion nous pourrons en avoir ensuite, s'interroge-t-il, car sans devenir des hôpitaux, nous allons nous transformer en mini-laboratoires sur place, décrit-il l'organisation qui se met en place. Mais je vous rappelle que nos collaborateurs sont des préparateurs et non des laborantins". Luttant contre la peur des clients pour tenter de les rassurer, il se considère lui et ses équipes comme "des apprentis sorciers" en phase d'expérimentation de solutions et produits divers pour désinfecter les habitacles. "Nous avons beaucoup de réunions avec la médecine du travail pour mettre en place des procédures sanitaires qui, à défaut de garantir un risque 0 nous permet d'envisager une reprise d'activité pour la saison haute", se projette-t-il avec une pointe d'optimisme.

 

"Le nettoyage et l'entretien des véhicules est sous-traité nous avons donc pris garde à ce que les produits utilisés soient efficaces, rapporte Thibault Chassagne, le cofondateur de Virtuo, le spécialiste de la location sans contact. "L'intervention de prestataires extérieurs pose un problème de coût, surtout pour nous qui avons une politique de tarifs bas, rebondit Jean-Claude Puerto-Salavert. Il faut être vigilant par respect de l'équation économique. Je pense que le consommateur d'après confinement ne sera pas un consommateur riche". Légitimement sondée sur le sujet en sa qualité d'acteur de la logistique qui a élargit sa prestation, Claire Canot-Houllier, la cofondatrice de Hiflow a rappelé que dans un premier temps, les frais ne seront pas répercutés sur les clients pour lesquelles la start-up opère.

 

50 à 90 % de baisse d'activité

 

Il n'y a qu'à reprendre l'actualité du groupe Europcar Mobility pour saisir la violence du choc provoqué par le confinement appliqué à l'échelle européenne. En France, Ucar estime avoir subi une perte de 80 % de son activité, "mais chez les acteurs internationaux la baisse doit être de 90 à 95 %", puisque les touristes ne débarquent plus, déplore Jean-Claude Puerto-Salavert. "On peut donc parler de catastrophe, pèse-t-il ses mots. Nous avons vu notre confrère Europcar en grande difficulté, mais je pense que la situation ne doit pas être meilleure chez les autres". Si la situation est similaire chez Virtuo, les effets sont atténués par une exposition accrue, liée à une localisation dans les grandes villes, et par un parcours 100 % digital. La baisse a donc été de 50 % durant la période, marquée par un raccourcissement des durées de location.

 

Conscient de la menace, Michael Galvez-Ollandini raconte avoir contacté, dès la mi-février, la dizaine de constructeurs avec lesquels il a coutume de travailler. Il a alors pu renégocier les contrats de buy-back et ajuster des flottes par anticipation. "Ceux qui s'y prennent maintenant rencontrent plus de difficultés compte tenu du fait que les constructeurs n'ont plus le même champ de possibilités", rapporte-t-il la situation de ses confrères, sur l'Île de beauté. "Les constructeurs ont été assez souples, atteste Thibault Chassagne. Nous fonctionnons avec une flotte de véhicules en buy back et dans ce contexte particulier qui nous empêchait de les restituer, ils ont su se montrer cléments".

 

Arrêt des véhicules de courtoisie

 

Des faveurs comme preuves de compréhension, mais pas de plan de soutien pour autant. "J'ai l'impression que chacun, dans sa branche sectorielle, a bien suffisamment de problèmes à régler pour aller s'occuper des problèmes du voisin, n'y voit rien d'anormal le président de Ucar. Il y a des interactions dans les sous-familles, mais je ne perçois pas encore de grande famille de l'automobile". Pour lui, chacun doit avoir pour priorité de se concentrer sur son cœur d'activité. Mais l'une des missions de son entreprise reste d'accompagner les concessionnaires avec des panneaux "Rent". Alors qu'en sera-t-il après la crise ?

 

"On va se réveiller dans un monde différent, ne montre aucune hésitation Jean-Claude Puerto-Salavert. Le consommateur ne sera plus le même et nombreuses sont les questions. Quel prix sera-t-il prêt à payer et quel sera le coût de revient. Il est encore trop tôt pour y voir clair". Il reste toutefois confiant pour l'avenir de la location sous le toit des concessions qui avec la LOA et les autres solutions forment la base d'une évolution amenant vers un usage de l'automobile et non plus sa propriété.

 

A ceci s'ajoutera une dimension économique de poids. "Les véhicules de courtoisie coûtent très chers à la concession et je suis d'ailleurs toujours surpris de voir que c'est l'un des éléments qui reste encore le moins bien traité en point de vente, souligne celui qui depuis 20 ans fait le bonheur des distributeurs et de leurs clients avec ses programmes de Rent. Ils doivent disparaître au profit d'une professionnalisation de l'activité de la location qui devient urgente pour abaisser les charges". On ne connait pas encore la future part modale, mais certains ont des cartes qui pourraient rapporter gros.

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