On achève bien les chevaux. Mais pas encore les autos !
En France, il faut remonter plus de 40 ans en arrière pour trouver d’aussi mauvais chiffres de ventes de véhicules neufs. Seuls 2,5 % des ménages envisagent d’acheter un véhicule dans les prochains mois ; ils étaient 7 % au début des années 90, selon le dernier baromètre de l’Observatoire Cetelem.
Au-delà des statistiques, c’est davantage l’image de l’automobile dans l’opinion publique qui pose question. Jadis fierté industrielle nationale, symbole d’une certaine réussite sociale, la voiture est progressivement devenue la mal-aimée de nos sociétés modernes et même (avouons-le) le bouc émissaire de certains. Jugée trop polluante aux particules fines (après avoir été encouragée à coups de subventions publiques pour réduire les émissions de CO2), la voiture diesel a été jetée aux orties. C’est maintenant au tour de l’ensemble des véhicules thermiques (essence inclus donc) d’être sur le fil du rasoir, avec une disparition programmée d’ici 2040 un peu partout en Europe.
La voiture ne fait plus rêver, de plus en plus de citoyens estiment qu’ils peuvent tout bonnement s’en passer : sept Français sur dix affirment qu’il faut réduire sa place dans la société et six sur dix pensent que les critiques à son égard sont justifiées. En un mot, et pour reprendre l’Observatoire Cetelem, "la pression sociétale sur la voiture est forte"…
Avec un tel "track-record", les mesures anti-voitures ont un boulevard devant elles : explosion du nombre de ZFE (250 en Europe), des taxes environnementales (malus écologique, malus au poids) ou encore des interdictions de stationner en centre-ville. Les ukases sur la voiture mettent une pression folle sur les transports en commun et autres nouvelles solutions de mobilité, qui doivent prendre le relais en un temps record. Et peu importe que tous les investissements de modernisation des lignes de trains, RER et autres métros ne soient pas au rendez-vous ; dans l’esprit d’une certaine élite, la voiture (surtout thermique) est à mettre au rebut, un point c’est tout.
Les statistiques ont pourtant la vie dure : car en même temps qu’ils l’a vouent aux gémonies, les Français admettent qu’ils ne peuvent pas se passer de leur automobile dans leur vie de tous les jours : soit parce qu’ils sont loin des transports en commun, qu’ils habitent dans des territoires ruraux, qu’ils sont épris de liberté ou qu’ils se sentent protégés dans un véhicule (la crise de la Covid-19 remet d’ailleurs l’église au milieu du village et redonne une forme de légitimité à la voiture).
Autre constat, qui donne à réfléchir sur la disparition de l’auto de nos sociétés, les Français conservent de plus en plus longtemps leur véhicule. Et lorsqu’ils achètent des VO, ils les choisissent de plus en plus âgés pour des raisons de pouvoir d’achat bien compréhensibles : en 2020, il s’est ainsi vendu plus d’un million de véhicules d’occasion de 15 ans et plus, un chiffre en progression de 3,7 %.
On est donc loin de l’image -idyllique pour la planète- des Français conduisant majoritairement et à court terme, un véhicule full électrique ou hybride rechargeable. Certes, le nombre de modèles électrifiés connaît une forte croissance dans le monde. Mais la transition énergétique n’est pas aujourd’hui à la portée de tous ; à cet égard les finances publiques, déjà mises à rude épreuve par la crise sanitaire, seront sans doute contraintes de l’accompagner encore pas mal de temps avec des aides à l’achat.
Dans le cas contraire, les Etats courront le risque de se couper d’une partie de leurs électeurs, lesquels ne verront dans la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique que des freins à leur liberté et une atteinte à leur pouvoir d’achat. La révolte des gilets jaunes n’avait-elle pas déjà commencé par un refus des hausses de taxes sur les carburants ?
L’Arval Mobility Observatory