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Julien Honnart, Klaxit : "La croissance est revenue"

Publié le 17 septembre 2020

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
Alors que le spécialiste du covoiturage s'apprête à déployer sa plateforme dans 11 villes, son fondateur, Julien Honnart, prend le temps de regarder dans le rétroviseur. Le secteur en croissance reste selon lui exposé aux risques de crise économique.
Julien Honnart, président fondateur de Klaxit, la plateforme de covoiturage du quotidien.

 

JA. Vous êtes à la tête de la branche des start-up au CNPA. Pouvez-vous nous faire un point d'étape ?

Julien Honnart. Nous n'avons pas communiqué sur le sujet, mais tout d'abord, il faut savoir que j'ai été réélu pour deux ans à la tête de la branche. Après cette première année de rodage, j'ai demandé à Thibault Sarrazin, le cofondateur de Convoicar, de m'assister dans cette tâche en prenant le rôle de co-président. Je prends la partie nouvelle mobilité automobile et moto et lui, les entreprises liées aux services. Ainsi, nous pouvons scinder les enjeux et mieux organiser les débats.

 

JA. Quel est le bilan de santé des start-up que vous représentez ?

JH. Celles évoluant dans les services de l'auto ont connu une chute pendant le confinement. S'en est suivie pour elles une phase de très forte progression. Dans le domaine des nouvelles mobilités, la chute a aussi été ressentie, mais atténuée par des solutions d'accompagnement du personnel mobilisé. Depuis la fin du confinement, les start-up qui font du transport personnel sont reparties sur un rythme de croissance exponentielle, car le transport individuel est privilégié.

 

JA. Est-ce vrai pour le covoiturage ?

JH. C'est un peu moins vrai, en effet, car il y a une notion de partage, tout en étant moins exposé que dans les transports publics. Avant les vacances d'été, le niveau était revenu à la normale, soit ce qu'on enregistrait en novembre dernier, avant les grèves. S'il y a eu des défections d'utilisateurs, le volume de recrutements permet de rester dans le vert en termes d'évolution. Nous sommes ravis de constater que les conducteurs ont gardé confiance et continuent de proposer des places, surtout depuis le 24 juin et la fin de la limitation à 1 passager.

 

JA. Le risque a pourtant existé de mettre un coup d'arrêt à la pratique du covoiturage ?

JH. Les communications alarmistes des politiques sont légitimes pour sensibiliser les Français, mais il y a un double effet. Elles entrainent une baisse des déplacements professionnels, remplacés par de la visioconférence. Il y a un véritable risque de basculer dans la crise économique si les messages ne sont pas mesurés.

 

JA. Quels sont les leviers pour maintenir l'activité à flot ?

JH. Nous avons la chance d'avoir un ministère des Transports et de la Transition écologique qui supporte pleinement les nouvelles formes de mobilité. Preuve en est, il a accéléré la sortie des décrets de sorte à concrétiser les principes de la loi Mobilités, notamment avec le forfait mobilité durable. En novembre, nous nous reverrons pour faire le bilan d'étape sur l'objectif gouverneental qui visait à tripler la part du covoiturage d'ici à 2024.

 

JA. Justement, qu'en est-il de votre plan ?

JH. Comme je l'ai dit, la croissance est revenue, depuis la fin des restrictions de circulation. Cependant, nous ne parviendrons jamais à rattraper le temps perdu, si nous ne bénéficions pas d'un soutien gouvernemental. Le Forfait Mobilité Durable est une mesure dont nous nous satisfaisons sur le principe, mais nous voudrions que le montant passe de 400 à 800 euros, financés à 50 % par l'Etat. A ce niveau d'indemnisation, les utilisateurs pourront conjuguer les nouvelles solutions aux transports publics et, à ce moment, seulement émergera une vision de multimodalité, soit l'esprit fondamental de la loi.

 

JA. Quelles sont les contreparties dans ce cas ?

JH. L'Etat doit imposer le dispositif dans les entreprises, selon un seuil qu'il définit. Il doit aussi lister des conditions afin que l'enveloppe soit exploitée intelligemment. Il faut que le forfait soit appliqué à l'usage et non comme un dû, sans contrôle, car nous savons qu'il y a de dérives. Aujourd'hui, personne ne peut réellement certifier que les 400 euros ne servent pas acheter des articles de sports aux enfants à Noël.

 

JA. Sur le terrain, que peut-on dire des résultats de Klaxit ?

JH. La branche Entreprise a traversé une période difficile, en raison de la situation chez les clients potentiels. A la sortie du confinement, le nombre de leads est reparti à la hausse. Le confinement a davantage souri à la branche Territoires en nous permettant d'avancer avec les collectivités. Il en résulte qu'entre septembre et novembre, nous allons annoncer des lancements dans 11 agglomérations françaises, dont Rouen, Angers, Metz et Monaco.

 

JA. Qui sont alors les clients ?

JH. Dans ces cas, Klaxit traite avec les Autorités Organisatrices des Mobilités (AOM), autrement dit des métropoles ou des communautés d'agglomération, qui regroupent à chaque fois de nombreuses communes. A titre d'exemple, le dossier Métropole Rouen Normandie comprend 70 communes en plus de la ville de Rouen.

 

JA. Qu'a-t-il été négocié ?

JH. A chaque fois, l'AOM va subventionner les trajets. Les premiers mois, ils seront donc gratuits pour les utilisateurs, tandis que les conducteurs toucheront une rémunération qui peut rapporter jusqu'à 160 euros par mois pour le transport quotidien de 2 personnes sur un trajet de 20 km. En parallèle, les principaux employeurs du territoire sont invités à prendre part au dispositif. Nous mettons tout en œuvre pour que chacun de nos partenaires aient un résultat visible en six mois.

 

JA. Quel sera l'effet sur votre croissance économique ?

JH. Nos revenus de 2020 étaient peu exposés aux volumes de trajets. Les 7 millions d’euros de revenus pour les 3 années à venir que nous avons annoncés avant la crise ne sont absolument pas impactés et nous continuons de signer de nouveaux contrats. Nous notons que les villes commencent à augmenter les budgets consacrés à nos solutions. Toutefois, elles accusent une baisse des recettes. Il leur faut donc trouver un équilibre.

 

JA. Votre nouvelle concurrence, ce sont les pistes cyclables. Quel regard portez-vous sur leur développement ?

JH. Il est bienveillant. Les pistes cyclables sont un complément parfait et nous les défendons car Klaxit livre bataille à l'autosolisme et non pas aux mobilités alternatives. La marche et le vélo ont un intérêt sur des distances courtes, le vélo électrique convient parfaitement à des trajets de 10 km pour se rendre au travail. Au-delà, le covoiturage s'impose comme la réponse à défaut de transport public.

 

JA. Jamais vous ne parlez des constructeurs automobiles. N'y a-t-il toujours pas de contact ?

JH. Ils observent, mais sur le covoiturage, ils demeurent au stade des interrogations. Fermeront-ils les yeux ou s'ouvriront-ils à un écosystème en formation. Certes, le risque est de vendre moins de voitures au global, mais d’être celui qui en vend le plus demain.

 

JA. Qu'en est-il des véhicules électriques ?

JH. A l'heure où les véhicules électriques deviennent une réalité, il nous appartiendra d'appliquer des modifications. En fait, à niveau de subvention égale, nous ajusterons probablement la tarification. Les coûts de déplacement n'étant pas les mêmes pour le conducteur d'un véhicule à batterie, le passager doit pouvoir en profiter financièrement.


 

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