Quand on partait de bon matin… à bicyclette…
Pour parodier la formule d’un publiciste de renom, à l’époque : "qui n’avait pas sa formule de covoiturage ou d’autopartage, avait en quelque sorte raté le coche (à défaut de sa vie)" ! Une pandémie de Covid-19 plus tard, virage à 360° toute. Par crainte des risques de contamination, des Français font valoir à longueur de sondages et autres micro-trottoirs « leur droit de retrait » face aux transports en commun ou aux solutions de déplacements mutualisées. Plutôt que de risquer leur santé, faute de distanciation sociale possible dans des rames ou des wagons d’ordinaire surchargés, ils comptent jeter de nouveau leur dévolu sur la bonne vieille voiture individuelle (qui n’en demandait pas tant), la marche à pieds et le vélo.
Qu’il s’agisse du gouvernement, des collectivités locales, des employeurs ou des citoyens, la bicyclette est érigée en arme fatale du déconfinement. N’en déplaise aux agents de la RATP ou de la SNCF qui, une fois n’est pas coutume, font montre d’une énergie débordante pour faire savoir qu’ils remettent les trains et autres métros sur les rails, montent en puissance leurs capacités de transports et se décarcassent pour la santé des usagers, les deux-roues leur volent la vedette.
Au risque de forcer un peu le trait, la bicyclette est sacrée « petite reine du déconfinement » par la ministre des Transports, Elisabeth Borne. Dans plusieurs communes, elle est élevée au rang de « geste-barrière pour se protéger et protéger les autres », à compter du 11 mai. Rien n’est trop beau pour le deux-roues, que les Chinois, longtemps rois mondiaux du vélo, ont pourtant troqué contre des automobiles dès que leur niveau de vie le leur a permis…
Pistes cyclables temporaires, plan gouvernemental de 20 millions d’euros pour développer l’usage du vélo pendant la période de déconfinement, chèque de 50 euros accordé à chaque Français pour faire réparer son deux-roues.
Le vélo a bel et bien « un boulevard devant lui », comme le titrait en Une il y a quelques jours, le quotidien Libération (1). Pas de chance pour les transports publics qui font leurs comptes (grèves de l’automne + impact du Covid-19), et qui appellent l’Etat à la rescousse pour les aider à combler leurs pertes.
Attention toutefois aux risques de cet emballement généralisé. Tous les salariés ne pourront utiliser ce mode déplacement pour retourner sur leur lieu de travail : l’âge, la santé, la distance et les côtes aussi, auront raison de l’enthousiasme de certains. Phénomène très urbain, il ne pourra pas non plus convenir aux ruraux pour qui, la voiture restera l’outil de déplacement ad hoc. Même chose pour les artisans, commerçants etc., l’usage du vélo sera toujours restreint, pour eux, aux sorties dominicales en famille !
Enfin, pour que la greffe prenne durablement, il conviendra que tous (cyclistes d’un jour, « vélotafeurs », décideurs politiques, autorités publiques et locales, sans oublier les employeurs) assument leurs responsabilités. Car derrière ce beau consensus, se cache une réalité un peu moins « glamour » : l’année dernière, pas moins de 184 cyclistes ont perdu la vie sur leur machine, selon la Sécurité routière ; un chiffre en hausse de 5 % par rapport à 2018 et de 25 % par rapport à 2010. A vélo, dans Paris et ailleurs, les Français devront donc apprendre la sécurité, sous peine de mettre leurs vies en danger ; comme dans les transports en commun, si les « gestes barrière » ne sont pas respectés, finalement.
En attendant de voir l’engouement réel et sur la durée des Français pour la bicyclette, cette euphorie d’avant-11 mai mettra sans doute un peu de baume au cœur des amoureux du Tour de France, privés cet été de leur événement-fétiche, et qui ont encore à cette heure, quelques incertitudes sur sa tenue réelle à la fin de l’été.
L’Arval Mobility Observatory
(1) Libération. (4 mai 2020).