Non, le charbon n’est pas mort ; il brûle encore !
S’il fallait désigner les "gagnants" de la crise liée à la pandémie de Covid-19, l’écologie figurerait à coup sûr en bonne place sur le podium. Jamais, dans les discours tout au moins, la mobilisation en faveur d’une économie plus verte, de transports moins polluants, de comportements d’achats plus durables, d"’un monde d’après" plus respectueux des cycles naturels, n’ont été aussi nombreux. Et, de mémoire de journaliste politique, jamais des élections municipales en France n’avaient donné les clés d’autant de grandes villes (Paris, Lyon, Bordeaux, Strasbourg…) à des équipes écologistes ou à très forte connotation verdoyante.
Cette "écologie mania" s’est d’ores et déjà traduite par un changement en profondeur des achats automobiles, avec en France un effondrement du Diesel et un peu partout dans le monde, une montée en puissance des voitures électriques et autres modèles hybrides. Dans l’énergie, les géants pétroliers font leur révolution culturelle en faveur des énergies propres. Quant à la finance, sous la pression des agences de notation, elle promet de ne plus financer les énergies fossiles polluantes, pour atteindre un objectif de neutralité carbone en 2050.
Dans ce contexte vertueux, sur le papier, il n’y aura naturellement plus de place pour le charbon, symbole de la Révolution industrielle du XIXème siècle et synonyme aujourd’hui de pollution maximale et de contribution majeure à l’effet de serre. Comme l’écrivait l’éditorialiste Philippe Escande dans le Monde fin 2019, "l’affaire semblait entendue. Le monde avait entamé sa cure de désintoxication du charbon, sous la pression des politiques de lutte contre le changement climatique." (1)
D’autant plus que des signaux politiques forts étaient envoyés aux populations : en France, ce sera presque la fin du charbon et des quatre centrales encore en service en 2022 ; chez nos voisins allemands, la sortie du charbon (qui représentait en 2019 près de 30 % de l’électricité injectée sur les réseaux de transport d’électricité) est programmée pour 2038. En Espagne, sept sites ont fermé leurs portes le 30 juin et en 2021, il ne devrait rester que deux centrales en activité. Enfin, au Japon, le gouvernement s’est engagé début juillet à réduire sa dépendance énergétique au charbon à horizon de 2030, sans toutefois confirmer les rumeurs de fermeture de 100 vieilles unités.
Oui mais voilà, "on n’a pas fini d’entendre parler du roi charbon", prévient pourtant Philippe Escande. "Dans le bouquet énergétique mondial, le charbon est loin d’être mort", renchérit Encyclopédie Energie sur le site EchosSciences Grenoble (2). Et d’expliquer, que "certes la part de ce combustible dans le bouquet énergétique mondial ne croît plus, mais ses 27 % derrière les 32 % du pétrole et devant les 22 % du gaz naturel, vont mettre plus de temps à se tasser que ne l’imaginent les prospectivistes !"
L’actualité pourrait bien donner raison à ces différentes analyses. L’archipel japonais, qui dépend à 30 % du charbon pour la production de son électricité, ne compte pas moins d’une dizaine de projets de construction de nouvelles centrales… Quant à l’Allemagne, elle a mis en service fin mai la nouvelle centrale au charbon de Datteln 4 dans l’ouest du pays, suscitant l’incompréhension des organisations environnementales.
Les plus grosses inquiétudes viennent de la Chine (qui consomme la moitié du charbon mondial) et de l’Inde. Dans ces deux pays, les nouvelles ne sont guère favorables pour les défenseurs de l’environnement. Pressé de relancer son économie, le gouvernement indien entend augmenter la production en faisant appel à des investissements étrangers, pour assurer l’autosuffisance du pays (il possède les 4èmes plus importantes réserves mondiales) et créer au passage 300 000 emplois. Quant à la Chine, (qui avait pourtant signé l’accord sur le climat à Paris en 2015), elle envisage d’augmenter de 21 % les capacités de ses centrales par rapport à 2019, explique le correspondant du Monde (3). Il s’attend d’ailleurs à un nouveau boom du charbon dans le premier atelier de fabrication de la planète.
Pour parodier le philosophe grec Aristote, n’oublions pas que "les progrès en matière environnementale ne valent que s’ils sont partagés par tous". Et que la planète est unique.
L’Arval Mobility Observatory
(1). « On n’a pas fini d’entendre parler du roi charbon ». Le Monde. 17 décembre 2019
(2). « Dans le bouquet énergétique mondial, le charbon est loin d’être mort ». EchosSciences Grenoble. 6 juillet 2020