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Le casse-tête des valeurs résiduelles

Publié le 6 mai 2005

Par Alexandre Guillet
8 min de lecture
Le marché du véhicule d'entreprise se porte bien et la location longue durée aussi. Trop bien peut-être… Le marché du véhicule d'occasion a du mal à absorber certains véhicules qui arrivent en fin de contrat de LLD. Avec parfois des surprises très désagréables pour les loueurs qui avaient...
Le marché du véhicule d'entreprise se porte bien et la location longue durée aussi. Trop bien peut-être… Le marché du véhicule d'occasion a du mal à absorber certains véhicules qui arrivent en fin de contrat de LLD. Avec parfois des surprises très désagréables pour les loueurs qui avaient...

...été optimistes en estimant leurs valeurs de revente.


Le marché du véhicule d'entreprise a progressé de 5,4 % en 2004, pour atteindre 872 454 immatriculations, soit 36 % d'un marché (VP + VUL) en hausse de 0,2 %. Entre 2002 et 2004, les ventes de VP aux sociétés ont progressé de 17 % quand les ventes VP totales chutaient de 6 % sur la période. Les entreprises (hors loueurs courte durée) ont ainsi immatriculé 17,7 % des VP en 2004, un record. Leur part dans les immatriculations VP est revenue à 16 % au premier trimestre 2005, avec toujours une suprématie de Renault qui s'octroie 36 % de ce marché (à comparer à ses 27 % du marché VP total).
Le marché des VUL est tout aussi dynamique. Il progresse de 7 % en 2004, à 408 450 unités, soutenu par les entreprises, mais aussi par l'activité des loueurs courte durée. En revanche, la progression de 5,6 % des dérivés de VP (à 124 655 véhicules, compris dans les VUL) est bien le fait exclusif des entreprises. Le poids des marques françaises est impressionnant : sur les 15 premiers modèles (VP et VUL) vendus aux entreprises, 14 sont français et s'octroient près de 60 % du marché. Surprise : alors que la Clio est plébiscitée dans près d'une vente sur dix, la Modus n'apparaît pas dans le top 15 (voir tableau).

Plus d'un million de véhicules en location longue durée

Aujourd'hui, le parc global des entreprises, administrations et collectivités locales s'élève à environ 4 millions de véhicules, dont 880 000 sont financés (+ 6 % par rapport à 2003) et 288 000 sont gérés (+ 0,4 %) par des loueurs longue durée. C'est le mode de financement privilégié des entreprises de plus de 50 personnes : près des deux tiers d'entre elles louent leur flotte de véhicules. "C'est un marché très concurrentiel, les conditions tarifaires sont tiraillées et il faut constamment se battre sur la qualité de services, fidéliser et proposer de nouvelles prestations", constate Eric Trelet, directeur commercial du loueur ALD Automotive. Entre 2002 et 2004, les premiers loueurs du marché ont tous vu leur parc progresser (voir tableau), à l'exception de GE Fleet Services (- 8,6 %). "Nous avions une partie du parc SNCF en fleet management, contrat que nous avons préféré ne pas renouveler pour des raisons de rentabilité", explique Arnaud Muller, directeur marketing, qui précise que le parc financé par GE Fleet Services s'est accru de 5 % depuis 2003. "Pour 2005, nous tablons sur une croissance de notre flotte financée de 8 % sur un marché de la LLD en hausse de 5 %."

Une activité rentable, mais risquée

Le marché de la LLD est désormais mature en France et les loueurs immatriculent, bon an mal an, 40 % des véhicules d'entreprises, soit 332 500 mises à la route en 2004 (contre 350 000 en 2002). Le leader des loueurs multimarques, Arval, filiale de BNP Paribas, a immatriculé à lui seul 51 400 véhicules, un chiffre en léger recul (- 3 %) en raison de la non-reconduction par Arval de deux gros contrats portant sur un renouvellement annuel de 7 000 véhicules. Là encore, la rentabilité de l'opération devait être insuffisante. Car les objectifs fixés par les actionnaires, qu'ils soient banquiers ou constructeurs, sont élevés : LeasePlan France, par exemple, vise un retour sur fonds propres de plus de 22 % en 2005, chiffre qui a presque été atteint en 2004 (21,4 %). "Ce ratio financier est naturel compte tenu de l'importance de la masse financière à immobiliser et du risque afférant à l'activité", commente Arnaud Muller. Risque de défaillance d'entreprise, risque de taux, mais surtout "risque de sous-estimation des coûts de maintenance, dans le cadre des contrats d'entretien, et risque de surestimation des valeurs de revente des véhicules loués", explique Dominique Allain, directeur général de la société EurotaxGlass's, spécialiste des bases de données automobiles.

