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Laurent Hauducoeur, Traxall : "Il y a un bouleversement en cours au niveau des flottes automobiles"

Publié le 14 novembre 2024

Par Damien Chalon
7 min de lecture
Le directeur général adjoint de Traxall France revient sur le récent rachat de Fleet Logistics, une opération majeure dans le secteur du fleet management. Laurent Hauducoeur livre également quelques pistes pour aiguiller les entreprises dans un contexte inflationniste pour les flottes automobiles.
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Laurent Hauducoeur, directeur général adjoint de Traxall France. ©Traxall

Le Journal des Flottes : Traxall International a récemment finalisé le rachat de Fleet Logistics pour devenir un poids lourd européen du fleet management. Pouvezvous nous donner quelques détails sur cette opération et sur le nouveau visage du groupe ?

Laurent Hauducoeur : Traxall International est un réseau créé initialement par sept fleeters indépendants, tous leaders sur leurs marchés respectifs, en Angleterre, en France, en Belgique, aux Pays‑Bas, en Allemagne, en Italie et en Espagne. Aujourd’hui, sur ces sept sociétés, la majorité est détenue capitalistiquement par le groupe Faubourg, dont Mohamed Aouar est le président. C’est le groupe Faubourg qui s’est porté acquéreur de Fleet Logistics Group en juin dernier.

 

Il s’agit d’une opération très stratégique pour notre branche. Nous consolidons le plus important groupe de fleet management indépendant, avec une organisation combinant à ce jour Traxall et Fleet Logistics Group, nous permettant d’être présents dans 26 pays en Europe et dans dix pays en Amérique du Sud pour un total de près de 800 collaborateurs. En termes de flotte gérée, cela représente près de 400 000 véhicules, Fleet Logistics venant ajouter 185 000 unités aux quelque 200 000 véhicules pilotés par Traxall à l’international.

 

JDF : On peut imaginer que le rapprochement va prendre un certain temps…

LH : Depuis l’officialisation de l’acquisition, nous apprenons à réellement nous connaître. Les sociétés vont continuer à évoluer en parallèle le temps que l’on puisse identifier les synergies au niveau du business, du côté commercial et des outils. Ce qui a déjà été fait très rapidement, c’est d’étendre la possibilité à tous les clients de Fleet Logistics Group d’accéder au marché sud‑américain sur lequel est présent Traxall. Inversement, Traxall peut désormais proposer à ses clients ses services dans les pays baltiques et nordiques couverts par Fleet Logistics Group. Nous sommes donc dans une logique de constitution d’une structure internationale importante. Cela va devenir un marqueur de notre identité.

 

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JDF : Qu’estce que cette opération représente au niveau de la France ?

LH : Chez Traxall France, nous gérons actuellement 60 000 véhicules et l’antenne française de Fleet Logistics, qui a une structure à Lille, environ 15 000 unités. Nous avons évidemment des réunions avec les équipes françaises pour avancer sur notre organisation et essayer d’aller rapidement vers une agrégation de nos deux business. Fleet Logistics a un savoir‑faire au niveau des comptes globaux avec des global category managers et des outils de reporting. Ils travaillent à chaque fois sur 10, 15 ou 25 pays avec leurs clients. Ils ont finalement très peu de clients locaux. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux sur ce point. L’approche de Traxall à l’international est totalement différente, plutôt axée pour le coup sur les clients locaux. Les deux méthodes sont très complémentaires.

 

Nous sommes dans une période d’immobilisme

 

JDF : Parlons maintenant du contexte ambiant sur le marché des flottes. Les entreprises sont pointées du doigt, on leur reproche de ne pas jouer le jeu de l’électrification. Le sentiment qui domine est qu’elles sont un peu hésitantes. Pourquoi ?

LH : Il y a un bouleversement en cours au niveau des flottes automobiles qui provoque un immobilisme extrêmement important des entreprises. Les incertitudes par rapport au traitement social et fiscal des parcs font que c’est très compliqué d’avancer. Concernant les grands groupes internationaux, la transition énergétique de la flotte était jusque‑là un marqueur important, avec un processus relativement simple à mettre en place, sur un mode "quoi qu’il en coûte". Certains optaient pour du full electric, d’autres plutôt pour de l’hybride. D’autres entreprises essayaient aussi d’aller sur de l’électrification, dans la limite des quotas fixés par la LOM, mais elles n’en avaient pas les moyens.

