Quand "course à l’électrification" rime avec "travaux d’Hercule"
Quand l’industrie mondiale se met à l’heure de l’électrification, cela débouche sur de grandes manœuvres à tous les étages : une course à plusieurs milliards de dollars chez les constructeurs automobiles pour sortir des gammes électriques ou hybrides rechargeables dans tous les segments ou presque ; des alliances entre énergéticiens pour produire des énergies renouvelables ou de l’hydrogène vert, là encore moyennant des dizaines de milliards de dollars d’investissements ; des rachats de fabricants d’infrastructures de recharges électriques à tour de bras ; des rapprochements entre constructeurs et géants de l’énergie pour développer des mobilités électriques… Rien ne semble trop beau pour asseoir la domination de l’électrique dans l’économie mondiale au cours des décennies à venir et mettre une bonne fois pour toute au pilori les énergies fossiles, symboles de la 2e révolution industrielle, mais accusées d’être en grande partie responsables du réchauffement climatique actuel.
Dernières illustrations de ce rouleau compresseur qui contraste avec l’atonie de l’économie mondiale, à l’arrêt depuis près de onze mois pour cause de pandémie de la Covid-19 et de ses multiples variants, l’alliance toute fraîche entre Stellantis et Engie dans les services de mobilités électriques, ou encore le rachat d’ubriticity par le pétrolier Shell dans les bornes de recharges. Gouverner c’est prévoir, dit le proverbe. Pas étonnant donc qu’en attendant des jours meilleurs et en anticipation d’une sortie de la crise sanitaire, chacun se positionne sur le planisphère géant de l’écosystème électrique.
D’autant que l’opinion publique se rallie progressivement (mais sûrement) à la cause électrique. Il ne faut donc pas rater ce train. Dans son dernier Baromètre de la mobilité réalisé avec Ipsos, l’opérateur d’infrastructures de recharge EVBox affirme que les Français, s’ils en avaient la possibilité, choisiraient prioritairement un employeur leur offrant la possibilité de conduire un véhicule électrique de fonction. Problème, à ce jour selon le Baromètre, seuls 16 % des Français travaillent dans une entreprise qui propose ce type de véhicule, contre 20 % pour la moyenne des pays étudiés…
C’est une chose de vouloir faire rouler des millions de véhicules électriques (voire électrifiés) dans le pays, de développer des solutions de déplacements faisant la part belle à ces motorisations propres, encore faut-il pouvoir alimenter ces véhicules en "carburant… électrique !". Autrement dit, garantir les capacités de production nationales pour répondre à la demande. Chaque année, à l’entrée de l’hiver on se pose la question "la France risque-t-elle un black-out énergétique" en cas de grand froid ? Avec l’électrification massive des usages (voitures, logements neufs, 5G…), ce risque se posera en permanence et on imagine déjà les "Unes" des JT du soir alarmistes sur "la France va-t-elle manquer d’électricité"?
Comme l’indiquait en fin d’année dernière le baromètre Observ’ER et l’Ademe et malgré une année 2020 riche en annonces, les mises en chantier de nouvelles capacités éoliennes et solaires prennent du retard et sont en deçà des objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), encore bien incapables de pallier les carences du parc nucléaire français. Tous les regards se tournent dès lors vers EDF, mais là encore, les interrogations demeurent. Empêtré dans un programme de réorganisation qui prend du retard (le fameux plan Hercule qui lui a valu cette semaine un plongeon de -15 % en une seule séance à la Bourse) et face à un "mur d’investissements" (pour reprendre l’expression des analystes qui suivent l’entreprise), évalué à 16 milliards d’euros par an et supérieur au cash qu’il dégage, le groupe ne sera peut-être pas autant au rendez-vous qu’attendu. Attention donc aux courts-circuits. Car quand EDF s’enrhume, assurément, le contribuable tousse aussi !
L’Arval Mobility Observatory