La fée électricité
Pas une semaine ne s'écoule sans un rapport ou un cri d’alarme d’une organisation internationale, d’un groupe d’experts ou d’une ONG, sur l’urgence climatique. Ici, c’est l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), qui souligne que « le monde a un besoin urgent de réduire ses émissions de CO2 » ; là, ce sont les experts environnement de l’ONU qui appellent de leurs vœux les Etats à se montrer plus ambitieux pour limiter la hausse des températures à 1,5 degré d’ici la fin du siècle.
L’ennemi, ce sont les émissions de gaz à effet de serre. Elles ont franchi un niveau record en 2018 et leur concentration dans l’atmosphère n’a jamais été aussi élevée. Pour les combattre, il faut mettre un coup d’accélérateur dans les transports, qui concentrent à eux seuls 30 % des émissions totales.
Pour la puissance publique, la mise à contribution des transports rime avec « mise à l’index » des voitures thermiques (bientôt interdites de circulation dans certaines grandes agglomérations et d’existence tout court à horizon de 2040 en France) et par le développement des déplacements électriques.
Contraints à cette révolution industrielle et technologique à marche forcée, sous peine de payer des amendes astronomiques, les constructeurs chamboulent leurs gammes de véhicules, tournent le dos aux bons vieux modèles diesel qui ont fait leur fortune, et font la course aux lancements de modèles tous plus électrifiés les uns que les autres.
Certains, tels ce jeune député LREM qui s’exprimait cette semaine devant un parterre de concessionnaires automobiles déboussolés par l’accumulation de mesures et de lois « anti-voitures », se prennent à rêver à une part de l’électrique représentant 10 % du marché automobile national d’ici trois ans (contre 2 % aujourd’hui). Qui dit mieux ?
Dans cette euphorie générale, qui prend quelquefois des allures de méthode Coué, le risque n’est pas loin de laisser de côté le client. Les professionnels de l’automobile s’interrogent d’ailleurs de plus en plus ouvertement sur l’appétence des consommateurs pour le véhicule électrique. Car les freins à l’achat sont aujourd’hui loin d’être levés et risquent de le rester quelques temps encore; ils ont pour nom « autonomie », « contraintes de chargement » ou encore « offre trop chère ».
Une autre épée de Damoclès pèse au-dessus de la tête de la filière automobile électrique : elle a pour nom « pénurie d’électricité ». Pour l’instant, elle avance masquée, alors que plusieurs clignotants virent doucement à l’orange. « Le réseau électrique français sous tension en 2022-2023 », titrait il y a quelques jours le quotidien Les Echos, avant de renchérir cette semaine sur « L’électricité plus chère faute d’un accès suffisant au nucléaire » (1).
Si les Français doivent demain adopter massivement la voiture électrique pour sauver la planète, encore faudra-t-il que le carburant, c’est-à-dire le coût de la recharge reste abordable. En 2019, la hausse des prix à la pompe a eu raison de la taxe carbone voulue par Emmanuel Macron au nom de l’urgence climatique, avec le mouvement des gilets jaunes. Prenons garde que l’envolée annoncée des tarifs de l’électricité ne mette à mal les plans de nos gouvernants et ne déclenche la prochaine fronde sociale. Attention à l’étincelle.
L’Arval Mobility Observatory
(1). Les Echos. 21 novembre et 25 novembre 2019