Les valeurs résiduelles, une variable essentielle

La valeur de revente estimée des véhicules loués est l'une des principales variables qui permettent de fixer les loyers, avec le prix du neuf et le taux. Plus la valeur estimée du véhicule en fin de contrat sera élevée, plus le loyer pourra être bas. Il peut donc être tentant pour les loueurs ou les captives de constructeurs qui veulent gagner des parts de marché de prendre des risques sur ses estimations de valeur. Mais, globalement, l'objectif est de chiffrer au plus prêt de la réalité "pour être à un point d'équilibre entre ne pas perdre d'argent ni en gagner à la revente", explique Arnaud Muller. Chez GE Fleet Services, un département est chargé de définir ses valeurs futures. "Nous avons notre propre système de prévisions, basé sur notre historique de revente et sur les cycles de vie des véhicules", poursuit-il. Existant depuis 1974 et revendant chaque année 24 000 véhicules, le loueur a effectivement une base de données importante. "Nous suivons un process pour mettre à jour régulièrement ces valeurs", ajoute-t-il. Bien sûr, il n'est pas question de modifier les loyers des contrats en cours, même si les loueurs peuvent être tentés le faire. En effet, explique Arnaud Muller, "un contrat de location dure en moyenne 34 mois et est modifié au moins une fois au cours de cette période. Le client doit donc être attentif aux changements qui y sont apportés". 

Peugeot mieux coté que Renault

"Calculer les valeurs résiduelles, ce n'est pas une science exacte, il faut les remettre à jour régulièrement et croiser de multiples sources d'information", reprend Eric Trelet. ALD Automotive a recours au savoir-faire de spécialistes en bases de données automobiles et en valeurs résiduelles. Et ils sont nombreux sur ce marché : EurotaxGlass's, Marketeye, R. L. Polk, L'Argus, Jato. Ils nous expliquent quelques règles de base : "Plus le véhicule sera dans la moyenne d'âge et de kilométrage, 36 mois et 75 000 km, plus les valeurs futures seront fiables, de 46 % de la valeur à neuf pour une Peugeot 307 Diesel à 38 % pour une Fiat Stilo Diesel, par exemple", commence Frédérick Bordelanne, de R. L. Polk. A l'inverse, la prévision sera d'autant plus difficile que le couple durée/kilométrage sera atypique. Or, fréquemment, au bout de 36 à 48 mois d'utilisation, le véhicule d'entreprise affiche un kilométrage largement supérieur à 100 000 km.
L'équipement, les options, la couleur, la motorisation sont autant d'éléments importants à prendre en compte. Mais il est difficile de définir des règles : "Une boîte automatique fera baisser la valeur de telle ou telle marque, mais pas des modèles haut de gamme de Mercedes", cite comme exemple Frédérick Bordelanne. Le type de clientèle peut également jouer : "Les marques françaises et les véhicules récents mais fortement kilométrés ont une bonne cote au Maghreb à condition de pouvoir les entretenir facilement. Les pays de l'Est veulent des véhicules moins kilométrés et ne privilégient pas les marques françaises, développe Frédérick Bordelanne. Le risque de voir les portes algériennes se fermer et l'ouverture croissante sur les Peco peut influencer les valeurs futures."
L'effet d'offre influence également la cote : "La très forte présence de Renault chez les loueurs longue durée nuit à la valeur résiduelle de ses modèles, qui se revendent moins facilement", constate Eric Trelet, d'ALD Automotive. La valeur résiduelle d'une Mégane Diesel est ainsi inférieure de 2 points à celle de la 307 précitée. "Peugeot a en outre une offre produit qui correspond bien aux attentes de la famille traditionnelle française", ajoute Frédérick Bordelanne. C'est en partie pour cette raison que la Peugeot 406 poursuit une belle carrière en entreprise, parallèlement à sa remplaçante, la plus moderne 407. "C'est une question d'offre et de demande, résume Hubert Hutin, responsable éditorial d'EurotaxGlass's. La valeur résiduelle sera bonne tant que l'offre ne satisfera pas la demande en occasion." Et de citer l'Avantime qui, malgré son échec commercial, conserve une bonne valeur résiduelle, faute d'offre.


Xavier Champagne



 





FOCUS

Les loueurs en concession

Les loueurs longue durée tentent de conquérir les entreprises de moins de 10 salariés, qui privilégient encore l'achat comptant ou le paiement d'indemnités kilométriques. Les captives financières des constructeurs sont bien placées à travers leur réseau de concessionnaires, mais les loueurs multimarques ne sont pas en reste : LeasePlan France propose une offre conçue expressément pour les concessionnaires à travers sa filiale Loc-Action. En 2004, 3 500 contrats de LLD ont été souscrits et le parc de Loc-Action atteint 10 000 véhicules. GE Fleet Services fait de même avec GE Commercial Finance Celt, mais ne compte aujourd'hui que 2 000 véhicules en parc.


 


 





ZOOM

Un observatoire des enchères

Les éléments à prendre en compte pour définir une cote prévisionnelle sont si nombreux que EurotaxGlass's se basent surtout sur les valeurs de marché : "Nous observons 10 % des transactions européennes pour définir des valeurs moyennes de vente et d'achat, explique Dominique Allain. Ensuite, pour obtenir une valeur future, nous indexons ces données de marché au cycle de vie de chaque modèle, à l'évolution de ses proches concurrents et à différents facteurs économiques." Afin d'être encore plus précis, cet analyste lance EurotaxAuction Tracker, une cote des véhicules vendus aux enchères. "Nous recensons déjà plus de 50 000 valeurs observées sur douze mois glissants, soit plus de 40 % des ventes", souligne Hubert Hutin. Le produit met notamment en évidence les historiques pour chaque modèle, ainsi que les seuils critiques au-delà desquels un risque d'effondrement des valeurs se manifeste.

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