Véhicule autonome : collectif rural avant urbain individuel ?
Il y a encore peu, la moindre sortie d’un véhicule autonome sur quelques mètres en route ouverte faisait la Une des JT du monde entier. Leurs heureux usagers se prêtaient de bonne grâce aux vidéos où on les voyait, "mains détachées du volant", se laisser tranquillement conduire en lisant leur journal. On ne comptait plus les études sur ce que feraient les passagers à bord de ces modèles s’ils n’avaient plus à conduire, et on pariait sur le temps additionnel de travail ou au contraire de loisirs, que cela leur procurerait…
Comme dans beaucoup de domaines, le soufflet s’est quelque peu dégonflé et le véhicule autonome fait moins "le buzz". A preuve les dernières annonces de Volkswagen, qui compte investir 27 milliards d’euros d’ici 2025, ou de Honda qui vient de lancer au Japon la commercialisation en série très limitée de la première voiture au monde dotée d'un système homologué de conduite autonome avancé de niveau 3, n’ont pas fait vibrer les foules. Quant à la bataille annoncée entre les GAFA pour ne plus laisser le champ libre au seul Google avec ses 32 millions de kilomètres parcourus sur routes ouvertes, elle fait, elle aussi, moins la "Une".
Le développement d’un schéma économique du véhicule autonome est plus long et délicat que prévu. Les perspectives pour la voiture particulière sont pour l’instant décevantes et plus limitées qu’attendu. Les constructeurs automobiles, contraints de dépenser des milliards d’euros pour respecter leurs obligations en matière de transition énergétique, revoient en conséquence leurs priorités. Après l’euphorie de la nouveauté, c’est donc un peu le retour sur terre et à la réalité.
D’autant que des questions émergent sur l’utilité du véhicule autonome dans la transition écologique. Et là, les points de vue divergent. Un rapport réalisé par la Fabrique Ecologique pour le compte du Forum Vies Mobiles n’y va pas, selon l’expression, "par quatre chemins". Selon lui, il ne pourra pas y avoir de déploiement massif du véhicule complètement autonome avant 2050, soit après l’échéance fixée par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) pour atteindre la neutralité carbone. Conséquence, "le véhicule autonome ne peut clairement pas contribuer valablement à la course contre le changement climatique dans laquelle sont engagés les pays d’ici 2030 et 2050", expliquent les auteurs. (1)
Les bienfaits environnementaux de cette technologie font effectivement débat. Si sa consommation énergétique devrait effectivement être moindre par rapport à un véhicule traditionnel, le bilan carbone du véhicule autonome (en raison des multiples équipements électroniques et de la quantité de données gigantesque échangées entre véhicules) ressort assez médiocre. Comme l’indique le rapport du Forum vies mobiles, le véhicule autonome peut en outre induire des "effets-rebonds" néfastes pour l’environnement, tels que l’augmentation des distances parcourues, le risque d’étalement urbain ou encore la circulation à vide des véhicules.
Il parait de plus en plus évident que le modèle du véhicule autonome passera davantage par un scénario de "navette autonomes collectives ou semi-collectives". Certains assureurs, comme la Macif, privilégient d’ailleurs ce type d’initiatives pour venir en aide aux territoires dits "peu denses" et mal équipés en solutions de mobilités (gares, cars…). Et c’est dans la Drôme, qu’une navette autonome des champs, baptisée "Beti", a été expérimentée l’automne dernier sous la houlette de la société familiale de transports Bertolami. N’en déplaise aux amateurs de science-fiction, et si l’avenir du véhicule autonome résidait avant tout dans son apport à la mobilité rurale plutôt qu’urbaine ? Pour une fois les champs seraient servis avant les villes !
L’Arval Mobility Observatory
(1). "Le véhicule autonome sur route peut-il participer à la transition énergétique ? ". Forum Vies Mobiles et La Fabrique Ecologique. Mars 2021.