Véhicules : gare à "l’embonpoint"
Parmi les nombreux thèmes au menu de ces discussions toujours très animées et qui s’étaleront jusqu’à la fin de l’année, la fiscalité automobile, celle-là même qui a - en partie - lancé le mouvement des "gilets jaunes" en novembre 2018, avec les conséquences que l’on sait.
Dépendant des services du Premier ministre, l’organisme France Stratégie n’hésite pas à mettre les pieds dans le plat en matière fiscale : pour faire enfin baisser les émissions de CO2 des voitures, responsables pour une part du réchauffement climatique, pourquoi ne pas taxer les véhicules en fonction de leur poids ? "Un bonus-malus indexé non seulement sur les émissions de CO2 comme aujourd’hui, mais aussi sur le poids du véhicule, comme c’est le cas en Norvège, ce qui contribuerait à dissuader les ménages d’acheter des voitures toujours plus grosses et plus lourdes", estime le think-tank.
C’est un nouveau caillou dans la chaussure des constructeurs, qui n’en sont plus à un près… Car en ligne de mire du plan de France Stratégie, ce sont les SUV qui sont clairement visés. Ils représentaient moins de 5 % des immatriculations de voitures neuves en Europe en 2000 et captent aujourd’hui une vente sur trois. En France, la mode des SUV bat aussi son plein avec plus de 36 % des immatriculations effectuées par les entreprises en 2018, le segment le plus dynamique du marché automobile national. Parmi les véhicules les vendus, selon les calculs de l’Arval Mobility Observatory, pas moins de trois SUV figurent désormais en bonne place et font les bonnes affaires des PSA et autres Renault-Nissan.
Après le "diesel bashing" qui, au passage, a contribué à la remontée des émissions de CO2 depuis deux ans dans la mesure où le parc roulant à l’essence a augmenté, sommes-nous à la veille d’un "SUV bashing" ? Cette chasse à "l’embonpoint" des véhicules touchera-t-elle toutes les motorisations et dans ce cas également les véhicules électriques lourds, ou sera-t-elle concentrée sur l’objet de tous les maux des défenseurs de l’environnement, à savoir les véhicules thermiques ? Sur cette question, a priori, France Stratégie fait preuve de bons sens puisqu’il préconise -toujours au nom de la lutte contre l’embonpoint- de ne plus accorder de bonus à l’achat aux véhicules électriques de plus de 2 tonnes (type Audi e-Tron) et de les assujettir même à un malus !
Reste une question : pourquoi les véhicules ont-ils pris autant de poids en un demi-siècle et les consommateurs sont-ils prêts à cette cure d’amincissement ? Car à y regarder de plus près, l’augmentation de la masse des voitures est très liée à la montée en gamme de leurs équipements. Aujourd’hui, on veut pouvoir écouter de la musique, se laisser guider par des applications pour ses déplacements, rouler en toute sécurité. Ces nouvelles conditions de conduite ont, non seulement un coût financier, mais renchérissent également le poids des modèles avec de nouveaux matériaux et objets.
Et encore, tous les SUV ne pèsent pas forcément plus lourds que leurs ancêtres monospaces. Prenez le cas du 5008, 5e véhicule le plus immatriculé dans les entreprises l’année dernière. La version SUV est mieux disante avec un poids compris entre 1,3 et 1,36 tonne, pour 165 cm de hauteur et 210 cm de largeur, là où le monospace 5008 pesait entre 1,5 et 1,6 tonne, pour 164 cm de hauteur et 212 cm de largeur…
Lancer des ballons d’essai auprès de l’opinion publique, c’est bien. Mais ne pas tomber dans la surenchère, c’est mieux. Aujourd’hui le débat sur la fiscalité automobile n’est toujours pas ouvert. Les émissions de CO2 servent toujours de référence, alors qu’il faudrait élargir à d’autres polluants. Quant au véhicule électrique, paré de toutes les vertus, il a du mal à convaincre les clients qui en ont encore une perception négative, nous expliquent les auteurs d’une étude du cabinet Oliver Wyman. Tenir un langage de vérité, c’est à cette condition que les pouvoirs publics obtiendront une vraie adhésion de leur opinion publique.
L’Arval Mobility Observatory