 

Aujourd’hui, il y a une confrontation avec la réalité économique. Les incertitudes financières, fiscales et sociales, mais aussi l’augmentation des coûts globaux mettent à mal tous ces projets. Sur les coûts, nous étions à +15 % en 2022, +25 % en 2023 et sur 2024, on arrive à peu près à contenir la hausse dans une fourchette allant de 0 % sur les véhicules électriques à 5 % sur le thermique. Aujourd’hui, les entreprises remplacent des véhicules qui ont été mis à la route il y a trois, quatre ou cinq ans, induisant des hausses de coûts qui vont de 40 à 50 % ! Les financiers des entreprises expliquent qu’ils ne peuvent pas encaisser un tel choc sur un poste de coûts aussi important que la flotte automobile. C’est considérable ! Il faut également composer en interne avec les représentants du personnel qui ne sont plus tellement alignés avec les politiques automobiles et les catalogues qui leur sont proposés. Tout cela fait que nous sommes dans une période d’immobilisme.

 

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JDF : Estce encore possible d’allonger les contrats pour pallier cette inflation ?

LH : Pour certains, ce n’est plus possible. Dans la flotte de Traxall France, l’âge moyen est de 39 mois, c’est énorme ! Normalement, il devrait être de 30 mois. Nous avons une dérive de la durée de détention qui est très prononcée. La difficulté pour les entreprises est qu’elles vont devoir trouver une façon de pouvoir s’en sortir. Je ne suis pas sûr que la prolongation soit une option. Je pense qu’il faut renouveler car si l’on attend des jours meilleurs, on s’expose potentiellement à de très mauvaises surprises, comme à la sortie du Covid. Les contrats avaient été prolongés car les salariés avaient peu roulé. Or, au moment de renouveler, les constructeurs avaient supprimé les remises…

 

Raisonner avec des logiques de catalogue a atteint ses limites pour certaines catégories de populations

 

JDF : Que faire dans ce cas ? Quelles sont les solutions pour limiter la casse ?

LH : Il existe effectivement des solutions très structurantes mais qui peuvent être difficiles à adopter. Nous l’observons déjà. La flotte automobile est traitée depuis quelques années comme un bloc uniforme alors qu’en son sein, il y a des véhicules très différents. Il y a ce que j’appelle d’un côté les véhicules outils à destination de techniciens et de commerciaux et de l’autre, ceux de statut, de complément de salaire. Je pense qu’il faut avoir une approche totalement distincte pour ces derniers. Il est nécessaire d’avoir une approche budgétaire.

 

Raisonner avec des logiques de catalogue a atteint ses limites pour certaines catégories de populations où on est passé de 800 euros de budget par mois à aujourd’hui 1 200 ou 1 400 euros. Les entreprises doivent fixer des limites budgétaires, par exemple 800 ou 1 000 euros par mois en fonction de la catégorie du collaborateur. J’ai même des clients qui font des comptes de résultat individuels pour chaque salarié. Ils tirent un bilan à la fin de l’année, ils regardent la réalité des coûts du véhicule et si cela dépasse le budget prévu, cela reprend la forme de participation complémentaire du collaborateur pour garantir à la société d’avoir un budget plafond. Finalement, c’est un sujet RH qui doit être géré par les RH.

 

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JDF : Et pour les véhicules outils, que préconisezvous ?

LH : Ce qui pose problème ici, ce ne sont pas tellement les véhicules utilitaires ou de service. Ce sont plutôt les véhicules mixtes principalement à destination des forces de vente. Plutôt que de leur donner des modèles deux places, on leur a fourni des quatre ou cinq places. Le coût n’est pas le même et surtout il a explosé. Les entreprises n’arrivent plus du tout à maîtriser cette partie. Il faut revenir au principe suivant : si c’est un véhicule outil, il faut que ce soit un véhicule utilitaire et donc un véhicule deux places à TVA récupérable. Nous ne sommes plus sur des enjeux d’attractivité, de motivation ou de sécurité, mais plutôt de coûts. Là, ce sont les achats qui ont la main, ils ont tous les leviers pour optimiser les postes de coûts.

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