S'abonner

Comment Sixt One réinvente les services du loueur allemand

Publié le 4 mars 2019

Par Gredy Raffin
6 min de lecture
Le modèle économique du loueur va être bouleversé à partir de cette année avec le lancement d'une toute nouvelle stratégie centrée sur la plateforme Sixt One, présentée le 28 février 2019, à Munich.
Les interfaces de Sixt Ride, Sixt Share et Sixt Rent dans l'application Sixt One.

 

Il y a des changements qui marquent l’histoire d'une entreprise. Celui que vient d’amorcer Sixt pourrait faire date et se présenter comme un tournant décisif. Le 28 février 2019, le loueur allemand a présenté Sixt One, une toute nouvelle plateforme digitale entièrement dédiée aux services de mobilité.

 

Symbole de l’importance du sujet, plus de 1 700 personnes, dont des partenaires, des clients et des collaborateurs du groupe, ont assisté à la conférence tenue par la famille Sixt au grand complet et qui a pris des allures de keynote à la mode californienne. Il y a de quoi, tant Sixt One est une révolution pour l'entreprise et pour le secteur. La plateforme va combiner plusieurs offres de mobilité en une seule interface et avec un compte unique pour l’utilisateur.

 

Cœur de métier oblige, l’application liée à Sixt One permettra de procéder à de la location de véhicules dans sa forme traditionnelle. Sous la dénomination Sixt Rent, le client conservera donc un accès au catalogue, réservera un créneau et pourra, dans certains cas, accéder à l’habitacle grâce à une clé dématérialisée. Une digitalisation complète du parcours qu'Alexander Sixt, le directeur stratégique et organisation de Sixt, assume pleinement. 500 agences et points de récupération dispersés en Allemagne seront impliqués, avant que le maillage ne s'étende aux 2 200 agences réparties dans le monde.

 

Sixt entre dans l'autopartage

 

La nouveauté est ailleurs, dans Sixt One. Le groupe va ajouter l'autopartage, un métier qu'il ajoute pour l'occasion à son périmètre. En effet, le lancement de la plateforme est l'occasion d'officialiser Sixt Share, soit un concurrent des fournisseurs de véhicules en libre-accès.  Depuis l'application, le client pourra procéder à une location allant de quelques minutes à 27 jours. La tarification débutera à 19 centimes par minute et variera en fonction du rapport entre l'offre et la demande. Le système aura cependant l'intelligence d'adapter la formule pour garantir le montant facturé le plus bas.

 

L'Allemagne va inaugurer le service Sixt Share. Le premier semestre 2019 va être consacré au déploiement outre-Rhin. En commençant dès le mois de mars par Berlin, le dispositif concernera de plus en plus de villes germaniques à la fin de l'année. Une fin d'année qui coïncidera alors avec une expansion à d'autres villes européennes, a expliqué Erich Sixt, le président du Conseil d'administration de Sixt, en marge de l'événement.

 

Sixt Rent et Sixt Share partageront les ressources, les véhicules comme les infrastructures et la technologie. "La location et l'autopartage vont fusionner à terme, prédit l'avenir du secteur Alexander Sixt, interrogé par le Journal de l'Automobile. "Raison pour laquelle nous avons développé notre propre boitier de connectivité. Ainsi nous pouvons gérer les deux activités sur une même application avec une flotte unifiée". Il rapporte que plusieurs centaines d'unités sont équipées chaque jour. Une véritable cadence industrielle imposée par les ambitions de déploiements.

 

Sixt Share n'est pas fermé. Sans livrer de plus amples détails sur le dossier, le directoire du groupe Sixt assure que des accords pourraient être trouvés avec des constructeurs. Les services d'autopartage fournis par les marques pourraient alors faire leur apparition sur l'application, tout comme ceux d'opérateurs indépendants. Un schéma qui placerait l'enseigne allemande dans le rôle d'apporteur d'affaires.

 

Sixt Ride, l'agrégateur de taxis et VTC

 

Sixt Rent, Sixt Share, mais également Sixt Ride, la troisième brique de l'application de mobilité. Dans le cas de cette autre nouvelle activité, Sixt propose de référencer des compagnies de taxis (et moto taxis) et de VTC, sur les différents marchés, à l'instar de Lyft aux Etats-Unis, de Cabify, à travers l'Europe et de la plateforme Le Cab, à Paris, qui ont déjà signé un accord avec le groupe allemand. "Les clients s'agacent d'avoir à recommencer les mêmes formalités pour tous les services de transport, nous leur proposons d'accéder à une multitude de prestataires, quel que soit le pays", introduit Konstantin Sixt, le directeur des ventes. Sixt se charge de la facturation et rétribue ensuite la valeur à l'entreprise qui a délivré la prestation. Le directoire refuse cependant d'en dévoiler davantage sur les termes des contrats et sur le modèle économique. Est-ce forfaitaire ou le loueur allemand prend-t-il une commission ?

 

Des négociations auraient débuté avec d'autres grands noms du secteur. Celui d'Uber s'échappe au détour d'une conversation. Le géant américain pourrait s'engager sur un périmètre intégrant plusieurs villes européennes. Une autre source interne nous apprend que des centaines de références en France ont été trouvées et vont être intégrées à l'application Sixt One. Il s'agit de compagnies de taxis, de chauffeurs indépendants, mais aussi d'acteurs du secteur des VTC. "Nous ne voulons pas devenir une plateforme de VTC, clarifie Alexander Sixt, nous voulons apporter autre chose, une valeur ajoutée inédite en leur proposant de s'associer avec nous sur notre plateforme Sixt One, car nous estimons que les acteurs en place font un très bon travail".

 

Du bon modèle économique

 

Si le métier de loueur a permis à Sixt de gagner de l'argent jusqu'ici, le défi est aujourd'hui sans commune mesure. En effet, l'allemand prend le pari de se développer en investissant dans des métiers qui, jusqu'à présent, n'ont jamais été rentables. Certes les prédictions des cabinets d'études tablent sur des chiffres d'affaires conjugués qui s'élèvent à plusieurs dizaines de milliards de dollars rien qu'aux Etats-Unis, mais il y a un coût logistique, une répartition de la valeur et impact de la technologie qui mettent à mal les équilibres. Surtout, il y a une nouvelle concurrence de poids, celle du mastodonte formé par l'alliance BMW-Daimler et ses cinq coentreprises. Deux constructeurs premium qui ont comme principal client dans le monde… la compagnie Sixt, ancienne co-détentrice des parts de DriveNow, l'autopartage de BMW.

 

Si le duo BMW-Daimler revendique 60 millions d'utilisateurs à leur démarrage, Sixt One va prendre appuie sur les 20 millions de clients ayant eu recours aux agences de location. De surcroit, l'enseigne orange et noire totalise 240 000 véhicules d'une vingtaine de marques différentes sur ses parcs et les 1 500 compagnies de taxis et VTC partenaires adressent des courses à 1 million de chauffeurs actifs. A la bataille des chiffres, Sixt One ne perd pas de terrain. L'ajout de vélos et de trottinettes en libre accès soutiendra ensuite la crédibilité de la dimension servicielle. Une mutation des gènes dont il faudra surveiller les effets et les conséquences dans les années à venir.

Vous devez activer le javacript et la gestion des cookies pour bénéficier de toutes les fonctionnalités.
Partager :

Laisser un commentaire

cross-circle