Mobilité durable : moins facile à faire qu’à dire
Difficile de faire le bilan d’une nouvelle solution de mobilité alors que depuis un an, c’est à un immobilisme forcé que l’on contraint les citoyens pour tenter de venir à bout d’un virus coriace et de ses nombreux variants. Créé en 2019 par la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM), le Forfait Mobilités Durables (FMD) est pourtant l’un des piliers de ce texte de loi qui devait révolutionner les déplacements des salariés dans les entreprises, en les désintoxicant de leur voiture, grâce à une panoplie de solutions plus flexibles et diversifiées les unes que les autres.
Au moment de souffler sa première bougie, les concepteurs du FMD ne peuvent que constater l’ampleur de la déflagration économique de la crise de la Covid-19 sur leur innovation sociale. Alors que le secteur des transports concentre à lui seul 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France, l’avènement du Forfait Mobilités Durables aurait dû constituer une arme efficace de réduction de ces émissions, en substituant au bon vieux véhicule de fonction (thermique qui plus est), des solutions "douces", écologiques et appréciées des jeunes actifs comme le vélo électrique, les locations de trottinettes en libre-service ou l’auto-partage.
Las ! Dans la réalité, on reste assez loin de ce scénario. A ce jour, seulement 20 % des entreprises ont adopté ce nouveau dispositif, nous indique la première enquête sur le sujet, réalisée par le ministère des Transports et l’Ademe (1). Compte tenu du contexte économique, social et sanitaire, que connaît la France depuis un an, les optimistes de nature diront que ce n’est pas si mal, d’autant que la mise en place du FMD n’a pas de caractère obligatoire. Les autres feront valoir que ce dispositif n’a pas trouvé son public faute d’un véritable intérêt. De fait, parmi les freins mis en avant par les employeurs interrogés dans l’enquête, le caractère "non prioritaire du projet" est mis en avant par 32 % d’entre eux. Le poids budgétaire est avancé par 35 % d’entre eux et "le manque d’utilité perçu" par 32 %.
C’est vrai que le calendrier de déploiement du Forfait Mobilités Durables est loin d’être idéal. Face à la pandémie, à l’arrêt brutal de l’économie au printemps dernier, aux mesures de "stop and go" décidées par l’exécutif, à la généralisation du télétravail, les entreprises et leurs directions RH n’avaient sans doute pas la tête à se lancer dans des chantiers de ce type. Il faut en effet du temps pour en comprendre les mécanismes ; le baromètre pointe d’ailleurs une communication insuffisante et des clarifications nécessaires à apporter au dispositif.
Depuis plusieurs années, au nom de considérations écologiques, l’exécutif a été tenté de multiplier les mesures censées réduire la place de l’automobile, les embouteillages et la pollution de l’air. Avec le risque pour les entreprises, d’être quelque peu dépassées par un tel empilement de dispositifs. Certains sont obligatoires (mais sans sanctions) comme le plan de mobilité entreprise ; d’autres sont facultatifs, mais "fortement conseillés", comme le FMD. Pas facile de s’y retrouver donc.
Pour changer réellement les relations des Français à leur automobile, il faudra sans doute plus qu’un arsenal législatif facultatif. Surtout que depuis un an, la pandémie de Covid-19 les a détournés des transports en commun et les pousse au contraire à réutiliser massivement leur voiture personnelle pour leurs déplacements. Alors, immobile la mobilité ?
L’Arval Mobility Observatory
(1). Baromètre Forfait Mobilités Durables, réalisé du 1er au 22 mars 2021 auprès de 1 047 organisations par Via ID et Ekodev pour le compte du Ministère en charge des Transports et l’Ademe.
